Conseil 20200059 Séance du 02/04/2020
Caractère communicable du dossier médical d'une mineure de 16 ans à sa mère qui détient l'autorité parentale, sachant que la patiente s'est opposée à cette communication :
- l'opposition de la patiente est-elle recevable si elle ne l’a pas formalisée par écrit ;
- peut-il être procédé à une communication partielle des pièces relatives aux évènements médicaux connus de la mère et exclure les examens réalisés dans le secret ou à son insu ;
- la possibilité de proposer ou d’imposer la présence d’un médecin, hospitalier ou choisi par la mère, est-elle recevable.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 2 avril 2020 votre demande de conseil relative au caractère communicable du dossier médical d'une mineure de 16 ans à sa mère qui détient l'autorité parentale, sachant que la patiente s'est opposée à cette communication :
- l'opposition de la patiente est-elle recevable si elle ne l’a pas formalisée par écrit ;
- peut-il être procédé à une communication partielle des pièces relatives aux évènements médicaux connus de la mère et exclure les examens réalisés dans le secret ou à son insu ;
- la possibilité de proposer ou d’imposer la présence d’un médecin, hospitalier ou choisi par la mère, est-elle recevable.
La commission rappelle qu'en application de l'article L1111-7 du code de la santé publique, le droit d'accès aux informations concernant la santé d'une personne mineure est exercé par les titulaires de l'autorité parentale, sous réserve de l'opposition prévue aux articles L1111-5 et L1111-5-1 de ce code. La commission en déduit que le législateur a entendu réserver l'accès au dossier médical du patient mineur aux seuls titulaires de l'autorité parentale, à l'exclusion du mineur lui-même ou d'un autre adulte désigné par ce dernier.
En application des dispositions combinées des articles L1111-7, L1111-5 et L1111-5-1 du même code, l'accès au dossier médical du patient mineur peut toutefois être refusé aux titulaires de l'autorité parentale soit, lorsque les soins ont été dispensés sans leur consentement afin de sauvegarder sa santé, dans le cas où le patient mineur s'est expressément opposé à la consultation des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé ou sauvegarder sa santé sexuelle et reproductive, soit, lorsque les soins ont été délivrés à un mineur dont les liens de famille sont rompus et bénéficiant à titre personnel de la couverture maladie universelle.
En application de ces principes, la commission estime, en premier lieu, que si les dispositions des articles L1110-4, L1111-5 et L1111-6 du code de la santé publique ne prévoient aucune condition de forme quant au recueil de l’opposition d’une personne mineure à l’accès du ou des titulaires de l'autorité parentale aux informations médicales la concernant, le médecin qui a pratiqué le traitement ou l'intervention à l'insu des titulaires de l'autorité parentale « fait mention écrite de cette opposition », conformément aux dispositions de l'article R1111-6 du même code. La commission considère ainsi que la circonstance que la personne mineure n’ait pas formalisé par écrit son opposition ne saurait la priver de toute portée, mais qu’il appartient dans tous les cas au médecin d'établir l'opposition de l'enfant, notamment par la production de la mention prévue à l'article R1111-6 du code de la santé publique.
La commission considère, en deuxième lieu, qu’il résulte des dispositions précitées que le mineur ne peut former opposition à la communication de son dossier médical aux titulaires de l'autorité parentale que dans le cas où les soins qu'il a reçus ont été dispensés sans leur consentement ou à leur insu. Un simple désaccord entre les titulaires de l'autorité parentale ou entre le mineur et l'un des titulaires de l'autorité parentale ne saurait justifier, par lui-même, un refus de communication sur le fondement de ces dispositions.
La commission estime ainsi que les dispositions de l'article L1111-5 du code de la santé publique ne peuvent être interprétées comme permettant à un mineur de s’opposer à la communication des informations médicales le concernant aux titulaires de l’autorité parentale dans le cas où les soins qu'il a reçus n’ont pas été dispensés sans leur consentement ou à leur insu. Vous pouvez dès lors procéder à une communication seulement partielle des informations contenues dans le dossier médical de la personne mineure, à l'aune de la distinction qui précède.
La commission rappelle, en dernier lieu, qu’en application du 5ème alinéa de l’article L1111-7 du code de la santé publique, le droit d'accès du ou des titulaires de l'autorité parentale, sous réserve de l'opposition prévue aux articles L1111-5 et L1111-5-1, a lieu, à la demande du mineur, par l'intermédiaire d'un médecin. L’article R1111-6 précise que « Lorsqu'en application de l'article L1111-7 la personne mineure demande que l'accès du titulaire de l'autorité parentale aux informations concernant son état de santé ait lieu par l'intermédiaire d'un médecin, ces informations sont, au choix du titulaire de l'autorité parentale, adressées au médecin qu'il a désigné ou consultées sur place en présence de ce médecin ».
La commission en déduit que c’est à la personne mineure qu’il revient de demander que le droit d’accès du ou des titulaires de l’autorité parentale s’exerce par l’intermédiaire d’un médecin, qui est celui désigné par ce ou ces titulaires.
La commission souligne enfin que les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s'y oppose l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant (cf avis CADA n° 20152463 du 10 septembre 2015). Elle estime également que les dispositions de l’article L1111-7 du code de la santé publique, auxquelles renvoient les dispositions du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sauraient être interprétées comme prescrivant la communication aux titulaires de l’autorité parentale des pièces du dossier médical de l’enfant, dans l'hypothèse où cette communication serait susceptible de constituer une menace pour la santé ou la sécurité de l'enfant, dont relève également son bien-être.
Si en principe, les titulaires de l'autorité parentale doivent être présumés agir pour le bien-être de leur enfant, c'est cependant au vu des circonstances propres à chaque situation qu'il convient d'apprécier l'intérêt supérieur de l'enfant. Il s'oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu'il les met gravement en cause. Dans ce cas, vous pourrez opposer un refus sur le fondement des stipulations de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant, qu'il vous appartiendra de justifier, le cas échéant, devant le tribunal administratif compétent.