Avis 20233523 Séance du 20/07/2023

Maître X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 8 juin 2023, à la suite du refus opposé par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Ain à sa demande de communication d'une copie des documents suivants concernant son client fondant des indus d'allocations familiales, d'APL, d'aides exceptionnelles de solidarité, et notamment : 1) le lexique des sigles utilisés par la caisse ; 2) les actes de désignation et de convocation des membres de la commission de recours amiable appelée à se prononcer sur le présent recours ; de la feuille d'émargement de la séance au cours de laquelle le présent recours sera examiné en commission ; du procès‐verbal de séance de la commission, afin que puisse être vérifiée, notamment, l'application des exigences légales en matière de paritarisme ; 3) la convention de gestion applicable en matière de RSA ; 4) le plan départemental d'action sociale ; 5) le procès‐verbal de prestation de serment de l'agent de contrôle ayant rédigé le rapport d'enquête, de ses agréments provisoire et définitif, de sa carte de contrôleur et de la délégation à fin de contrôle dont il serait porteur ; 6) le rapport d'enquête de l'agent de contrôle, des documents annexés au rapport d'enquête et tous les documents consultés par l'agent de contrôle s'agissant de la situation de l'allocataire ; 7) l'avis de passage remis à l'allocataire par l'agent de contrôle avant et pendant les opérations de contrôle ou toute demande de production de documents par l'allocataire dans le cadre du contrôle ; 8) l'ensemble des courriers et des mails échangés entre l'agent de contrôle et l'allocataire ; 9) le courrier de procédure contradictoire adressé à l'allocataire dans le cadre du contrôle et de la preuve de sa réception par l'allocataire ; 10) les copies‐d'écran des applications informatiques que les agents de la caisse ont consultées et échanges d'informations entre la caisse et les Administrations auprès desquelles ont été obtenues des informations relatives à la situation de l'allocataire ; 11) l'ensemble des éléments relatifs au dossier de l'allocataire (déclarations, courriers et tous échanges...), y compris les annotations et autres commentaires des agents de la caisse (documents émis par la caisse : courriels, relevés de droits et de paiement au titre de la période en litige, relevé des retenues et des compensations pratiquées de nature à déterminer le montant initial et le solde des indus en cause, récapitulatifs de toutes les démarches de l'allocataire (DTR), avis de droit) ; 12) la liste des documents obtenus de manière spontanée ou sur demande ; 13) l'ensemble des documents reçus des tiers et des administrations ; 14) l'enquête de voisinage sur laquelle se fonde la CAF pour justifier les indus ; 15) les lettres de notification de dettes et des bordereaux de recommandé de notification à son client ; 16) la feuille de calcul des prestations servies à l'allocataire ; 17) les coproductions entrantes ; 18) l'ensemble des documents sur le fondement desquels ont été calculés les droits et prononcées des décisions de quelque nature à l'encontre de l'allocataire (sanction, fichage, suspension, radiation, indus ou autre) ; 19) l'ensemble des pièces sur lesquelles l'administration entend fonder la décision querellée ; 20) les formulaires de demandes d'allocations ; 21) la demande d'informations et de pièces justificatives adressées à l'allocataire ; 22) les degré et mode de contribution d'un traitement algorithmique à la prise de décision ; 23) les données traitées et leurs sources détenues par la CAF ; 24) les paramètres de traitement et, le cas échéant, leur pondération, appliqués à la situation de l'allocataire ; 25) les opérations effectuées par le traitement ; 26) l'identité du responsable désigné conformément aux dispositions de l'article L300‐1 du Code des relations entre le public et l'administration et ses coordonnées mail, de même s'agissant du correspondant RGPD ; 27) le numéro de référencement de chacun des indus, leur période de répétition, leur montant initial, leurs dates de retenue et de compensation ainsi que leur solde. 1. Questions préalables : En l'absence de réponse du directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Ain à la date de sa séance, la commission rappelle, d'une part, que le droit d'accès aux documents administratifs régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne contraint pas l'administration à effectuer des recherches pour répondre à une demande et que les administrations ne sont pas tenues de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE 27 sept. 