Avis 20230962 Séance du 30/03/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le président de la caisse autonome de règlements de la profession d'avocats (CARPA) du Pays du Mont Ventoux à sa demande de communication, en vertu du livre III du code des relations entre le public et l'administration ainsi que de l’article 15 du Règlement général sur la protection des données (RGPD), des documents et informations suivants :
1) la copie de tous les documents en possession de la CARPA des Pays du Mont-Ventoux et le mentionnant, et notamment, tous les documents relatifs à la saisie vente passée concernant son ancien bien immobilier à Pernes-les-Fontaines ;
2) l'indication si des données le concernant figurent dans des fichiers informatisés ou manuels. Dans l’affirmative, une copie, en langage clair, de l’ensemble de ces données (y compris celles figurant dans les zones « blocs-notes » ou « commentaires »).
La commission, qui a pris connaissance de la réponse exprimée par le président de la CARPA du Pays du Mont Ventoux, rappelle, en premier lieu, qu’aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (...). ». Selon l'article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les administrations mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ».
Elle indique que le Conseil d'État, dans sa décision CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541, a jugé qu’indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Toutefois, même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission.
En l’espèce, la commission relève que les CARPA, dont la création a été rendue obligatoire par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, sont des organismes, généralement des associations de droit privé, chargés de recueillir les fonds, effets et valeurs destinés à effectuer les règlements directement liés à l’activité professionnelle des avocats. En vertu de l’article 236 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, ces caisses sont créées par délibération du conseil de l’ordre de chaque barreau, ou, lorsque la caisse est commune à plusieurs barreaux, par une délibération conjointe des conseils de l’ordre des barreaux intéressés.
La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique a par ailleurs prévu que l’État affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d’aide juridictionnelle et aux missions d'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles accomplies par les avocats du barreau. L’article 29 de cette loi dispose que cette dotation est versée sur un compte spécial de la caisse des règlements pécuniaires, qui est alors chargée de tenir la comptabilité annuelle des opérations effectuées sur ce compte conformément à l’article 131 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1991. Selon l’article 30 de la loi, la CARPA doit désigner un commissaire aux comptes chargé de vérifier que la dotation de l’État a bien été versée sur un compte spécial et qu’elle a été utilisée conformément à la loi. A la fin de chaque année, le commissaire aux comptes doit porter à la connaissance du président de la CARPA les contrôles et vérifications auxquels il a procédé ainsi que ses observations. Ce rapport est présenté à une assemblée générale annuelle. Afin d’assurer une plus grande sécurité des fonds confiés aux caisses, le décret n° 96-610 du 5 juillet 1996 modifiant le décret du 27 novembre 1991 a par ailleurs procédé à l’unification des règles de fonctionnement des CARPA, à l’encadrement des opérations financières des avocats et enfin au renforcement des contrôles exercés sur les caisses. Dans ce cadre, une commission de contrôle des règlements pécuniaires a été mise en place.
S’il ne ressort pas du régime juridique applicable aux CARPA que celles-ci disposeraient de prérogatives de puissance publique, et bien que leur fonction principale consiste à assurer les transactions financières entre les avocats et leurs clients, la commission considère que les CARPA doivent être regardées comme des organismes privés chargés d’une mission de service public lorsqu’elles procèdent au règlement des sommes allouées au titre de l’aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles. La commission souligne toutefois que les documents élaborés ou détenus par les CARPA ne revêtent un caractère administratif que pour autant qu’ils se rapportent directement à cette mission de service public.
Par conséquent, les documents visés au point 1) de la demande de Monsieur X ne lui sont communicables que s’il est possible d’y isoler d'éventuelles mentions se rapportant à cette mission de service public. Si tel est le cas, la commission émet un avis favorable à la communication de ces documents ou parties de documents et se déclare incompétente pour le surplus. Dans le cas contraire, elle ne peut que se déclarer incompétente pour le tout.
En deuxième lieu, la commission relève que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur le point 2) de la présente demande, en tant que Monsieur X interroge la CARPA du Pays du Mont Ventoux sur la présence de données le concernant dans des fichiers informatisés ou manuels, qui s'apparente, par sa formulation, à une demande de renseignements.
La commission rappelle, en dernier lieu, qu’elle n’a pas reçu compétence pour connaître des questions relatives à l'accès des personnes aux données à caractère personnel qui les concernent dans des fichiers, questions qui sont exclusivement régies par les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. Seuls les tiers, c'est-à-dire les personnes non autorisées à consulter les fichiers en vertu des textes qui les créent, peuvent se prévaloir du livre III du code des relations entre le public et l’administration pour obtenir communication, le cas échéant, des documents extraits de ces fichiers et la saisir pour avis en cas de refus.
La commission ne peut dès lors que se déclarer incompétente pour se prononcer sur le surplus du point 2) de la demande et invite le demandeur, s'il le souhaite, à saisir la Commission nationale de l'informatique et des libertés.