Avis 20224565 Séance du 22/09/2022

Maître X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le président de SNCF Réseau à sa demande de communication des éléments suivants relatifs aux activités de la gare de triage d'Hourcade : I) les rapports d’activité de la gare, pour les années 2016 à 2021, indiquant a minima pour chacune de ces années : 1) le nombre total de wagons qui transitent par la gare ; 2) parmi ceux‐ci, le nombre total de wagons de matières dangereuses, en distinguant le nombre total de wagons transportant : a) des gaz toxiques (chlore, ammoniac, gaz assimilés à l’oxyde d’éthylène) ; b) des liquides toxiques (liquides assimilés à l’acrylonitrile) ; c) des liquides inflammables ; d) du GPL ; e) des supercarburants ; f) des solides explosifs ; g) de l’hexafluore d’uranium ; h) du nitrate d’ammonium, etc. ; 3) les dispositions supplémentaires prises pour permettre une amélioration de la sécurité : a) en distinguant : - les dispositions constructives touchant notamment au matériel roulant ; - les dispositions organisationnelles de l’exploitation ferroviaire ; b) en précisant : - les dispositifs de sécurité sur la structure des wagons‐citernes transportant certaines marchandises toxiques, avec mise aux normes du parc existant, afin d’encore réduire les risques de perte de confinement (dispositif d’absorption pour réduire les dommages en cas de choc de tamponnement obligatoire pour les matières toxiques par inhalation, système d’anti‐chevauchement ou de bouclier physique obligatoire pour un nombre plus limité de gaz très toxiques notamment le chlore, épaisseur d’acier des citernes, résistance au choc des citernes, facteur d’amortissement des chocs entre wagons, spécifications techniques d’interopérabilité) ; - la mise en place d’une procédure d’exploitation particulière pour le traitement des wagons de chlore lors du débranchement (procédure dite « marchandises fragiles ») pour permettre de réduire la probabilité d’apparition des événements précurseurs ; - la mise en place de mesures visant à réduire le risque d’accident en zone de formation aval (utilisation de doubles cales afin de sécuriser la phase finale de formation des rames (compactage), interdiction de réaliser des manœuvres concomitantes en tête de faisceau pendant les opérations de compactage des rames ; - la limitation de vitesse pour la marche en manœuvre des convois ; - la limitation de vitesse pour l’accostage entre deux véhicules ; - les autres mesures d’exploitation permettant la maîtrise des risques ; II) le compte rendu de la dernière réunion du comité de suivi de la gare du 9 janvier 2020 (et non le document préparatoire de ladite réunion), au cours duquel la directrice du fret a confirmé que la gare recensait moins de 50 wagons de matières dangereuses par an ; III) l'étude de dangers de la SNCF datée du 26 avril 2010, dans son intégralité et a minima en ce qu’elle concerne la gare ; IV) la dernière étude de danger de la SNCF en date concernant la gare de triage de Drancy ; V) le dernier plan d’urgence interne de la gare. En l'absence de réponse du président de SNCF réseau à la date de sa séance, la commission rappelle, à titre liminaire, qu’en vertu de l’article L2111-9 du code des transports, l'établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé « SNCF Réseau » a pour missions d'assurer, conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France dans une logique de développement durable : « 1° L'accès à l'infrastructure ferroviaire du réseau ferré national, comprenant la répartition des capacités et la tarification de cette infrastructure ; 2° La gestion opérationnelle des circulations sur le réseau ferré national ; 3° La maintenance, comprenant l'entretien et le renouvellement, de l'infrastructure du réseau ferré national ; 4° Le développement, l'aménagement, la cohérence et la mise en valeur du réseau ferré national ; 5° La gestion unifiée des gares de voyageurs, à travers une filiale dotée d'une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière ; 6° La gestion et la mise en valeur d'installations de service ; 7° Des missions transversales nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national, au bénéfice de l'ensemble des acteurs de ce système, notamment en matière de gestion de crise et de coordination des acteurs pour la mise en accessibilité du système de transport ferroviaire national aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ; 8° Des missions répondant aux besoins de la défense dans le cadre de la stratégie de sécurité nationale (…) SNCF Réseau est le gestionnaire du réseau ferré national. Sa gestion vise à une utilisation optimale du réseau ferré national, dans des objectifs de sécurité, de qualité de service et de maîtrise des coûts et dans les conditions fixées à l'article L. 2122-4-3 (…) ». La commission rappelle ensuite que seuls les documents produits ou reçus par les établissements publics chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial qui se rattachent aux missions de service public de l'établissement constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. La commission estime en l’espèce que les documents sollicités se rattachent à la mission de service public de gestion de l'infrastructure ferroviaire du réseau ferré national et des circulations sur ce réseau assumée par SNCF Réseau, et constituent, dès lors, des documents administratifs au sens des dispositions susvisées. Elle estime que ces documents, dont elle n’a pas pu prendre connaissance, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l’occultation des mentions dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité publique au sens du d) du 1° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration. Elle précise en outre que le droit de communication prévu à l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration ne s'applique qu'à des documents existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Elle estime, par ailleurs, que les documents mentionnés au point I) 2) et 3) sont susceptibles de contenir des informations relatives à l’environnement, au sens de l'article L124-2 du code de l'environnement. Elle rappelle qu'en vertu des articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement, lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement et à des émissions de substances dans l'environnement, au nombre desquelles ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations. Il appartient en particulier à l'autorité administrative d'apprécier l'intérêt d'une communication et elle n'est fondée à rejeter une demande d'information relative à l'environnement que si elle porte atteinte : 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L311-5 ; 2° A la protection de l'environnement auquel elle se rapporte ; (...). En vertu de l'article L124-4 de ce code, l’administration peut rejeter une demande tendant à obtenir une information environnementale, au motif, notamment, que sa communication porterait atteinte au secret de la vie privée, au secret des affaires ou ferait apparaître le comportement d’une personne physique dont la divulgation pourrait lui porter préjudice (avis n° 20132830 du 24 octobre 2013). La commission rappelle que l'intérêt de la sécurité publique et de la sécurité des personnes peut également s'opposer à la communication d’informations environnementales, en vertu du d) 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, auquel renvoie le I de l'article L124-4 du code de l'environnement. Cette limite au droit d’accès aux informations environnementales, qui peut être opposée par l’administration lorsque la communication de ces informations pourrait notamment porter atteinte à la sécurité publique et des personnes, doit toutefois être interprétée de manière restrictive, conformément à ce que prévoit l’article 4 de la directive n° 2003/4/CE du 28 janvier 2003, en mettant cette exigence en balance avec l’intérêt public que représente la divulgation d’informations environnementales. La commission rappelle aussi qu'en matière d'informations environnementales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier l'intérêt d'une communication en procédant à une balance entre l'intérêt public servi par la divulgation et l'intérêt servi par le refus de divulguer. La commission relève, par ailleurs, que le régime particulier prévu par le chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l’environnement porte, à la différence du régime général d'accès aux documents administratifs, sur les « informations » et non uniquement sur les documents relatifs à l’environnement. Elle en déduit que dès lors que l’administration détient de telles informations, figurant ou non sur un document existant, elles sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L124-3 de ce code, ce dernier n’imposant aucune exigence de formalisation préalable de l'information demandée, et qu’il appartient alors à l’administration, saisie d’une demande en ce sens, d’élaborer un document comportant les informations sollicitées. La commission émet, sous l’ensemble de ces réserves, un avis favorable à la communication des informations environnementales sollicitées.