Avis 20214613 Séance du 02/09/2021

Communication du dossier relatif à la mesure éducative mise en place pour l'accompagnement de son fils X, notamment le dossier d'aide sociale à l'enfance établi à la suite d'une information préoccupante.
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 juin 2021, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire à sa demande de communication du dossier relatif à la mesure éducative mise en place pour l'accompagnement de son fils X, notamment le dossier d'aide sociale à l'enfance établi à la suite d'une information préoccupante. La commission observe à titre liminaire, au vu des pièces du dossier, que la demande de Madame X adressée à l’administration portait exclusivement sur la communication des documents concernant son fils X et non comme elle le précise dans sa demande adressée à la commission sur des documents concernant également ses deux autres enfants, X et X. S'agissant des documents concernant son fils X, la commission rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. » La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015). Revenant sur ses avis antérieurs, elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF), la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le CASF et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance. La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société X, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société X, n° 372230, Rec. p. 493). Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire. En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. La commission estime que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent. En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu’il les met gravement en cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant à tout le moins de la mère de l'enfant. En l’espèce, la commission, qui a pu prendre connaissance des documents sollicités, observe que le dossier comprend de nombreuses mentions révélant de la part du père des enfants, ou des enfants eux-mêmes, un comportement dont la divulgation pourrait leur porter préjudice. Elle estime que ces mentions doivent être occultées préalablement à leur communication à la mère des enfants. Elle estime ainsi que les documents intitulés « Information préoccupante du 28 mai 2020 », « Complément d'information préoccupante du 25 juin 2020 », « Rapport d'évaluation du 12 août 2020 » et « Relevé de décision de la Commission pôle enfance du 13 août 2020 » sont ainsi communicable à la mère de X, après occultations préalables. Elle rappelle qu’il ne lui appartient pas d’indiquer précisément et de manière exhaustive, au sein d’un document volumineux, les mentions qui doivent être occultées en application des règles rappelées ci-dessus, cette opération incombant à l'administration et qu'elle a seulement pour mission d’éclairer cette dernière sur le caractère communicable ou non de passages ou informations soulevant des difficultés particulières d’appréciation et sur lesquels elle attire son attention. Elle précise, à titre d’exemple, les occultations à opérer ou les mentions pouvant être maintenues suivantes : Concernant le document intitulé « Information préoccupante » : - Partie identité du jeune concerné : occulter les informations concernant le père de X ; - Partie Contexte : pas d’occultation ; - Partie Motifs : tout occulter jusqu’à « Madame nous rejoint en entretien (…) ». Maintenir à compter de cette partie jusqu’à « Médiation parentalité 37. ». Puis occulter de nouveau à compter de « Dans l’après-midi » jusqu’à la fin de cette partie ; - Partie Conclusions : occulter les 2ème et 3ème paragraphes qui commencent par « X » jusqu’à « année » ; 4ème paragraphe : maintenir jusqu’à « rendre visite à sa mère », la fin de la phrase devant donc être occultée ; les deux phrases suivantes doivent être occultées, soit la phrase commençant par « Monsieur » jusqu’à « encontre » ; supprimer l’avant-dernière phrase commençant par « Un rendez-vous ». Concernant le document intitulé « Rapport d’évaluation d’information préoccupante » : - P1 : supprimer adresse et activité professionnelle du père ; - P2 : supprimer toutes les mentions concernant les rendez-vous des 25 juin 2020 et 2 juillet 2020 ; - P2 partie l’histoire familiale : supprimer le 3ème paragraphe commençant par « Monsieur » jusqu’à « X » ; au paragraphe commençant par « Le couple a traversé » supprimer la dernière phrase ; supprimer les 2 derniers paragraphes ; - Partie 2) Situation économique : maintenir seulement la première phrase ; - Partie 3) Le logement : supprimer le dernier paragraphe ; - Partie 5) Les aides : supprimer le dernier paragraphe ; - P4 Partie X : supprimer à partir de « Elle dit que la situation » jusqu’à « sur deux » puis supprimer la partie commençant par « Concernant les » jusqu’à « nouveau logement » soit l’avant-dernier paragraphe ; - Partie X : supprimer la phrase commençant par « Quand nous parlons » ; - P4 Partie 2) la perception du mineur : seules la première et la dernière phrase n’ont pas à être occultées ; - Partie 3) Synthèse des atouts et points d’inquiétude : seule la dernière phrase n’a pas à être occultée. La commission émet donc sous ces réserves un avis favorable.