Avis 20227572 Séance du 12/01/2023

Madame X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 28 novembre 2022, à la suite du refus opposé par le président de l'université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC) à sa demande de communication, sous forme de copie électronique par courriel, ou, à défaut, sous forme de copie sur une clé USB, à ses frais, des élements suivants relatifs au projet de recherche mené sur les chiens « Translamuscle » : 1) concernant le projet de recherche menant à la publication X; A dog model for centronuclear myopathy carrying the most common DNM2 mutation. Dis Model Mech 1 April 2022; 15 (4): dmm049219. doi: - https://doi.org/10.1242/dmm.049219 : a) l’autorisation de projet (APAFIS #2018010910531134) ; b) le résumé non‐technique ; c) l’avis du comité d’éthique de l’École nationale vétérinaire d'Alfort (EnvA), de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et UPEC (numéro 13/02/18‐1) ; d) les photos et vidéos des chiens utilisés dans ce projet de recherche ; e) les documents précisant le financement et le montant du financement du projet de recherche cité ci‐dessus par la Fondation maladies rares (11734), l’Association française contre les myopathies [AFM‐Téléthon; Translamuscle I (19507) and Translamuscle II (22946)], l‘Institut national de la santé et de la Recherche médicale, le Centre national de la recherche scientifique, the Université de Strasbourg et l’Agence nationale de la recherche (ANR‐10‐LABX‐ 0030‐INRT dans le cadre program Investissements d'Avenir ANR‐10‐IDEX‐0002‐02) ; 2) concernant le projet de recherche menant à la publication X X‐linked ; muscular dystrophy in a Labrador Retriever strain: phenotypic and molecular characterisation. Skeletal Muscle 10, 23 (2020). - https://doi.org/10.118/s13395‐020‐00239‐0 : a) l’autorisation de projet ; b) le résumé non‐technique ; c) l’avis du comité d’éthique de l’EnvA, ANSES et UPEC (numéro 20/12/12‐18) ; d) les photos et vidéos des Labradors Retrievers utilisés dans le projet de recherche ; e) les documents précisant le financement et le montant du financement du ou des projet/s de recherche liés à la publication cité ci‐dessus par l’Association française contre les myopathies (AFM‐Telethon, numéro de financement 12696) ; 3) les autorisations de projets (projets en cours, projets ayant pris fin au cours de l’année 2022 ainsi que les projets déjà autorisés qui n’ont pas encore commencé) utilisant l’espèce chien (Canis Familiaris) dans le contexte du projet « Translamuscle » (depuis 2020 : Translamuscle II) conduit par l’équipe du Prof. X à l’Institut Mondor de recherche biomédicale ; 4) les documents précisant le financement du projet « Translamuscle » de 2020 à 2024 (Translamuscle II). En l'absence de réponse du président de l'université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC) à la date de sa séance, la commission comprend, en premier lieu, que les documents sollicités sont relatifs à des projets de recherche menés par l’Institut Mondor de recherche biomédicale, au sein d'une unité mixte de recherche créée conjointement par cette université et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Elle en déduit que les documents retraçant les budgets et financements des projets menés au sein de cette unité mixte de recherche constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration. Elle émet par suite un avis favorable à la communication des documents mentionnés au e) des points 1) et 2) ainsi qu’au point 4). En deuxième lieu, la commission relève que les projets utilisant des animaux à des fins scientifiques doivent être autorisés au préalable par le ministère de la recherche, après avoir été soumis à l’avis d’un comité d’éthique. Elle précise qu'en application de l'article R214-119 du code rural et de la pêche maritime, l'évaluation éthique des projets de recherche utilisant des animaux est effectuée par le comité d'éthique en expérimentation animale dont relève l'établissement utilisateur. Aux termes de ces dispositions, l'évaluation éthique : « permet de vérifier que le projet satisfait aux critères suivants : 1° Le projet est justifié du point de vue scientifique ou éducatif, ou requis par la loi ; 2° Les objectifs justifient l'utilisation des animaux ; 3° Le projet est conçu pour permettre le déroulement des procédures expérimentales dans les conditions les plus respectueuses de l'animal et de l'environnement (...) ». Ces dispositions prévoient également que lors de l'évaluation éthique des projets, le comité d'éthique en expérimentation animale prend en compte les principes énoncés dans la charte nationale portant sur l'éthique de l'expérimentation animale. L'article R214-120 dispose qu' « au vu du dossier fourni pour l'évaluation éthique d'un projet, le comité d'éthique en expérimentation animale dont relève l'établissement peut exiger qu'une appréciation rétrospective de ce projet soit menée à l'issue de la réalisation de celui-ci ». Aux termes de l'article R214-121 de ce code : « Tous les documents pertinents, y compris l'autorisation de projet et le résultat de l'évaluation éthique du projet, sont conservés par l'établissement utilisateur pendant au moins cinq ans à compter de la date d'expiration de l'autorisation du projet et mis à la disposition des agents habilités. Sans préjudice de l'alinéa précédent, les documents portant sur des projets qui doivent faire l'objet d'une appréciation rétrospective sont conservés jusqu'à l'aboutissement de celle-ci ». En l'espèce, la commission estime que les documents sollicités, qui se rattachent à cette procédure d'évaluation éthique des projets expérimentaux, constituent des documents administratifs communicables dans les conditions définies par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Elle rappelle, d’une part, qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l’article L311-2 de ce code : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ». En application de ces dispositions, la commission distingue deux types de documents : d'une part, les