Avis 20231701 Séance du 11/05/2023
Madame X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 mars 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Moutier-Rozeille à sa demande de communication des documents suivants, concernant la gestion d’une exploitation de stockage de déchets :
1) les correspondances émises par la commune à destination de la préfecture de la Creuse et/ou de la sous-préfecture d’Aubusson ainsi qu’aux services de la DREAL concernant l’existence de cette décharge à Forest ;
2) l’intégralité des dossiers et des annexes déposés en application de l’article R423-2 du code de l’urbanisme par le propriétaire (ou par son mandataire) de la parcelle X située à Forest, commune de Moutier-Rozeille ;
3) les récépissés de dépôt délivrés par la commune en application de l’article R423-3 du code de l’urbanisme avec les mentions obligatoires stipulées par l’article R423-4 du même code ;
4) la copie de la transmission par la commune à la préfecture de la Creuse ou à la sous-préfecture d’Aubusson effectuée en application de l’article R423-7 du code de l’urbanisme ;
5) la ou les décisions prises par la commune adressées audit propriétaire (ou son mandataire) en corrélation avec les déclarations obligatoires.
En l’absence de réponse exprimée par le maire de Moutier-Rozeille à la date de sa séance, la commission rappelle en premier lieu, que, selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. Au nombre des informations relatives à l’environnement figurent notamment, en vertu de l’article L124-2 de ce code, celles qui se rapportent aux déchets, aux déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des sols, des terres et des paysages.
A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 du code de l'environnement énumèrent limitativement les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut rejeter une demande tendant à la communication d'informations relatives à l'environnement, au nombre desquelles ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations.
La commission précise qu'en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des « émissions de substances dans l'environnement » que dans le cas où sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que l'autorité administrative en refuse la communication au motif qu'elles comporteraient des mentions couvertes par le secret industriel et commercial.
En l'espèce, la commission comprend que les documents sollicités au point 1), dont elle n'a pas pu prendre connaissance, sont susceptibles de comporter des informations relatives à l’environnement ainsi que des informations relatives à des émissions de substances dans l'environnement.
Elle considère donc que les informations relatives à des émissions de substances susceptibles d'être contenues dans ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application des articles L311-1 et L124-5 du code de l'environnement, sans que puisse être opposé, notamment, le secret de la vie privée ou le secret des affaires, seules les réserves prévues au II de l'article L124-5 du code de l'environnement qui viennent d'être rappelées étant applicables.
Les autres informations de ces documents, qui ne sont pas relatives à des émissions de substances dans l'environnement, sont pour leur part communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que pour les informations relatives à l'environnement, des articles L124-1 et L124-3 du code de l'environnement. Cette communication est subordonnée, après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, à l'occultation préalable des mentions relevant d'un secret protégé en application des dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, à condition que l’occultation de ces mentions ne prive pas d’intérêt la communication de ces informations.
La commission émet donc un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 1), s'ils existent et sous réserve de l'occultation préalable des mentions relevant d'un secret protégé, dans les conditions qui ont été rappelées, selon la catégorie d'informations environnementales concernée.
La commission rappelle ensuite que les documents produits et reçus par l’administration en matière d’autorisations individuelles d’urbanisme sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration. En vertu du principe de l’unité du dossier, le droit à communication s’applique à tous les documents qu’il contient, qu’ils émanent du pétitionnaire ou aient été élaborés par l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, et qu’ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, soit que la décision ait été effectivement prise, soit que l'autorité compétente ait renoncé à son projet.
Elle précise, en outre, que lorsque le maire statue, au nom de la commune, par une décision expresse (favorable ou défavorable) sur une demande d’autorisation individuelle d’urbanisme, celle-ci est alors communicable sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales (CGCT), aux termes duquel : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». Ce droit d’accès s’étend à l’ensemble des pièces annexées à ces actes (CE, 11 janvier 1978, n° 04258, recueil Lebon p. 5). La commission estime que, s’agissant d’une autorisation individuelle d’urbanisme, doivent être regardées comme annexées à l’arrêté les seules pièces qui doivent obligatoirement figurer dans le dossier soumis au maire, en application des dispositions du code de l'urbanisme applicables à l'autorisation individuelle concernée. Les autres pièces, s’il en existe, relèvent du régime du code des relations entre le public et l'administration exposé ci-dessus.
La commission rappelle également que le Conseil d'État a jugé, dans sa décision Commune de Sète n° 303814 du 10 mars 2010, complétée par la décision du 17 mars 2022, n° 449620, que si les exceptions au droit d’accès prévues à l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement des dispositions spéciales de l’article L2121-26 du CGCT, l’exercice de ce droit d’accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d’autres fondements, tels que le secret de la vie privée ou le secret industriel et commercial.
Lorsqu’aucune décision expresse n’a été prise par le maire sur la demande, le dossier perd son caractère préparatoire et devient communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, à l’expiration du délai faisant naître une décision tacite sur cette demande.
En application de ces principes, la commission considère que doivent être occultés avant toute communication (conseil n° 20181909 du 25 octobre 2018) :
- la date et le lieu de naissance du pétitionnaire ;
- les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique du pétitionnaire, qu'il s'agisse d'une personne morale ou d'une personne physique ;
- les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique de l'architecte ;
- le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) de la personne à laquelle le pétitionnaire souhaite que les courriers de l’administration (autres que les décisions) soient adressés, sauf s'il s'agit de l'architecte, à l'exception de ses coordonnées téléphoniques et de son adresse de messagerie électronique ;
- le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) du propriétaire ou du bénéficiaire de l'autorisation individuelle d’urbanisme qui doit s'acquitter de la participation pour voirie et réseaux, s'il est différent du pétitionnaire ;
- la finalité du projet (logement destiné par exemple à la vente ou à la location).
En revanche, la commission estime qu'il n’y a pas lieu d’occulter le nom et l'adresse du pétitionnaire, cette dernière pouvant s’avérer au demeurant nécessaire à une personne pour notifier son recours contentieux contre l'autorisation individuelle d’urbanisme, en application de l’article R600-1 du code de l’urbanisme. Sont également communicables, le nom et l'adresse de l'architecte, l'objet et la date de l'autorisation et, le cas échéant, la déclaration d'ouverture de chantier. Elle émet, dès lors, sous ces réserves, un avis favorable à la communication des documents sollicités aux points 2) à 5), s'ils existent.