Avis 20233732 Séance du 20/07/2023
Maître XX a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 juin 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Villeneuve-la-Garenne à sa demande de communication, par courrier postal ou courrier électronique, d'une copie de l'ensemble des documents suivants, relatifs au projet d'aménagement du secteur « centre-ville » :
1) l’acte de l’acquisition de la « X » par la commune de Villeneuve-la-Garenne ;
2) le dossier de l’enquête publique menée dans le cadre de la DUP du centre-ville « Galliéni Sud » ;
3) l’étude urbaine menée par le cabinet X en 2015 ;
4) les rapports des études confiés au cabinet X portant sur :
a) la réalisation d'une mission d'étude et de programmation urbaine sur le centre-ville, marché notifié en 2017 ;
b) les études récentes portant sur l’impact financier du maintien de la « X » en lieu et place d’un immeuble de R+6 à 8 ;
c) les rapports intermédiaires visant la réactualisation de la programmation urbaine du centre-ville – étude en cours ;
5) la convention de portage financier avec l’Établissement Public Foncier d'Île-de-France ;
6) la convention de l’assistance à maîtrise d’ouvrage confiée à la société d’économie mixte quodam pour le projet centre-ville ;
7) le dossier de démolition d’une partie de la « X ».
En l'absence de réponse du maire de Villeneuve-la-Garenne à la date de sa séance, la commission relève, à titre liminaire, que les documents sollicités sont en relation avec le projet de restructuration du centre-ville de Villeneuve-la-Garenne.
En premier lieu, la commission rappelle qu'un document est communicable, en application du livre III du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve d’une part, qu’il soit achevé, c'est-à-dire, s'agissant d'une étude ou d'un rapport, remis à son commanditaire et, d’autre part, qu'il soit dépourvu de caractère préparatoire. Un document peut revêtir un caractère préparatoire, au sens des dispositions de l'article L311-2 du code précité, lorsqu'il est destiné à éclairer l'autorité administrative en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre. La commission précise, en outre, que les analyses financières prospectives à caractère général, qui font par exemple état de l'évolution possible des finances locales sur plusieurs années au regard de différents scénarios, ne sauraient revêtir un tel caractère, pas plus qu'une étude rétrospective. En revanche, une étude relative aux incidences sur les finances locales d'un projet précis peut conserver un caractère préparatoire aussi longtemps qu'il n'a pas été décidé d'adopter ce projet ou que l'autorité administrative n'y a pas manifestement renoncé.
En application de ces principes, seuls les documents achevés et ne revêtant pas un caractère préparatoires seront communicables en application du CRPA.
Sous ces réserves, la commission estime, en deuxième lieu, que l'acte d'acquisition mentionné au point 1) est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application des articles L300-3 et L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation préalable, au titre du 1° de l'article L311-6 de ce code, des mentions susceptibles de révéler la vie privée du cédant (lieu et date de naissance, situation familiale, adresse et nationalité) ou de relever du secret des affaires. Elle précise que le montant du prix n'a, en revanche, pas à être occulté. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable sur ce point.
En troisième lieu, concernant le point 2) de la demande, la commission rappelle, s'agissant des documents relatifs à la procédure tendant à déclarer un projet d'utilité publique, que cette procédure est régie par les dispositions des articles R11-3 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui organise des modalités particulières d'accès aux documents élaborés dans ce cadre, variant en fonction du type d'enquête engagée et du déroulement de la procédure. Le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit, en effet, la mise en œuvre de deux types d'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique : une enquête dite de « droit commun », et une enquête portant sur des opérations susceptibles d'affecter l'environnement et entrant à ce titre dans le champ des articles L123-1 à L123-16 du code de l'environnement. La phase administrative précédant une déclaration d'utilité publique comporte quatre périodes distinctes :
1. Avant l'ouverture de l'enquête publique, les documents définis à l'article R11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'exception de la délibération décidant de demander une DUP, revêtent un caractère préparatoire et sont à ce titre temporairement non communicables.
