Avis 20230324 Séance du 09/03/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Chassieu à sa demande de communication, en sa qualité de conseiller municipal, des documents suivants :
1) l'étude démographique portant sur l'évolution du nombre d'élèves ;
2) l'étude financière portant sur la réévaluation du montant de l'attribution de compensation.
La commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.
En premier lieu, la commission, qui a pris connaissance de la réponse du maire de Chassieu, rappelle qu'une étude élaborée pour une personne publique pour les besoins de l'exercice de ses missions de service public est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve, le cas échéant, du respect des droits de propriété intellectuelle protégés par l'article L311-4 de ce code. Dans sa décision du 8 novembre 2017 (n° 375704), le Conseil d’État a jugé que cette disposition implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur. En l'espèce et en l'état des informations portées à sa connaissance, la commission comprend que le document sollicité n'est pas grevé de droits d'auteur.
La commission relève ensuite que le maire de Chassieu lui a indiqué que postérieurement à son avis n° 20192567, du 16 janvier 2020 dans lequel elle a considéré que l'étude démographique sollicitée au point 1) présentait un caractère préparatoire, une partie de cette étude a été communiquée aux élus de l'opposition. Il a par ailleurs précisé que cette étude faisait l'objet d'une mise à jour régulière afin d'éclairer les élus sur le projet de construction d'une nouvelle école qui a été repoussé à une date qui n'a pas encore été arrêtée. Ce document ne serait donc, à ce stade, pas communicable.
La commission rappelle qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ».
En application de ces dispositions, la commission distingue ainsi deux types de documents :
- les documents inachevés en la forme, tels que les ébauches, brouillons et versions successives d'un document, qui précèdent l'élaboration d'un document complet et cohérent, et qui ne peuvent être communiqués en l'état. Seul le document achevé sera communicable, le cas échéant. Cette appréciation doit être faite en fonction des caractéristiques propres des documents dont la communication est demandée, nonobstant, le cas échéant, le caractère incomplet ou irrecevable du dossier dont ces documents font partie.
- les documents préparatoires, lesquels ont acquis leur forme définitive, mais dont la communication est subordonnée à l’intervention de la décision administrative qu'ils préparent. Elle rappelle qu'un document préparatoire est exclu du droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration aussi longtemps que la décision administrative qu'il prépare n'est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable.
En l'état des informations portées à sa connaissance, il n'apparaît pas à la commission que l'étude sollicitée, en dépit de son caractère évolutif et dynamique, constitue une version provisoire d’un futur document à intervenir. Elle en déduit que ce document ne présente pas un caractère inachevé.
Elle relève, en revanche, que le maire de Chassieu lui a indiqué que cette étude fait l'objet d'une mise à jour régulière afin d'éclairer les élus sur le projet de construction d'une nouvelle école qui a été repoussé à une date qui n'a pas encore été arrêtée. Elle estime que cette étude présente donc à ce stade, tant que la décision quant au dimensionnement de ce futur groupe scolaire ne sera pas arrêtée, un caractère préparatoire. Elle émet donc un avis défavorable en l'état au point 1) de la demande.
En second lieu, s'agissant du point 2), la commission précise que dans sa décision du 3 juin 2022, n° 452218, le Conseil d’État a jugé que seules les correspondances émises ou reçues, dans le cadre des fonctions exercées au nom de la commune, par le maire, ses adjoints ou les membres du conseil municipal auxquels le maire a délégué une partie de ses fonctions, ont le caractère de documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Tel n’est en revanche pas le cas des correspondances des élus locaux qui ne peuvent être regardées comme émanant de la commune dès lors qu’elles expriment, notamment, des positions personnelles ou des positions prises dans le cadre du libre exercice de leur mandat électif.
La commission en déduit que les documents produits par l’exécutif d’une commune revêtent un caractère administratif, dès lors que ces autorités sont réputées agir au nom de cette collectivité. L’utilisation d’une messagerie ou d’un téléphone personnel privé est, à cet égard, sans incidence, à condition que les échanges concernés ne soient pas détachables de ces fonctions. Les documents produits ou reçus par le conseil municipal constituent également des documents administratifs, dès lors que les élus délibèrent, à cette occasion, au nom de la commune. En revanche, échappent à la qualification de document administratif les messages des élus, y compris des membres de l’exécutif local, qui ne sont pas échangés au nom de la commune dans le cadre d’une fonction élective, mais qui le sont à titre personnel dans le cadre de leur fonction politique. Le caractère administratif ou politique des messages émanant des élus locaux s’apprécie ainsi, au cas par cas, notamment à partir d’un critère matériel, tenant à leur contenu et à leur objet, le critère organique et le critère formel constituant, pour leur part, de simples indices.
En l’espèce, le maire de Chassieu fait valoir que le document sollicité, dont la commission a pris connaissance, est une note rédigée par l'adjoint aux finances à l'attention des membres de son groupe politique ayant une portée uniquement politique. La commission estime toutefois que ce document, qui ne constitue d'ailleurs pas une correspondance, constitue, eu égard à sa forme, son objet et à son contenu, un document administratif au sens du code des relations entre le public et l'administration. Ce document est librement communicable à toute personne qui en fait la demande. Elle émet donc un avis favorable à la demande.