Avis 20174765 Séance du 25/01/2018
Communication de l'ensemble des documents composant le dossier relatif aux deux décisions de police sanitaire ayant conduit le 16 mai 2012 à la décision d'interdiction et le 11 mai 2017 à la décision de suspension, des essais cliniques promus par sa cliente, notamment les pièces suivantes :
1) les courriers et courriels échangés avec d'autres établissements publics et autorités administratives indépendantes (y compris l'autorité des marchés financiers et OSEO / BPI) ;
2) les courriers et courriels échangés avec l'EMA (European Medecine Agnecy) et d'autres autorités de santé (au niveau mondial) ;
3) les courriers et courriels échangés entre les directions des affaires juridiques de l'inspection et des affaires cliniques et des divisions cliniques oncologie et non-oncologie de l'ANSM ;
4) l'ensemble des calculs, analyses et données internes ayant conduits aux décisions précitées ;
5) les courriers et courriels de tiers ayant relayé à l'ANSM les informations relatives à sa cliente et la conduite des ses essais cliniques et le cas échéant, les réponses apportées par l'ANSM à ces tiers.
Maître X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 septembre 2017, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à sa demande de communication de l'ensemble des documents composant le dossier relatif aux deux décisions de police sanitaire ayant conduit le 16 mai 2012 à la décision d'interdiction et le 11 mai 2017 à la décision de suspension, des essais cliniques promus par sa cliente, notamment les pièces suivantes :
1) les courriers et courriels échangés avec d'autres établissements publics et autorités administratives indépendantes (y compris l'Autorité des marchés financiers et OSEO / BPI) ;
2) les courriers et courriels échangés avec l'European Medecine Agency et d'autres autorités de santé (au niveau mondial) ;
3) les courriers et courriels échangés entre les directions des affaires juridiques de l'inspection et des affaires cliniques et des divisions cliniques oncologie et non-oncologie de l'ANSM ;
4) l'ensemble des calculs, analyses et données internes ayant conduit aux décisions susmentionnées ;
5) les courriers et courriels de tiers ayant relayé à l'ANSM les informations relatives à sa cliente et à la conduite de ses essais cliniques et le cas échéant, les réponses apportées par l'ANSM à ces tiers.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général de l'ANSM a informé la commission de ce qu'il a procédé à la communication des échanges ayant eu lieu entre l'ANSM, Bpifrance et l'Autorité des marchés financiers, par un courrier du 18 août 2017, ainsi que du courriel du 12 juin 2017 adressé au directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris auquel était joint le compte rendu d'une réunion téléphonique concernant la décision de suspension des essais du 11 mai 2017, après avoir occulté les mentions portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La commission ne peut, dès lors, que déclarer sans objet le point 1) de la demande.
S'agissant du point 2), le directeur général de l'ANSM a indiqué avoir versé l'ensemble des échanges intervenus avec les autorités de santé européennes à propos de la décision du 16 mai 2012, par un courrier du 4 septembre 2017, et avec les membres du Clinical Trial Facilitation Group à propos de la décision du 11 mai 2017, par le courrier du 18 août 2017, dans lequel il a également précisé qu'aucun échange n'avait eu lieu en 2017 avec d'autres autorités compétentes mondiales. La commission déclare sans objet, dans cette mesure, le point 2) de la demande comme portant sur des documents déjà communiqués ou qui n'existent pas.
La commission relève par ailleurs que l'ANSM et la Food and Drug Administration (FDA) américaine ont conclu un accord de confidentialité le 8 février 2006. La commission estime toutefois, qu’un tel arrangement entre une autorité administrative française et son homologue étrangère n’a ni pour objet ni pour effet de déroger aux dispositions nationales du code des relations entre le public et l’administration. Elle considère ainsi que les informations non publiques au sens de cet arrangement, qui incluent les informations recueillies au cours d’une enquête menée dans le cadre des activités de contrôle ne sont pas communicables uniquement lorsqu’elles porteraient atteinte à l’un des secrets protégés par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature conformément au g) du 2° de l’article L311-5 du même code. La commission émet donc un avis favorable sous cette réserve et attire l’attention de l’ANSM sur la portée du point 2 de l’arrangement qui permet de solliciter l'autorisation de la FDA pour rendre publiques les informations entrant dans le champ de l’accord, qui ne saurait permettre la communication ou la diffusion de documents couverts par les dérogations prévues aux articles précités du code des relations entre le public et l’administration.
