Conseil 20221450 Séance du 21/04/2022
Caractère communicable du dossier médical d'une patiente mineure à ses parents, alors qu'une ordonnance restrictive aurait été prononcée à l'encontre des parents dans un contexte de violences sexuelles suspectées, avec interdiction de tout contact, visite et appel téléphonique, que l'autorité parentale ne leur aurait pas été retirée et que la patiente n'a jamais exprimé son refus de communiquer ses informations médicales à ses parents.
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, lors de sa séance du 21 avril 2022, votre demande de conseil relative au caractère communicable du dossier médical d'une patiente mineure à ses parents, alors qu'une ordonnance restrictive aurait été prononcée à l'encontre des parents dans un contexte de violences sexuelles suspectées, avec interdiction de tout contact, visite et appel téléphonique, que l'autorité parentale ne leur aurait pas été retirée et que la patiente n'a jamais exprimé son refus de communiquer ses informations médicales à ses parents.
La commission vous rappelle, d'une part, que l'article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît le droit à toute personne d'accéder aux informations concernant sa santé, détenues par des professionnels ou des établissements de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.
La commission vous rappelle, d'autre part, qu'en matière de communication de documents médicaux, les titulaires de l'autorité parentale, lorsque la personne intéressée est mineure, exercent le droit d'accès en son nom sans que son consentement soit requis, sauf exceptions prévues par les dispositions combinées des articles L1111-5 et L1111-5-1 du code de la santé publique. La décision de communiquer ou non ces informations aux parents de l'enfant doit alors être prise en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que l’exigent les stipulations de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant, qui stipule que « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Elle estime, à cet égard, que les dispositions de l’article L1111-7 du code de la santé publique, auxquelles renvoient les dispositions du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sauraient être interprétées comme prescrivant la communication aux titulaires de l’autorité parentale des pièces du dossier médical de l’enfant, dans l'hypothèse où cette communication serait susceptible de constituer une menace pour la santé ou la sécurité de l'enfant, dont relève également son bien-être.
Vous précisez à la commission que la jeune mineure est placée depuis 2019 dans un foyer en raison de violences parentales et qu’elle a été hospitalisée en juin dernier en pédiatrie puis en psychiatrie suite à des idées suicidaires. Vous ajoutez qu’une ordonnance restrictive « aurait été prononcée » à l'encontre de ses parents dans un contexte de violences sexuelles suspectées, avec interdiction de tout contact, des visites et des appels téléphoniques, sans que l’autorité parentale ne leur ait été retirée. La commission comprend que vous n’avez pas pris connaissance de cette ordonnance.
La commission vous précise, à toutes fins utiles, que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, X), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est-à-dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, Mme X). Dans ces conditions, la commission estime que les documents médicaux concernant l’enfant mineur élaborés sur réquisition d'une autorité judiciaire revêtiraient un caractère juridictionnel et la commission ne pourrait que se déclarer incompétente pour se prononcer sur leur communication dans cette mesure.
S’agissant des autres documents composant le dossier médical, à supposer qu’une ordonnance judiciaire ait été prise, elle ne saurait justifier à elle-seule le refus de communication dès lors que les parents disposent toujours de l’autorité parentale. Toutefois, la commission vous indique que c'est au vu des circonstances propres à chaque situation qu'il vous appartient d'apprécier l'intérêt supérieur de l'enfant. Il s'oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu'il les met gravement en cause. Par suite, la commission estime que les documents contenant des éléments mentionnant les sévices suspectés et les conflits avec les parents ne doivent pas être communiqués. Il vous appartient en revanche d’apprécier si les autres pièces médicales peuvent, sans compromettre l’intérêt supérieur de l’enfant, être communiquées aux parents.