Avis 20233765 Séance du 20/07/2023

Madame XX a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 juin 2023, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental du Val-de-Marne à sa demande de communication, par courrier postal, d'une copie du dossier complet concernant ses enfants, X X et X, à savoir : 1) l'information préoccupante les concernant ; 2) le bilan d'une évaluation de l'EDS de Villejuif ; 3) l'enquête pénale policière. S’agissant des documents sollicités au point 1), et en l’absence de réponse du président du conseil départemental du Val-de-Marne à la date de sa séance, la commission rappelle que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015). Elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF), la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance. La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, n° 372230, Rec. p. 493). Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire. La commission rappelle ensuite qu'en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents administratifs comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. Elle précise sur ce point que les documents tels que les lettres de plainte ou de dénonciation ainsi que les témoignages adressés à une administration ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par la plainte ou la dénonciation en question, dès lors que leur auteur est identifiable. L’identification de l’auteur d’un signalement fait, en effet, apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent. En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf avis CADA n° 20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître que l'enfant les met gravement en cause. Enfin, la commission rappelle que le secret professionnel doit être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, justifiant un refus de communication. En l'espèce, la commission estime que le document sollicité au point 1), dont elle n'a pas pu prendre connaissance, est communicable à la demanderesse dans les conditions et sous les réserves précitées. Elle précise que si l'ampleur des occultations devait priver de sens ce document ou d'intérêt la communication, un refus pourrait alors être opposé. S’agissant du document sollicité au point 2), la commission observe que les EDS ou espaces départementaux des solidarités, regroupent différents professionnels du département, notamment en charge de l’aide sociale, afin d’accompagner les personnes confrontées à des difficultés. La commission estime que si le document sollicité au point 2) existe, ce document administratif est communicable à Madame X, qui a la qualité d'intéressée au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation des mentions relevant de la vie privée de tiers, des mentions portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique tierce, nommément désignée ou facilement identifiable et des mentions révélant de la part d'une personne un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, en application du même article. Elle émet donc sous ces réserves un avis favorable. S’agissant du document sollicité au point 3), la commission rappelle que les documents recueillis ou établis dans le cadre d'une enquête pénale présentent un caractère judiciaire, quand bien même aucune poursuite n'aurait été engagée, et ne présentent donc pas le caractère de documents administratifs au sens du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission se déclare en conséquence incompétente pour se prononcer sur la communication des documents sollicités, qui revêtent un caractère judiciaire.