Avis 20232189 Séance du 01/06/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 avril 2023, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de Seine-et-Marne à sa demande de communication de son dossier d'aide sociale à l'enfance (ASE). 1. Rappel du cadre juridique : La commission rappelle d'abord que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées : 1. L’ensemble des pièces qui compose ce dossier avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, revêt un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur. 2. Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé en application des articles L226-4 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 375-5 du code civil, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. 3. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. En revanche, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux. En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations…), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. La commission rappelle, en outre, qu’en application de l’article L211-4 du code du patrimoine, les documents qui procèdent de l’activité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ou des personnes de droit privé chargées d’une mission de service public dans le cadre de cette mission, ont le caractère d’archives publiques. Ces documents deviennent communicables à toute personne qui le demande à l'expiration des délais fixés à l'article L213-2 du même code. La commission rappelle que les pièces couvertes par le secret de la vie privée sont soumises à un délai de communicabilité de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier en application du I de l'article L213-2 du code du patrimoine. Elle précise que lorsqu’un dossier d’archives publiques comporte un ou plusieurs documents qui ne sont pas librement accessibles, cette circonstance rend incommunicable l’ensemble des documents inclus dans le dossier, avant l’expiration de tous les délais destinés à protéger les divers intérêts publics ou privés en présence. Toutefois, elle souligne qu’une autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Une demande d'accès dérogatoire présentée sur le fondement de ces dispositions permet donc, sous certaines conditions, d'accéder à des documents couverts par un secret et qui ne sont pas encore librement communicables. 2. Application au cas d'espèce : En l’espèce, la commission relève que Madame X, devenue majeure, sollicite l’accès à son dossier personnel d'aide sociale à l'enfance détenu par le conseil départemental. Elle relève que l’intéressée n’a pas présenté de demande d'accès anticipé par dérogation en vertu des dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine pour les documents dont la communication serait couverte par les secrets protégés par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration tels que précédemment décrits. Par suite, la commission, qui n'a pu prendre connaissance des documents sollicités, émet donc, en l'état des informations en sa possession, un avis favorable à la demande de communication à l'intéressée des documents administratifs composant son dossier d'aide sociale à l'enfance, sous les réserves qui précédent. Elle précise, à toutes fins utiles, qu'il demeure loisible à Madame X de former, avant l'expiration du délai de cinquante ans à compter de la date du document le plus récent inclus dans le dossier, une demande d'accès par dérogation aux documents qui ne lui seraient pas communicables.