Avis 20220660 Séance du 31/03/2022
Copie des documents suivants détenus par l'AGSS de l'UDAF de Douai :
1) le projet des actions mises en place contre la « toute puissance » de sa fille aînée ;
2) la lettre de mission autorisant I'AGSS à réaliser une mesure d'investigation et d'orientation éducative (IOE) ;
3) la dénonciation calomnieuse reçue début 2007.
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 4 février 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'association pour la gestion des services spécialisés de l'Union départementale des associations familiales du Nord (AGSS de l'UDAF du Nord) à sa demande de copie des documents suivants détenus par l'AGSS de l'UDAF de Douai :
1) le projet des actions mises en place contre la « toute puissance » de sa fille aînée ;
2) la lettre de mission autorisant I'AGSS à réaliser une mesure d'investigation et d'orientation éducative (IOE) ;
3) la dénonciation calomnieuse reçue début 2007.
En l’absence de réponse exprimée par le directeur de l’AGSS de l’UDAF Nord à la demande qui lui a été adressée, la commission rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. »
La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l’AGSS de l’UDAF Nord, dans le cadre de sa mission de service public, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
La commission rappelle par ailleurs que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015).
Revenant sur ses avis antérieurs, la commission précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, en vue de la saisine du juge des enfants.
La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, n° 372230, Rec. p. 493).
Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire.
En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents administratifs comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. Elle précise sur ce point que les documents tels que les lettres de plainte ou de dénonciation ainsi que les témoignages adressés à une administration ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par la plainte ou la dénonciation en question, dès lors que leur auteur est identifiable. L’identification de l’auteur d’un signalement fait, en effet, apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent.
Par ailleurs, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s'y oppose l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant (cf avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). C'est au vu des circonstances propres à chaque situation qu'il convient d'apprécier l'intérêt supérieur de l'enfant. Il s'oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu'il les met gravement en cause.
L'article L221-6 du code de l'action sociale et des familles dispose lui-même que « Toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance est tenue au secret professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». La commission estime que les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs qui résultent de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L226-9 du code de l'action sociale et des familles ou sont inspirées par l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant couvrent, à l'égard des personnes directement concernées, la plupart des documents également susceptibles de relever du secret professionnel des agents de l'aide sociale à l'enfance. Ce secret professionnel ne trouvera donc à s'opposer de manière autonome à la communication de documents administratifs aux personnes directement concernées que dans un nombre limité de cas, qu'il convient d'apprécier, conformément à la jurisprudence pénale, en fonction des circonstances concrètes relatives tant à la teneur du document qu'aux conditions dans lesquelles les informations qu'il comporte ont été confiées aux personnes qui en sont dépositaires. Il est possible au service, en cas de doute, de demander conseil à la commission d'accès aux documents administratifs sur le caractère communicable ou non d'un document déterminé, en application des principes qui viennent d'être rappelés.
En l'espèce, la commission, qui n'a pu prendre connaissance des documents sollicités en l'absence de réponse de l'administration, émet donc un avis favorable sous les réserves qui viennent d'être rappelées.
La commission invite toutefois Madame X à faire preuve de discernement et de modération dans l'usage qu'elle fait du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.