Conseil 20223849 Séance du 21/07/2022
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 21 juillet 2022 votre demande de conseil relative au caractère communicable et consultable des documents suivants lors de la préparation du dossier :
1) les rapports sociaux en vue du renouvellement d’une mesure de placement ou AEMO Judiciaire ;
2) les rapports sociaux en vue d’une demande de délégation d’autorité parentale et jugement JAF ;
3) les rapports ou compte rendu d’un assistant familial adressé au service du département ;
4) les ordonnances du juge des tutelles ;
5) les jugements en assistance éducative (placement), AEMO ;
6) les rapports de situation et psychologique émanant des IME ou ITEP adressés aux service ASE ;
7) les carnets de liaison de l’IME adressé à l’ASE.
La commission vous rappelle tout d'abord que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, n° 102627, aux T. p. 948), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est à dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, X et CE, 28 avril 1993, n° 117480, T. p. 782).
Par suite, la commission se déclare incompétente pour se prononcer sur votre demande de conseil en ses points 4) et 5), qui concernent les documents de nature juridictionnelle.
La commission vous indique, par ailleurs, qu'elle estime désormais que les dossiers et rapports établis par les services de l’aide sociale à l’enfance en dehors de toute intervention de l’autorité judiciaire, y compris lorsqu'un rapport conclut à la saisine de l'autorité judiciaire en application des dispositions de l'article L226-4 du code de l'action sociale et des familles, revêtent le caractère de documents administratifs entrant dans le champ d’application du droit d’accès garanti par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration.
La commission s'estime donc, dans cette mesure, compétente pour se prononcer sur votre demande. Elle ne le serait, à l'inverse, pas pour se prononcer, par exemple, sur le caractère communicable d'un rapport dont l'établissement a été directement sollicité par l'autorité judiciaire, ce qui pourrait être le cas éventuellement des documents visés aux points 1) et 2), selon les circonstances.
La communication de ces documents, qui n'est possible qu'à l'enfant ou à ses représentants légaux, intervient sous réserve, en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, de la disjonction des pièces ou de l’occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée d’autres personnes ou au secret médical, ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d’une personne, autre qu’une personne chargée d’une mission de service public, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.
La commission vous indique également que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent.
En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf. avis CADA n° 20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître que l'enfant les met gravement en cause.
Enfin, la commission relève que votre demande vise le cas particulier de la « préparation d'un dossier ». Elle précise à cet égard que ne revêtent pas un caractère préparatoire qui s’opposerait à leur communication immédiate à l’intéressé, les rapports et autres documents élaborés dans le cadre de l'activité courante des services et versés, selon les besoins, dans un « dossier » mais qu'il en va autrement de ceux spécialement élaborés en vue de la constitution d'un tel « dossier » et de la prise de décision à intervenir. Les documents préparatoires à une décision administrative sont en principe exclus provisoirement du droit à la communication aussi longtemps que cette décision n’est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable.
Par suite, la commission vous indique que, sous les réserves et dans les conditions ci-dessus rappelées, les documents visés aux points 1), 2), 3), 6) et 7) de votre demande de conseil présentent un caractère communicable.