Avis 20232471 Séance du 01/06/2023

Monsieur X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 février 2023, à la suite du refus opposé par le président de la Fédération française de rugby à sa demande de communication, dans un format standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé (format excel ou PDF), des documents statutaires et comptables suivants pour la Fédération française de rugby (FFR), le GIP FRANCE 2023, le GIE et la ligue Sud de rugby : 1) s'agissant de la FFR, les documents comptables pour les exercices 2019‐2020 / 2020‐2021 : a) les balances générales et auxiliaires ; b) les grands livres généraux et auxiliaires ; c) les grands livres clients, fournisseurs, tiers et auxiliaires ; 2) s'agissant du GIP 2023 créé le 28 avril 2018 dont la FFR détient 62% des droits (État 37% et CNOSF 1%), les mêmes documents ; 3) s'agissant du GIE créé le 12 septembre 2017 dont la FFR détient 55% des droits, le GIP détenant le solde, depuis leur origine en 2017 et 2018 : a) les bilans, comptes de résultat ; b) les balances générales et auxiliaires ; c) les grands livres généraux et auxiliaires ; d) les grands livres clients, fournisseurs, tiers et auxiliaires ; e) les conventions et rapports du commissaire aux comptes, documents que le commissaire aux comptes de la FFR, X, a affirmé avoir eu en AGF du 3 décembre 2022, comme les élus, à sa disposition pour analyse ; 4) s'agissant de la ligue Sud de rugby (organe déconcentré de la FFR) : a) les écritures, factures ou autre documents concernant les 20 000 € de débentures (obligations émises par la FFR) passés en pertes ou cession d'immobilisations dans les comptes de la ligue Sud de rugby ; b) le propriétaire de ses titres ; c) qui a exercé depuis 2018, les droits à achat de places pour les matchs des équipes de France attachés à ces titres ? 1. Sur la notion de document administratif et l'obligation de transmission : La commission, qui a pris connaissance des observations du secrétaire général de la Fédération française de rugby, rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, (...), les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (...) ». La commission rappelle, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L131-9 du code du sport que les fédérations sportives sont des organismes privés chargés de missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives. En outre, l'article L131-11 du même code dispose que les fédérations agréées peuvent confier à leurs organes nationaux, régionaux ou départementaux une partie de leurs attributions. La commission en déduit que la Fédération française de rugby revêt le caractère d'un organisme privé chargé d'une mission de service public au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Il en va de même de ses structures déconcentrées telles la ligue Sud de rugby. La commission relève, en deuxième lieu, que le groupement d’intérêt public (GIP) France 2023 est un groupement régi par les dispositions du chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ainsi que du décret n° 2012-91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d’intérêts publics. Il est, aux termes de sa convention constitutive approuvée par arrêté du ministre de l'action et des comptes publics et de la ministre des sports du 26 avril 2018, chargé d’une mission de service public industriel et commercial pour organiser et promouvoir la coupe du monde de rugby 2023. En ce sens, l’article 1.2 de cette convention dispose que le groupement a pour objet d’organiser la coupe du monde dans tous ses aspects et en exclusivité (point 1.2.1) et énumère les missions dont le groupement est notamment chargé en vue de la réalisation de son objet (point 1.2.2), au nombre desquelles figurent la préparation, le financement et l’organisation de la coupe du monde « sur les plans sportif, technique, juridique et financier ». La Commission, qui relève qu’une telle présentation est similaire à celle des attributions du Comité d'organisation des jeux olympiques « Paris 2024 », estime, comme elle a pu le faire s’agissant de ce dernier (conseil n° 20191480 du 5 septembre 2019), que le GIP France 2023 est ainsi chargé d’une mission de service public globale, définie à l’article 1.2, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les différentes missions qui y sont précisément listées dès lors qu'elles participent toutes à l'organisation et à la promotion de la coupe du monde de rugby 2023. En troisième lieu, la commission estime que le groupement d'intérêt économique (GIE) mentionné au point 3), dont elle comprend qu'il s'agit du GIE « Rugby hospitalités et voyages » est un organisme de droit privé qui n'est pas chargé d'une mission de service public. Elle relève en particulier que, selon un rapport de l'inspection générale des finances de mars 2018, ce GIE est chargé d'assurer la commercialisation d’une partie des billets accompagnés de prestations de voyage, d’hébergement et d’accueil. Il n'apparaît donc pas, au vu des éléments dont dispose la commission, que cette personne morale de droit privé soit chargée d'une mission de service public. Elle considère, par suite, que les documents sollicités au point 3) ne revêtent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ du CRPA. La commission rappelle, en dernier lieu, qu'en application du sixième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, lorsqu'une administration au sens de l'article L300-2 du code précité est saisie d'une demande de communication portant sur un document administratif qu'elle ne détient pas mais qui est détenu par une autre administration, elle la transmet à cette dernière et en avise le demandeur. Ces dispositions ne sauraient toutefois avoir pour effet d'imposer à une telle autorité de solliciter d'un tiers la remise d'un document qui n’est pas en sa possession afin de satisfaire à une demande de communication. En application des principes rappelés ci-dessus, la commission estime que dans l'hypothèse où il ne détiendrait pas l'ensemble des documents sollicités, il appartient au président de la Fédération française de rugby de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, aux autorités susceptibles d'y répondre présentant le caractère d'administration au sens de l'article L300-2, c'est à dire à la ligue Sud de rugby et au GIP France 2023 et d'en aviser le demandeur. Cette obligation de transmission ne s'impose en revanche pas pour le GIE « Rugby hospitalités et voyages ». 2. Sur les principes de communication des documents sollicités : La commission rappelle, en premier lieu, que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur les points 4)b) et 4)c) de la demande, qui portent en réalité sur des renseignements. En deuxième lieu, la commission relève, ainsi que l’a jugé le Conseil d’État (CE 25 juillet 2008, CEA, n° 280163), que les documents relatifs à la vie d’un organisme de droit privé (tels que comptes annuels, rapports des commissaires aux comptes, procès-verbaux des assemblées générales…), qui retracent les conditions dans lesquelles cet organisme exerce la mission de service public qui lui a été confiée, présentent par leur nature et par leur objet le caractère de documents administratifs communicables. Elle relève également que le Conseil d'État (CE 13 avril 2021, n°s 435595, 440320) a précisé que, si les comptes d'un tel organisme, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce la mission de service public qui est la sienne, présentent dans leur ensemble, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs, les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l’organisme ne constituent des documents administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu’elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public. 3. Application au cas d'espèce : En application de ces principes, la commission estime, d'une part, que les balances comptables, tableaux synthétiques récapitulatifs des comptes, permettent d'apprécier les conditions dans lesquelles un organisme de droit privé exerce sa mission de service public et sont donc communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration. Elle estime, en revanche, que les grands livres comptables qui transcrivent l'ensemble des mouvements de comptabilité, au même titre que les factures, qui constituent des pièces comptables, ne sont communicables que pour les seules opérations présentant un lien suffisamment direct avec cette mission de service public. Elle considère, ensuite, que les pièces et documents comptables sollicités au point 4) a) ne sont également communicables que s'ils présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public de l'organisme concerné. La commission émet, dans ces conditions et sous ces réserves, un avis favorable à la demande. Elle comprend enfin que la Fédération française de rugby n'est pas en possession des documents relevant du GIP 2023 et de la ligue Sud de rugby. Elle l'invite, en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, à transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à ces organismes et à en aviser le demandeur.