S'agissant du point 3), la commission relève que la société AB Science a obtenu la communication de plusieurs procès-verbaux de comités de direction de l'ANSM. Le directeur général de l'agence a également indiqué que les échanges intervenus entre ses directions n'ont porté que sur la rédaction de la décision de suspension du 11 mai 2017. Après avoir pris connaissance de ces échanges, la commission considère que ces documents doivent être regardés comme revêtant un caractère inachevé, dès lors qu'ils ne constituent que des étapes intermédiaires dans l’élaboration de la décision définitive. Elle émet donc un avis défavorable sur ce point de la demande.
Si la société AB science considère que les documents qui lui ont été communiqués, concernant les calculs, les analyses et données internes, sont insuffisants dans la mesure où ils ne porteraient que sur la décision du 16 mai 2012, la commission relève que le directeur de l'ANSM a toutefois précisé que la décision du 11 mai 2017 a été prise uniquement au vu des rapports d'inspection de l'agence, de la brochure pour l'investigateur et des données issues de la base Eudravigilance qui sont déjà en la possession de la société AB science. La commission ne peut, dès lors, que déclarer sans objet le point 4) de la demande, dès lors qu'elle porte sur des documents qui n'existent pas.
En réponse au point 5), le directeur de l'ANSM a fait valoir auprès de la commission qu'une partie des courriers émanant de tiers ayant relayé à l'ANSM des informations concernant la conduite de ses essais cliniques lui ont été adressés dans le cadre de la procédure de lanceur d'alerte.
La commission relève que l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, entrée en vigueur le 11 décembre suivant, définit le lanceur d'alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. ». Si le signalement d'une alerte doit en principe être porté, en premier lieu, à la connaissance du supérieur hiérarchique, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci, le II de l'article 8 de cette loi prévoit qu'en cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance de l'autorité judiciaire, de l'autorité administrative ou des ordres professionnels. C'est en dernier ressort, à défaut de traitement par l'un de ces organismes dans un délai de trois mois, que le signalement peut être rendu public. Le III de l'article 8 précise que des procédures appropriées de recueil des signalements doivent être établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d'au moins cinquante salariés, les administrations de l'Etat, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions. Le I de l'article 9 prévoit que ces procédures doivent garantir « une stricte confidentialité de l'identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l'ensemble des destinataires du signalement. Les éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu'avec le consentement de celui-ci. Les éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu'une fois établi le caractère fondé de l'alerte. » Le fait de divulguer les éléments confidentiels définis au I est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. La commission relève également que, selon le II de l'article 5 du décret d'application n° 2017-564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l'Etat, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018, la procédure de recueil des signalements doit notamment préciser les dispositions prises par l'organisme « 2° Pour garantir la stricte confidentialité de l'auteur du signalement, des faits objets du signalement et des personnes visées, y compris en cas de communication à des tiers dès lors que celle-ci est nécessaire pour les seuls besoins de la vérification ou du traitement du signalement ; 3° Pour détruire les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l'identification de l'auteur du signalement et celle des personnes visées par celui-ci lorsqu'aucune suite n'y a été donnée, ainsi que le délai qui ne peut excéder deux mois à compter de la clôture de l'ensemble des opérations de recevabilité ou de vérification. L'auteur du signalement et les personnes visées par celui-ci sont informés de cette clôture. ». La commission considère qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le législateur a ainsi institué une règle de secret qui doit être regardée comme un secret protégé par la loi au sens du h) du 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration faisant obstacle à la communication des éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte.
Après avoir pris connaissance des documents qui lui ont été transmis par le directeur général de l'ANSM, la commission en déduit qu'en l'espèce, les échanges intervenus à compter du mois de février 2017 entre l'ANSM et le lanceur d'alerte, ne sont pas communicables à la société AB sciences dans leur intégralité. Elle émet donc un avis défavorable à leur communication.
Comme le directeur de l'ANSM l'a relevé, la commission considère en revanche que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ne peut être utilement invoquée pour faire obstacle à la communication du signalement intervenu le 30 septembre 2016, dès lors que cette loi n'est entrée en vigueur que le 11 décembre 2016. Il en va de même de l'article L. 5312-4-2 du code de la santé publique, relatif à l'interdiction des traitements discriminatoires à l'encontre d'un lanceur d'alerte, qui ne comporte aucune disposition relative à la confidentialité de l'auteur du signalement. La commission rappelle toutefois que, sur le fondement des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents tels que les lettres de plainte ou de dénonciation ainsi que les témoignages, dès lors que leur auteur est identifiable, adressés à une administration, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par la plainte ou la dénonciation en question, dans la mesure où ils font apparaître le comportement de l'auteur de la plainte, dont la communication serait susceptible de lui porter préjudice. La commission émet donc également un avis défavorable à la communication du courriel du 30 septembre 2016.