Avis 20232808 Séance du 22/06/2023

Le président de la collectivité de Saint-Martin a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 mai 2023, à la suite du refus opposé par le directeur du centre hospitalier de Saint-Martin à sa demande de communication d'une copie des documents suivants : 1) le recueil des effectifs des agents dans toutes les catégories ; 2) les contrats de location des directeurs et directeurs adjoints depuis 2020 ; 3) les avis de vacances, contrats ou arrêtés, les primes, les indemnités et les qualifications (diplômes, expérience ) concernant les agents X. La commission rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le droit d’information que les membres du conseil de surveillance d'un établissement public de santé peuvent tirer, en cette qualité, de l'article L6143-1 du code de la santé publique, ni sur celui que des représentants de collectivités peuvent tirer de textes particuliers. Ceux-ci peuvent en revanche se prévaloir, comme tout administré, du livre III du code des relations entre le public et l'administration et des régimes particuliers énumérés aux articles L342-1 et L342-2 de ce code pour obtenir la communication de documents. La commission, qui a pris connaissance des observations du directeur du centre hospitalier de Saint-Martin, rappelle, d'une part, que la circonstance que Monsieur X disposerait par ailleurs de tout ou partie des informations contenues dans les documents sollicités, n'a pas pour effet de rendre sans objet sa demande de communication (comp. CE 27 mars 2020, n° 426623). De même, la circonstance que MadameX, MonsieurX et Monsieur X ont quitté leurs fonctions, est sans incidence sur la recevabilité du point 3) de la demande. La commission rappelle, d'autre part, que, sauf dans le cas où une demande présente un caractère abusif, les motifs pour lesquels Monsieur X a formulé sa demande sont sans incidence sur son droit d'accès. Elle rappelle également qu'une demande peut être regardée comme abusive lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou lorsqu'elle aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (CE, n° 420055, 422500, Ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France, 14 novembre 2018). Il ne lui apparaît pas, en l'espèce, au vu des seuls documents portés à sa connaissance, que la demande de Monsieur X revêtirait un tel caractère. La commission estime ensuite que les documents sollicités sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve, s'agissant des contrats visés au point 2) et des documents visés au point 3), des mentions couvertes par un secret en application des articles L311-5 et L311-6. La commission précise, à cet égard et d'une part, que que le bulletin de paie ou de traitement d'un agent public constitue, en vertu des articles L300-2 et L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande. Toutefois, préalablement à cette communication, les mentions qui porteraient atteinte à la protection de la vie privée ou comporteraient une appréciation ou un jugement sur la valeur de l'agent public en cause doivent être occultées en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration. A cet égard, la communication de la rémunération résultant de l'application des règles régissant l'emploi concerné, n'est pas susceptible de révéler une appréciation ou un jugement de valeur. Il en est autrement lorsque cette rémunération est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant. Dans ce cas, la communication du contrat de travail est subordonnée à l'occultation des éléments relatifs à la rémunération, tandis que le bulletin de paie ou de traitement, « qui serait privé de toute portée sans la rémunération », ne peut être communiqué (CE, 26 mai 2014, Communauté agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz, n° 342339). En outre, il convient, en application de l'article L311-7 du code précité, d'occulter les éléments figurant dans le bulletin, si ce dernier est communicable, qui seraient liés soit à la situation familiale et personnelle de l'agent en cause (supplément familial), soit à sa vie privée (date de naissance, adresse privée, quotité de travail), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement et, dans le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération), dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. La commission a ainsi, dans un avis 20210741 du 11 février 2021, considéré que la protection de la vie privée fait obstacle, en application des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, à la communication à des tiers du montant de la cotisation mutuelle et de l'indemnisation des jours placés sur un compte épargne temps, qui relèvent d’un choix personnel de l’agent et sont sans lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Elle a également estimé que la prime d’intéressement à la performance collective des services, si elle constitue une part variable de la rémunération, n'est pas liée à la manière individuelle de servir des agents en cause dès lors qu'elle est attribuée à un service et à l'ensemble des agents qui le composent. Le montant de cette prime est donc communicable à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration sans qu'y fassent obstacle les dispositions du 2° de l'article L311-6 du même code. Elle a souligné avoir fait évoluer sa position, ancienne (conseils 20101148 du 29 mars 2010 et 20104024 du 14 octobre 2010), en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considérer désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procèderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée. La commission précise, d'autre part, que si, en règle générale, la formation initiale et les qualifications d’une personne relèvent de sa vie privée, il n’en va pas ainsi, depuis un avis n° 20114407 du 17 novembre 2011 réitéré, des titres et diplômes légalement requis pour l’exercice d’une profession réglementée, qui, lorsqu’ils figurent dans un dossier ou un document relatif à l’activité professionnelle de l’intéressé, sont communicables à toute personne qui en fait la demande. La commission précise, enfin, qu’aux termes de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, « Ne sont pas communicables : / (…) / 2° Les (…) documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (…) / d) (…) à la sécurité des personnes (…) ». Elle relève qu’un risque d’atteinte à la sécurité publique ou des personnes peut provenir de circonstances étrangères au document lui-même, comme le comportement agressif du demandeur (CE 12 juillet 1995, n° 147200 ; CE 23 décembre 1994, n° 123253 ; CE 29 mars 1993, n° 105129) ou encore l’utilisation malveillante qui pourrait en être faite (avis n° 20072710 du 26 juillet 2007). Elle précise toutefois que les conséquences susceptibles de s'attacher à la divulgation d’un document doivent être suffisamment manifestes ou clairement établies pour qu’elles y fassent obstacle (comp. CE 22 février 2013, n°s 337987 et 337988, Lebon T.). La commission estime qu’en l’espèce, eu égard aux éléments portés à sa connaissance, compte-tenu des risques qui résulteraient de la divulgation des adresses des biens donnés en location pour la sécurité des directeurs bénéficiaires des baux, il y a lieu de procéder à l'occultation de celles-ci avant la transmission des documents visés au point 2). En revanche, elle estime que les éléments portés à sa connaissance ne permettent pas de déduire que la divulgation des documents visés au point 3) présenterait nécessairement un risque pour la sécurité des personnes visées. Elle en déduit que le d) de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration ne fait pas obstacle à leur communication, en tout ou partie. La commission émet par suite, sous ces réserves, un avis favorable.