Avis 20221078 Séance du 31/03/2022
Communication, de préférence sous forme électronique, à la suite de précédentes transmissions incomplètes et occultées, de l’intégralité des documents et des informations (rapports, informations préoccupantes, etc.) en possession de l’aide sociale à l’enfance, pour les années 2018 à 2021, relatives à son fils X dont il est titulaire de l'autorité parentale partagé.
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 27 janvier 2022, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental d'Eure-et-Loir à sa demande de communication, de préférence sous forme électronique, à la suite de précédentes transmissions incomplètes et occultées, de l’intégralité des documents et des informations (rapports, informations préoccupantes, etc.) en possession de l’aide sociale à l’enfance, pour les années 2018 à 2021, relatives à son fils X dont il est titulaire de l'autorité parentale partagée.
A titre liminaire, la commission rappelle que les services d’aide sociale à l’enfance sont chargés de trois grandes catégories de missions (article L221-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF), en partie en lien avec le service de la protection maternelle et infantile (PMI) et le service départemental d’action sociale (article L226-1 du CASF)) :
- Ils ont un rôle de sensibilisation et d’information des personnes pouvant être concernées par des mineurs en danger ou en risque de l’être. Le président du conseil départemental est chargé de la centralisation de toutes les informations préoccupantes relatives à la situation d’un mineur au sein d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). L’information transmise doit permettre l’évaluation de la situation du mineur, la mise en œuvre d’éventuelles actions de protection dont lui et sa famille pourraient bénéficier, voire le signalement à l’autorité judiciaire ;
- Ils développent des missions préventives auprès des mineurs et de leurs familles, soit individuelles, soit collectives (prévention spécialisée) ;
- Ils pourvoient aux besoins des mineurs qui leur sont confiés, sur décision administrative ou judiciaire ou en tant que pupilles de l’État. À des fins de prévention individuelle et de protection, différentes prestations d’aide sociale à l’enfance sont précisément définies aux articles L222-1 à L222-7 du CASF.
Elle rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. »
La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015).
Revenant sur ses avis antérieurs, elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le CASF et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance.
La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société X, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société X, n° 372230, Rec. p. 493).
Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit-transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire.
En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents administratifs comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale.
En l'espèce, la commission observe que le 10 janvier 2019, le demandeur a sollicité auprès du conseil départemental d'Eure-et-Loir, l’intégralité des documents et informations détenus par l’aide sociale à l’enfance concernant son fils. Dans son avis n° 20191250 du 26 septembre 2019, la commission a émis un avis favorable à la communication de l'information préoccupante du X de la halte-garderie associative X, l'information préoccupante du X du X, après occultation des mentions relatives à la vie privée de la mère ainsi que de celles portant une appréciation sur elle ou relatives à un comportement dont la divulgation est susceptible de lui porter préjudice. Elle s’est en outre déclarée incompétente pour se prononcer sur le caractère communicable de l'information préoccupante du X du X et le signalement consécutif, qui ont été élaborés en vue de la saisine de l'autorité judiciaire pour dénoncer une infraction à caractère pénal ; il en est de même du rapport d'évaluation sociale du X qui a été établi à la demande du procureur de la République. Enfin, elle a émis un avis favorable, sous réserve d’occultations, à la communication du rapport de la PMI du X et du rapport d'évaluation sociale du X qui ne lui semblaient pas avoir été élaborés pour les besoins d'une procédure judiciaire.
La commission observe que le 15 décembre 2021, Monsieur X a adressé une nouvelle demande au conseil départemental afin d’obtenir la communication intégrale des documents précédemment transmis avec occultation, ainsi que tout document concernant son fils pour les années 2018 à 2021.
Suite à sa demande du 15 décembre 2021 précitée, l’administration a adressé six nouveaux documents en opérant diverses occultations.
S'agissant des documents pour lesquels la commission a déjà émis l'avis n° 20191250, elle ne peut que déclarer irrecevable cette nouvelle saisine qui doit être regardée comme une demande de révision.
S’agissant des autres documents, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le conseil départemental a indiqué avoir en ce qui concerne les documents transmis procédé aux occultations nécessaires conformément à l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, et plus particulièrement à l'occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée de tiers, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable autre que le demandeur, ou faisant apparaître le comportement d'une personne autre que le demandeur, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait porter préjudice à cette personne.
Toutefois, la commission relève que le conseil départemental a, en dépit de ce qui précède, également occulté les mentions faisant apparaître le comportement d'agents publics, et non de tiers, agissant dans l’exercice de leur compétence. Elle estime qu'il y a lieu d'inviter l’administration à réexaminer cette demande au regard des principes ci-dessus rappelés et émet sous les réserves précitées un avis favorable à la communication.