Avis 20226127 Séance du 24/11/2022
Maître X, conseil de Madame X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 4 octobre 2022, à la suite du refus opposé par le maire d'Alfortville à sa demande de communication des documents concernant l'immeuble sis au X à Alfortville, qui a fait l'objet d'une procédure de péril diligentée en 2012 par la ville :
1) la requête transmise le 17 janvier 2012 au tribunal administratif de Melun, par laquelle la commune a sollicité la désignation d’un expert en vue d’apprécier la situation de péril présentée par l’immeuble sis X ;
2) l’arrêté pris à la suite du rapport d’expertise rendu le 17 décembre 2012 par Monsieur X ;
3) les actes de surveillance qui ont dû être effectués par la commune en application dudit rapport d’expertise ;
4) le rapport des services technique de la ville en date du 2 mai 2022 ayant motivé l’arrêté n° 2022/448 portant mise en sécurité de l’immeuble sis X en date du 4 mai 2022 ;
5) plus largement, tous les actes pris par la commune au titre des désordres affectant l’immeuble sis X depuis 2012.
En l’absence de réponse de l’administration à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, s’agissant du document sollicité au point 1), que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d'une procédure juridictionnelle ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les rapports d'expertise ou les mémoires et observations des parties. La requête en vue de la désignation d’un expert devant le tribunal administratif de Melun revêt dès lors un caractère juridictionnel. Par suite, la commission se déclare incompétente pour se prononcer sur la demande s'agissant du point 1).
En deuxième lieu, s’agissant du point 2), la commission rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.
La commission précise que les arrêtés de péril pris par le maire d'une commune prescrivent au propriétaire des lieux la réalisation de travaux tendant à restaurer la sécurité publique. Elle estime que de telles indications ne peuvent être regardées comme comportant une appréciation ou un jugement de valeur sur le propriétaire des lieux. Elle considère, par suite, que les arrêtés de périls sont communicables à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales.
La commission estime, en application de ces principes, que l'arrêté mentionné au point 2) est communicable au demandeur. Elle émet, dès lors, un avis favorable sur ce point.
S'agissant du surplus, la commission estime que les pièces d'un dossier relatif à une procédure de péril sont des documents administratifs communicables, lorsqu'ils ne présentent plus un caractère préparatoire, tant aux propriétaires qu'aux locataires et, le cas échéant, aux autres occupants de l'immeuble. Dans la mesure, en effet, où l'état d'une partie de l'immeuble a nécessairement des incidences sur l'état des autres parties et où les désordres constatés affectent tant la sécurité de chaque occupant que la conservation des biens de chaque propriétaire, ceux-ci sont directement concernés par l'ensemble du document et présentent ainsi à son égard la qualité de personne intéressée au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Ce n'est que dans le cas où l'état d'une partie de l'immeuble s'avèrerait sans rapport avec l'état des autres parties que les constatations faites pourraient être regardées comme divisibles les unes des autres et que le document ne devrait être communiqué à chacun que pour la partie qui le concerne directement. La communication de ces documents à une personne qui ne serait pas directement concernée est en revanche susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée tant de son occupant que de son propriétaire, et est également susceptible de révéler de la part de l'un comme de l'autre un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice.
La commission précise, en outre, que si les rapports d’expertises ordonnées par des juridictions constituent en principe des documents juridictionnels, comme tels exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration, il en va différemment, en vertu du principe d’unité du dossier, lorsque de tels rapports servent de fondement à une décision administrative. Tel est le cas lorsque les mesures conservatoires susceptibles d’être prises par le maire dans le cadre de la procédure prévue à l’article L511-3 du code de la construction et de l’habitation sont nécessairement fondées sur le rapport d’expertise mentionné à cet article.
La commission estime, en application de ces principes, que les documents mentionnés aux points 3 à 5), sont communicables à la demanderesse, si cette dernière justifie de la qualité de personne intéressée. Devront être disjoints ou occultés, le cas échéant, les éléments qui font apparaître d'une personne physique ou morale un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ou dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, sauf à ce que ces disjonctions ou occultations privent d'intérêt la communication de ces documents. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande sur ces points.