Avis 20225870 Séance du 03/11/2022
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 septembre 2022, à la suite du refus opposé par le président de la communauté d'agglomération du Douaisis à sa demande de communication des documents suivants :
1) la copie des livres de comptes administratifs de l'agglomération pour les années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021 ainsi que les annexes des délibérations relatives à l'attribution des fonds de concours aux communes ;
2) l'extraction de la liste de l'ensemble des agents employés à ce jour par l'agglomération comportant les nom, prénom, grade, échelon, affectation/service, date d'embauche et type de contrat ;
3) les fiches de poste et les éléments de rémunération (grade, échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion) de Madame X et Madame X ;
4) le rapport du cabinet comptable X relatif à l’étude sur la mise en place de la gratuité des transports du Douaisis (EVEOLE) appliquée au 1er janvier 2022.
En l'absence de réponse de l'administration à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, qu’il résulte de l'article L5211-46 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale, des arrêtés de leur président, ainsi que de leurs budgets et de leurs comptes. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.
La commission précise toutefois que si l'article L5211-46 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des EPCI, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
La commission estime, par suite, que le livre des comptes est un document administratif communicable à toute personne en faisant la demande sur le fondement de ces dispositions, sous réserve de l’occultation préalable des éventuelles mentions couvertes par le secret des affaires, le secret de la vie privée ou de tous autres secrets protégés par la loi (CE, 27 septembre 2022, n° 452614).
Elle précise, à cet égard, que si les noms et prénoms d'une personne physique sont des données à caractère personnel, ces mentions ne sont, en elles-mêmes, pas protégées par le secret de la vie privée. Elle en déduit, s'agissant du grand livre de comptes, que ces données ne doivent en principe être occultées qu'au cas par cas, si, par recoupement avec les autres informations du document, elles sont de nature à porter atteinte au secret de la vie privée et au secret médical des personnes intéressées, ou si elles révèlent une appréciation ou un jugement de valeur d'ordre individuel sur ces personnes ou encore si elles font apparaître de leur part un comportement dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice.
En application de ces principes, la commission a par exemple considéré que les mentions du grand livre de comptes relatives aux frais de déplacement du personnel ou aux rémunérations versées aux agents, ne relèvent en elles-mêmes pas d'un secret protégé et peuvent, dès lors, être intégralement communiquées aux tiers (conseil n° 20215036, du 4 novembre 2021 ; avis n° 20191375, du 18 juillet 2019). En revanche, elle estime de manière constante que l'identité des agents mentionnés dans l'article relatif à la médecine du travail et aux frais médicaux doit être occultée au titre du secret médical (mêmes avis). Elle considère, de façon plus générale, que lorsque le nom d'un tiers est associé à une opération comptable, ces données identifiantes doivent être occultées, dès lors que leur divulgation à un tiers est susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi. Tel est le cas, par exemple, des bénéficiaires d'une aide ou d'une allocation ou des personnes redevables d'un trop-perçu.
La commission rappelle ensuite qu'en vertu de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, il appartient à l'autorité saisie d'une demande de communication d'occulter ou de disjoindre chacune des mentions couvertes par un secret protégé, préalablement à la communication d'un document librement communicable à toute personne, à condition que ces occultations ou disjonctions ne privent pas de sens le document ou d'intérêt la communication.
Elle relève, que dans sa décision du 27 septembre 2022, n° 452614, le Conseil d’État a estimé, s'agissant d'une demande de communication des fichiers de comptabilisation des titres de recettes et mandats de paiement émis par un département au titre de trois années, se présentant sous la forme de tableaux retraçant au total plus de 300 000 mandats de paiement et 75 000 titres de perception, que ces documents pouvaient être communiqués à des tiers après suppression, au sein de chaque fichier, de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables, telles que par exemple celles intitulées « nom bénéficiaire » ou « objet liquidation ». Après avoir relevé que des tiers pouvaient être associés à chaque opération comptable tels que, par exemple, les bénéficiaires de dépenses relatives à l'action sociale, d’insertion ou en matière de santé menée par le département, le Conseil d’État a estimé qu'il ne revenait pas à l’administration d’opérer, sur des documents d’un tel volume, une vérification ligne à ligne des informations potentiellement protégées, cette recherche représentant une charge disproportionnée au regard des moyens à disposition.
La commission estime que cette solution, qui déroge au principe de l'occultation des seules mentions protégées, doit être interprétée strictement. Il revient en conséquence à l’administration d’apprécier concrètement, compte tenu des circonstances de l’espèce, si le volume et le contenu du grand livre de comptes demandé justifient la suppression de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables. Ce n’est ainsi qu’au cas par cas qu'une telle disjonction pourra être réalisée.
Elle émet donc un avis favorable, sous ces réserves et conditions, au point 1) de la demande en ce qu'il vise la copie des livres de comptes administratifs de l'agglomération pour les années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021, et sans réserve s'agissant des annexes des délibérations relatives à l'attribution des fonds de concours aux communes.
En deuxième lieu, la commission rappelle qu’une liste des agents d'une collectivité publique qui ne fait apparaître que les mentions visées au point 2) constitue un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public. En outre, la commission considère que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit, de manière générale, bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative, des arrêtés de nomination et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. En revanche, les mentions intéressant la vie privée des agents (date de naissance, adresse personnelle, adresse électronique professionnelle individuelle, situation familiale, numéro de sécurité sociale, dates de congés,etc.) ou révélant une appréciation portée sur eux (éléments de rémunération qui sont fonction de la situation personnelle ou familiale ou de l'appréciation portée sur la façon de servir) ne sont pas communicables à des tiers en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La commission émet en conséquence, sous cette réserve, un avis favorable sur les points 2) et 3).
En troisième lieu, la commission estime que le rapport mentionné au point 4), qui apparaît avoir perdu son caractère préparatoire, est un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet donc un avis favorable sur ce point.