Avis 20232319 Séance du 01/06/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 mars 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Toulouse à sa demande de communication des documents suivants : 1) l’accusé de réception de la transmission à la préfecture du marché 2018/2022 et de la lettre de notification de l’octroi de ce marché au X, et ce marché étant reconductible chaque année pour 4 ans, ses renouvèlements formalisés ; 2) le marché suivant pour 2023 concernant les prestations de conseil juridique, d’assistance et de représentation en justice, lot n° 5 – Agents de la collectivité, et les notifications d’octroi aux trois titulaires ; 3) l’offre de marché depuis 2015 stipulant trois titulaires, les notifications d’octroi du marché cité, adressées à chacun d’eux, titulaires 2 et 3 à l’identique de celle que le maire a joint à la demanderesse pour le X, qui semblerait de fait être le titulaire 1 ; 4) l’enregistrement de toutes les requêtes de la demanderesse inscrites sur « Télé recours », avec le numéro de référencement du dossier et la décision d’ester en justice publiée rendant l’engagement juridique et financier exécutoire et donc légitime dans ses bons de commande ou émissions de mandats ; 5) un document comptable permettant de retrouver par n° de requête, le n° de dossier ouvert, pour ensuite faire le lien avec les mandats émis pour le comptable, en l’état, le tableau Excel d’un côté, et des extraits comptables des mandats de l’autre, ne lui permettant pas de comprendre sur quelle requête le mandat a été émis, ni même si ces extraits de mandats représentent la totalité des dépenses d’avocats la concernant ; 6) les quatre décisions obligatoires et individuelles présentées aux conseillers municipaux, dûment publiées auprès de la préfecture, dont le maire se doit de rendre compte au conseillers municipaux, et de les publier auprès de la préfecture afin de leur conférer le caractère exécutoire conformément à l’article L2122‐23 du code général des collectivités territoriales, ces décisions d’ester en justice devant être prises conjointement à la suite de l’enregistrement des contentieux, constatant une charge budgétaire et point de départ de l’engagement juridique et comptable ; 7) la décision d’ester en justice pour la requête n° 1900816, le tableau comptable détaillé avec les mandats émis ; 8) le document comptable concernant tous les mandats émis et certifiés conformes pour la requête n° 2200919 ; 9) l’extrait du budget ou figure le 1° provisionnement des 40.000e de dommages et intérêts, logiquement devant apparaître sur celui de 2019 et sa reconduction sur les années suivantes ; 10) tous les documents comptables, spécifiquement et nominativement, par procédure, avec les mandats en faveur de (ses) propres avocats. En l'absence de réponse du maire de Toulouse à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. En application de ces principes, la commission estime que les documents mentionnés aux points 1), 2) et 3) sont communicables à toute personne qui fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration sous réserve s'agissant des points 2) et 3), de la disjonction ou de l'occultation préalable des pièces ou mentions relevant du secret des affaires. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable sur ces trois points. En deuxième lieu, la commission estime que « l'enregistrement de toutes les requêtes de la demanderesse » cité au point 4), s'il existe en l'état ou est susceptible d'être obtenu par un traitement automatisé d'usage courant, est communicable à Madame X, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable à cette communication. En troisième lieu, la commission rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. S’agissant des factures, la commission prend acte de la décision du 8 février 2023 n° 452521 par laquelle le Conseil d’État a jugé que le droit de communication qu’instituent les dispositions de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver, en vertu des dispositions de l’article 52 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (avis n° 20230165 du 9 mars 2023). La commission en déduit que ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code précité, sous réserve, le cas échéant, de l’occultation des mentions relevant du secret des affaires. Elle précise que si le prix global d'une prestation apparaissant sur une facture ou un devis est communicable à toute personne qui en fait la demande sur le fondement des dispositions précitées, il en va autrement du détail des prix unitaires, qui est susceptible, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé, et doit donc être occulté avant toute communication, pour préserver le secret des affaires (avis n° 20221246 et n° 20221455 du 21 avril 2022). S'agissant de la portée du secret professionnel de l'avocat, la commission rappelle qu’aux termes de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». En application de ces dispositions, le Conseil d’État (CE, ass., 27 mai 2005, n° 268565) a jugé que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, en l’espèce une commune, notamment les consultations juridiques rédigées par l'avocat à son intention, sont des documents administratifs couverts par le secret professionnel. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de cassation que le secret professionnel de l’avocat couvre la convention d'honoraires et les facturations y afférentes (Cass., Civ-1, 13 mars 2008, pourvoi n° 05-11-314). La Cour de cassation a par ailleurs précisé qu’alors même qu’il s’agit de pièces comptables, les factures d’avocat jointes à une correspondance d'avocat sont couvertes par le secret professionnel, sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre la correspondance elle-même et les pièces qui s'y trouvent jointes (Cass., Civ, 6 décembre 2016, pourvoi n° 15 14.554). La Commission considère que les documents comptables produits par une commune en vue du paiement des factures d’honoraires d’avocats ne peuvent être regardés comme des « correspondances échangées entre le client et son avocat », protégées par le secret professionnel auquel l’article L2121-26 n’aurait pas entendu déroger. En revanche, les factures, bien que constituant des pièces justificatives du paiement, sont protégées par ce secret, dès lors qu’elles constituent des correspondances échangées entre la commune et son avocat. En application de ces principes, la commission estime que les pièces comptables mentionnées aux points 5), 8), 9) et 10), qui ne doivent pas être regardés comme des « correspondances échangées entre le client et son avocat » sont librement communicables à la demanderesse, sous réserve qu'elles existent en l'état ou qu'elles puissent être établies par un traitement automatisé d'usage courant et sous réserve, le cas échéant, des mentions relevant de la vie privée de tiers. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur ces quatre points. En dernier lieu, a commission relève qu'en vertu des dispositions de l'article L2132-2 du code général des collectivités territoriales, le maire représente la commune en justice en vertu de la délibération du conseil municipal. Elle émet donc un avis favorable à la communication des documents mentionnés aux points 6) et 7), qui procèdent nécessairement d'une délibération du conseil municipal.