2. Pendant le déroulement de l'enquête publique, il convient de distinguer selon la nature de l'enquête réalisée. Lorsqu'il s'agit d'une enquête dite « de droit commun », les documents du dossier soumis à l'enquête publique ne sont communicables que suivant les règles spéciales définies aux articles R11-4 à R11-13 de ce code. Aucune disposition du code n'impose en particulier à l'autorité administrative compétente de fournir des photocopies des documents composant le dossier d'enquête. Lorsqu'il s'agit d'une enquête entrant dans le champ des articles L123-1 à L123-16 du code de l'environnement, il convient de distinguer, selon la date de publication de l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête. Si celui-ci a été publié avant le 1er juin 2012, la commission rappelle que, dans ce cadre, seules les associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L141-1 de ce code, peuvent obtenir le dossier d'enquête publique en vertu de l'article L123-8. En revanche, toute personne peut obtenir la communication des informations environnementales qu'il contient, sans que leur caractère préparatoire puisse être opposé. Si l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête publique a été publié après le 1er juin 2012, la commission constate que le décret en Conseil d’État n° 2011-2018 du 29 décembre 2011, à l’intervention duquel l’article 236 de la loi n° 2010-788 portant engagement national pour l’environnement subordonnait l’entrée en vigueur de l’article L123-11 du code de l’environnement, a été publié au Journal officiel du 30 décembre 2011. Elle note que ce décret est applicable aux enquêtes publiques dont l'arrêté d'ouverture et d'organisation est publié à compter du premier jour du sixième mois après la publication du décret. Elle en déduit que les éléments des dossiers d’enquête publique dont l’arrêté d’ouverture et d’organisation a été publié après le 1er juin 2012 sont communicables à toute personne sur sa demande, avant l’ouverture de l’enquête publique, dès lors qu’ils peuvent être regardés comme achevés en la forme, ou pendant celle-ci. Si les documents qui résultent de cette enquête ne sont, en principe, communicables qu’à la clôture de l’enquête publique, les informations relatives à l’environnement, au sens de l’article L124-2 du code de l’environnement, sont toutefois communicables selon les modalités particulières prévues par les articles L124-1 et suivants du même code.
3. Après la clôture de l'enquête publique et avant l'arrêté préfectoral déclarant l'utilité publique du projet, le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur deviennent communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. La communication du registre d'enquête ne suppose aucune occultation préalable, la communication des informations librement consignées sur les registres par les personnes ayant formulé des observations sur le projet soumis à enquête ne pouvant porter atteinte à l'un des secrets protégés par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
4. L'arrêté préfectoral portant déclaration d'utilité publique rend, quant à lui, communicable l'ensemble des pièces du dossier qui ne l'étaient pas au cours des précédentes étapes de la procédure en raison de leur caractère préparatoire. La commission estime, enfin, que le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur établis dans le cadre de la procédure d’enquête parcellaire prévue par les articles R11-19 et suivants du code de l’expropriation ne deviennent, dès leur remise à l’autorité compétente après clôture de cette enquête, et avant l’adoption de l’arrêté de cessibilité ou de l'acte déclaratif d'utilité publique intervenant postérieurement à l'enquête parcellaire et valant arrêté de cessibilité, communicables qu’aux intéressés, c’est-à-dire aux propriétaires des parcelles concernées, et à l’expropriant. L'arrêté portant cessibilité, ou la déclaration d’utilité publique valant arrêté de cessibilité rendent, quant à eux, communicables aux intéressés toutes les pièces du dossier qui ne l'étaient pas au cours des précédentes étapes de la procédure.
La commission, qui comprend que la procédure d'enquête publique est achevée, émet un avis favorable sur ce point 2).
En quatrième lieu, concernant les points 3) et 4) de la demande, la commission estime que les études sollicitées sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve toutefois de l'occultation préalable des éventuelles mentions protégées en application des articles L311-5 et L311-6, en particulier celles qui relèveraient du secret des affaires, lequel vise notamment le secret des procédés et sous réserve que l'auteur de ces études ait donné son accord à cette communication dans l'hypothèse où il détiendrait des droits de propriété intellectuelle sur ces documents, conformément à l'article L311-4 du même code.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur ces points.
En cinquième lieu, concernant le point 5) de la demande, la commission rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. En l'espèce, la commission estime que la convention sollicitée est librement communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code précité ainsi que, le cas échéant, de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales. Elle émet donc un avis favorable sur ce point.
En sixième lieu, s'agissant du point 6), la commission indique que les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
En outre, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres), les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission émet, sous ces réserves, un avis favorable au point 6) de la demande.
En septième et dernier lieu, concernant le point 7) de la demande, la commission rappelle que les documents produits et reçus par l’administration en matière d’autorisations individuelles d’urbanisme sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, notamment la sécurité publique ou à la sécurité des personnes et la protection de la vie privée, et qu’ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, soit que la décision ait été effectivement prise, soit que l'autorité compétente ait renoncé à son projet. Elle émet donc un avis favorable sur ce point, sous ces réserves.