documents inachevés en la forme, tels que les ébauches, brouillons et versions successives d'un document, qui précèdent l'élaboration d'un document complet et cohérent, et qui ne peuvent pas être communiqués, seul le document achevé étant communicable le cas échéant ; d'autre part, les documents préparatoires, lesquels ont acquis leur forme définitive, mais dont la communication est subordonnée à l’intervention de la décision administrative qu'ils préparent. Les informations portées à la connaissance de la commission ne permettent pas de conclure que les documents sollicités seraient inachevés ou revêtiraient un caractère préparatoire. La commission rappelle, d’autre part, que cette demande ne peut être satisfaite que sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé. En vertu de l’article L311-1 de ce code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ». Elle précise que les dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 du code précité font obstacle à la communication des documents administratifs dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. La commission rappelle que l'atteinte à la sécurité des personnes ne se présume pas mais doit être établie, compte tenu des circonstances propres à chaque cas d'espèce. Elle indique, d'autre part, qu’en application de l'article L311-6 du code, ne sont communicables qu'à l'intéressé les éléments qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, qui font apparaître un comportement d'une personne physique dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ou dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée. La communication ne peut intervenir qu’après disjonction ou occultation des éléments qui porteraient atteinte à l’un de ces intérêts et sous la réserve qu’une telle disjonction ou occultation ne conduise pas à priver de son sens le document sollicité. Dans l'hypothèse où l'importance des occultations dénaturerait le sens d'un document ou priverait sa communication de tout intérêt, cette communication peut être refusée par l'autorité administrative auprès de laquelle le document a été sollicité en vertu de l'article L311-7 du même code. La commission rappelle, s'agissant du secret des affaires, qu'elle considère, de manière constante, que s'agissant des personnes morales de droit public chargées d'une mission de service public et dont l'objet principal n'est ni industriel, ni commercial, les documents administratifs produits ou reçus dans le cadre de leurs missions sont en principe intégralement communicables à toute personne, sans que puisse être opposé le secret des affaires et nonobstant le fait que leur activité s’inscrive dans un environnement concurrentiel (avis de partie II, n° 20210291). Elle estime, dès lors, que le secret des affaires ne peut en revanche pas utilement être invoqué en l'espèce. La commission rappelle, enfin, qu'en vertu de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique ». Elle précise, en outre, qu'il résulte toutefois de l’article L121-7-1 du code de la propriété littéraire et artistique que le droit de divulgation reconnu à l’agent public « qui a créé une œuvre de l’esprit dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues s’exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui l’emploie ». Parmi ces règles, figurent celles du code des relations entre le public et l'administration qui imposent aux administrations de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent, sous réserve des articles L311 5 et L311-6 dudit code. Elle considère, dès lors, que le droit de divulgation dont dispose un agent public sur un document administratif ne saurait faire obstacle au droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III de ce code. Elle en déduit qu'en principe, l'administration n'a pas à requérir l'autorisation préalable de l'agent public concerné ou le cas échéant de ses ayants droit, avant de procéder à la communication ou à la publication du document (conseil n° 20180226, du 17 mai 2018). Toutefois, le dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle exclut des dispositions de l’article L121-7-1 précitées « les agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique ». Ces agents disposent donc du droit de divulgation des œuvres dont ils sont les auteurs, dans les conditions prévues à l'article L121-2 du même code, ce droit patrimonial n’étant pas transféré automatiquement à l’administration. Il résulte de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration, telles qu'interprétées par le Conseil d’État (CE, 8 novembre 2017, Association spirituelle de l’Église de scientologie, n° 375704), qu'avant de procéder à la communication ou à la publication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, il appartient à l'administration saisie de recueillir l'accord de leur auteur (conseil de partie II, n° 20180226, du 17 mai 2018). Par suite, lorsqu’un agent entrant dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle détient des droits de propriété intellectuelle sur un document administratif en possession de l'administration, cette dernière doit requérir son autorisation préalable avant de procéder à la communication ou à la publication du document. Comme elle l'a fait dans son avis de partie I n° 20224541, la commission estime qu’entrent en principe dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, les personnels de recherche des établissements publics à caractère scientifique et technologique qui, en vertu de l’article L411-3 du code de la recherche, jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions et de leurs activités de recherche. En l'espèce, et en l'absence de précision sur ce point, la commission estime que les documents sollicités, s'ils sont grevés de droits d'auteur et s'ils n'ont pas fait au préalable l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, ne pourront être communiqués à la demanderesse qu'avec l'autorisation de leurs auteurs. Sous l'ensemble de ces réserves, la commission émet un avis favorable à la communication du surplus de la demande.