Avis 20224887 Séance du 03/11/2022

Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 9 août 2022, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de la Haute-Savoie à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, du dossier concernant son père, Monsieur X, né le X à Annecy et décédé en X. 1. Rappel du cadre juridique : La commission rappelle qu'en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents dont la communication porterait atteinte au respect de sa vie privée. La personne intéressée est, au premier chef, celle à laquelle le document se rapporte. Le décès d’une personne ne met pas fin au secret protégeant sa vie privée. Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon, que la personne intéressée, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. En application de ces principes, la commission estime qu'un dossier d'aide sociale à l'enfance détenu par un conseil départemental est communicable à la personne à laquelle il se rapporte, principale intéressée, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Cette communication ne peut toutefois intervenir qu'après occultation, sur le fondement de cette même disposition, des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée de tiers ou qui feraient apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Ce dossier administratif peut en outre, le cas échéant, être communiqué à ses enfants, à la condition toutefois qu’ils se prévalent en le justifiant, à raison des documents dont il demande la communication, de droits propres hérités du défunt ou de droits propres nés d’un préjudice qu’ils subissent directement. La commission rappelle, en outre, qu’en application de l’article L211-4 du code du patrimoine, les documents qui procèdent de l’activité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ou des personnes de droit privé chargées d’une mission de service public dans le cadre de cette mission, ont le caractère d’archives publiques. Ces documents deviennent communicables à toute personne qui le demande à l'expiration des délais fixés à l'article L213-2 du même code. La commission rappelle que les pièces couvertes par le secret de la vie privée sont soumises à un délai de communicabilité de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier en application du I de l'article L213-2 du code du patrimoine. Elle précise que lorsqu’un dossier d’archives publiques comporte un ou plusieurs documents qui ne sont pas librement accessibles, cette circonstance rend incommunicable l’ensemble des documents inclus dans le dossier, avant l’expiration de tous les délais destinés à protéger les divers intérêts publics ou privés en présence. Toutefois, elle souligne qu’une autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Une demande d'accès dérogatoire présentée sur le fondement de ces dispositions permet donc, sous certaines conditions, d'accéder à des documents couverts par un secret et qui ne sont pas encore librement communicables. 2. Application au cas d'espèce : En l'espèce, la commission relève que Madame X a présenté une demande d'accès anticipé par dérogation en vertu des dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine, au dossier d'aide sociale à l'enfance de son père, Monsieur X. Ce dossier, qui inclut au moins une pièce couverte par un délai de cinquante ans au titre de la protection de la vie privée, n'est à ce stade pas encore librement communicable. La commission relève que l'essentiel du dossier a été communiqué à Madame X, à l'exception toutefois d'une pièce extraite lors de la communication, qui mentionne l'identité d'un tiers. La justification de l'extraction de ce document est son envoi initial par un tiers et non par un membre de la famille. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental de la Haute-Savoie a indiqué à la commission que le dossier de Monsieur X n'établit aucune filiation paternelle et que le document auquel la demanderesse souhaite accéder est un courrier de la CAF daté de juillet 1958 portant mention d'un tiers dont rien ne permet de corroborer qu'il s'agit du père de Monsieur X. La commission estime, toutefois, compte tenu, d'une part, de la qualité de la demanderesse et de l'objet de ses recherches, et d'autre part, de la circonstance que le document extrait est d'ores et déjà librement communicable selon l'article L213-2 du code du patrimoine, que l'intérêt légitime de Madame X est en l'espèce de nature à justifier la consultation anticipée intégrale des fonds d’archives demandés, sans qu’il soit porté une atteinte excessive à la protection de la vie privée. Elle émet donc un avis favorable.