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ Bertin, req. no 56543, Lebon 267 ; CE 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, req. no 83477). Elle estime ainsi irrecevables les demandes portant sur des échanges intervenus entre une ou des administrations et une autre administration ou une personne privée, lorsqu’elles sont trop imprécises quant à l'objet des documents demandés (avis n° 20216781 du 16 décembre 2021), quant à leur nature (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à l'administration et/ou ses composantes en cause (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à son ou ses interlocuteurs (avis n° 20194880 du 12 mars 2020 ; n° 20213868 du 15 juin 2021), quant au cadre d'élaboration du document (avis n° 20213868 du 15 juin 2021) ou encore quant à la période de temps visée (avis n° 20213868 du 15 juin 2021). La commission relève en l'espèce que la demande porte sur une quantité très importante de documents de nature différente. Elle relève toutefois qu’il n’est fait état d’aucun grief relatif au caractère insuffisamment précis de la demande ou à la charge de travail induite par son ampleur, griefs dont elle estime qu’il ne lui appartient pas de les relever d’office. Elle considère par suite que cette demande est recevable. La commission rappelle, d'autre part, qu’elle n’a pas reçu compétence pour connaître des questions relatives à l'accès des personnes aux données à caractère personnel qui les concernent dans des fichiers, questions qui sont exclusivement régies par les dispositions de la loi du 6 janvier 1978. Seuls les tiers, c'est-à-dire les personnes non autorisées à consulter les fichiers en vertu des textes qui les créent, peuvent se prévaloir du livre III du code des relations entre le public et l’administration pour obtenir communication, le cas échéant, des documents extraits de ces fichiers et la saisir pour avis en cas de refus. En application de ces principes, la commission se déclare incompétente pour connaître du point 26) qui concerne le correspondant RGPD. 2. Sur le caractère communicable des documents: 2.1. Principes de communication : La commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs, au sens de ces dispositions, les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective. La commission précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant (avis n° 20222817, 20222850 et 20222936 du 23 juin 2022). Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable. La commission estime, en application de ces principes que les documents sollicités ne seront regardés comme communicables en application du code des relations entre le public et l’administration, que sous réserve qu'ils existent en l'état ou soient susceptibles d'être obtenus par un traitement automatisé d'usage courant. Sous cette réserve, la commission précise, en deuxième lieu, que le dossier d'un allocataire, et notamment tout rapport d'enquête dont il aurait fait l'objet, lui est communicable en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des mentions couvertes par le secret de la vie privée de tiers ainsi que celle portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ou faisant apparaître le comportement d’une personne autre que le demandeur, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui causer préjudice, comme un témoignage ou une dénonciation. La commission précise que la vie privée des fonctionnaires et agents publics bénéficient de la même protection que celle des autres citoyens. Toutefois, les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime. La commission rappelle, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L311-3-1 du code des relations entre le public et l'administration : « Sous réserve de l'application du 2° de l'article L311-5, une décision individuelle prise sur le fondement d'un traitement algorithmique comporte une mention explicite en informant l'intéressé. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l'administration à l'intéressé s'il en fait la demande. » et que l’article R311-3-1-2 du même code, pris pour l'application de cet article, dispose que doivent être communiquées les informations suivantes : le degré et le mode de contribution du traitement algorithmique à la prise de décision, les données traitées et leurs sources, les paramètres et les opérations du traitement et, le cas échéant, leur pondération, appliqués à la situation de l'intéressé, les opérations effectuées par le traitement, et ce dans des termes intelligibles. 2.2. Application au cas d'espèce : En application de ces principes, la commission estime que les documents sollicités, s'ils existent, obéissent aux règles de communication suivantes: - les documents sollicités aux points 1), 2), 3), et 4) sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du CRPA ; - les documents sollicités au point 7), 8), 9), 10), 15), 16), 21) et 27) sont librement communicables au demandeur en application de l'article L311-6 du CRPA ; - les informations mentionnées au point 22) à 25), sont communicables au demandeur en application des articles L311-3-1 et R311-3-1-2 du CRPA, si une décision individuelle a été prise sur le fondement d’un traitement algorithmique s'agissant de la situation de Monsieur X ; - le document sollicité au point 5) est également librement communicable, sous réserve de l'occultation des mentions relevant de la vie privée de l'agent concerné protégées par l'article L311-6 du CRPA ; - les autres documents sont enfin également communicables à l'intéressé ou à son conseil en application de l'article L311-6, sous réserve de l'occultation ou de la disjonction des mentions se rapportant à des tiers protégées par les mêmes dispositions et à condition que ces occultations ou disjonctions ne privent pas d'intérêt la communication. La commission émet, dans ces conditions et sous ces réserves, un avis favorable à la demande.