Avis 20231569 Séance du 20/04/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 17 mars 2023, à la suite du refus opposé par le directeur de l'Association Pyrénéenne d'aide aux victimes d'infraction pénale (APAVIM) à sa demande de publication en ligne, sur le site internet de l'association, des documents suivants : 1) les budgets comptables de chaque exercice ; 2) l'origine des fonds qui financent l'association ; 3) l'organigramme ; 4) la charte d'indépendance et de conflits d'intérêt (article D1-12-2 du code de procédure pénale) ; 5) les statuts de l'association ; 6) l'agrément ; 7) la réglementation qui régit les APAVIM. En premier lieu, la commission rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission (...) ». La commission précise que les documents produits ou reçus par une personne de droit privé revêtent le caractère de documents administratifs au sens des dispositions précitées si, d’une part, cette personne exerce une mission de service public et si, d’autre part, les documents sollicités présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public qui lui est confiée (CE, 17 avr. 2013, n° 342372, aux Tables). S'agissant de la première condition, la commission rappelle que le Conseil d'État a jugé, dans sa décision de section « Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI) » du 22 février 2007 (n° 264541, au Recueil), « qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Toutefois, même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ». En l'espèce, la commission observe que l'APAVIM est une association régie par la loi du 1er juillet 1901, composée, s'agissant de ses membres de droit, de personnes publiques. Selon ses statuts, elle a pour objet de proposer aux victimes d'une infraction pénale une écoute privilégiée et une prise en charge globale de leurs difficultés, de faciliter l'accès au droit de toute personne à la recherche d'information, de s'inscrire dans le dispositif de prise en charge des victimes d'actes de terrorisme d'accidents collectifs, évènements climatiques majeurs..., de remplir des missions d'administration ad'hoc, de médiations, d'enquêtes et de mesures de justice restaurative et d'organiser des sessions de formation et des missions de sensibilisations et d'informations du public sur les problèmes spécifiques des victimes. L'APAVIM est par ailleurs financée, outre par les cotisations de ses membres, les dons et les legs, par des subventions publiques de nombreuses collectivités publiques. La commission constate également qu'elle dispose d'un agrément délivré, sur le fondement de l'article D1-12-8 du code de procédure pénale, par le service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes du secrétariat général du ministère de la Justice. Dans ce cadre, elle rend compte, en application de l'article D1-12-9 du même code, de son activité en transmettant, au secrétariat général du ministère de la justice, un compte rendu d'activité et un rapport financier pour l'année précédente, approuvés par son assemblée générale. La commission estime, compte tenu des modalités de création et de fonctionnement de l'APAVIM, de sa mission d'intérêt général et de l'objet de son agrément, que cette association assure une mission de service public au sens de la jurisprudence précitée. S'agissant de la seconde condition, à savoir le lien suffisant avec la mission de service public, la commission rappelle, ainsi que l’a jugé le Conseil d’État (CE, 25 juillet 2008, CEA, n°280163), que les documents qui retracent les conditions dans lesquelles un organisme de droit privé exerce la mission de service public qui lui a été confiée, présentent par leur nature et par leur objet le caractère de documents administratifs communicables. A propos des pièces comptables, le Conseil d’État a par ailleurs jugé que si les comptes d'un tel organisme, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce la mission de service public qui est la sienne, présentent dans leur ensemble, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs, les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l'organisme ne constituent des documents administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu'elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public (CE, 13 avril 2021, n° 435595 et 440320). La commission relève, par ailleurs, que le septième alinéa de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 prévoit que le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention qu’il doit conclure avec l’autorité administrative qui attribue la subvention dépassant un certain seuil, et le compte rendu financier de la subvention, doivent être communiqués à toute personne qui en fait la demande, dans les conditions prévues par les articles L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. La commission estime qu’entrent dans le champ de cette obligation de communication le budget, le bilan et le compte de résultat de l’organisme, ainsi que le compte rendu financier de la subvention, lorsque cette dernière a été affectée à une dépense déterminée. En l'espèce, la commission estime que les documents sollicités ont pour objet soit de définir la mission de service public confiée à l'APAVIM, soit de retracer les conditions dans lesquelles celle-ci exerce sa mission de service public. Elle en déduit que ces documents revêtent un caractère administratif, au sens de l'article L300-2 du code précité. La commission rappelle, en second lieu, que selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ». Par ailleurs, aux termes de l'article L311-7 : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ». En l'espèce, la commission estime que les documents mentionnés aux points 1), 3), 5), 6) et 7) sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que le cas échéant, s'agissant du point 1), de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000. Elle émet donc un avis favorable sur ces points. La commission estime que les éléments sollicités au point 2) de la demande, qui s'apparentent à une demande de renseignement, en supposant qu'ils soient matérialisés dans un document administratif existant ou susceptible d'être établi au moyen d'un traitement automatisé d'usage courant sont également librement communicables, si et dans la mesure où les informations retracées présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public de l'APAVIM. Enfin, la commission considère que la charte mentionnée au point 4) de la demande est aussi communicable à toute personne qui en fait la demande, sous réserve qu'elle ne révèle pas d'informations couvertes par le secret de la vie privée des personnes intéressées, lesquelles devraient alors être préalablement occultées. La commission émet, dans cette mesure et sous ces réserves, un avis favorable à la communication des documents sollicités.