Avis 20191690 Séance du 28/11/2019

Communication et réutilisation, à la suite de la décision du ministère du 28 novembre 2016 de modification des principes de diffusion de données contenant des informations à caractère personnel en raison d'un changement de régime juridique à la fois dans la loi française et dans le droit communautaire dérivé, du fichier SIT@DEL 2 – permis de construire accordés aux personnes physiques, en vue de sa commercialisation par son client, après enrichissement des données, sous forme de statistiques anonymes auprès des professionnels du bâtiment et de l’énergie : 1) au titre de l’année 2017 ; 2) au titre de l’année 2018 ; 3) au titre de l’année 2019 mensuellement.
Maître X, conseil de la société X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 mars 2019, à la suite du refus opposé par le ministre de la transition écologique et solidaire à sa demande de communication et réutilisation, à la suite de la décision du ministère du 28 novembre 2016 de modification des principes de diffusion de données contenant des informations à caractère personnel en raison d'un changement de régime juridique à la fois dans la loi française et dans le droit communautaire dérivé, du fichier SIT@DEL 2 – permis de construire accordés aux personnes physiques, en vue de sa commercialisation par son client, après enrichissement des données, sous forme de statistiques anonymes auprès des professionnels du bâtiment et de l’énergie : 1) au titre de l’année 2017 ; 2) au titre de l’année 2018 ; 3) au titre de l’année 2019 mensuellement. En l'absence de réponse du ministre de la transition écologique et solidaire à la date de sa séance, la commission relève que le fichier SIT@DEL 2 est une base de données du système statistique public relative à la construction neuve de logements et de locaux non résidentiels, gérée par le service de la donnée et des études statistiques (SDES) du Commissariat général du développement durable. Cette base de données est alimentée, notamment, par les informations des formulaires de permis de construire remplies par les pétitionnaires, personnes physiques et morales, et traités par les services instructeurs. Depuis le 1er janvier 2018, le SDES met chaque mois à disposition les événements concernant les projets de construction collectés dans la base SIT@DEL 2, depuis la précédente mise à disposition. Afin de garantir la protection des personnes physiques, le champ de diffusion est cependant restreint aux permis de construire déposés par les personnes morales. Jusqu'en 2017, le fichier SIT@DEL 2 était communiqué dans son intégralité à la société X, moyennant le paiement d'une redevance, en vue de sa commercialisation, après enrichissement des données, sous forme de statistiques anonymes auprès des professionnels du bâtiment et de l’énergie. Soucieux de veiller à a protection des données personnelles conformément au règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit règlement général sur la protection des données « RGPD »), le SDES a modifié les principes de diffusion de ce fichier, pour les permis de construire accordés aux personnes physiques. Et, à compter du 31 décembre 2016, la société X n'a plus été destinataire de ces informations. La commission rappelle que la consultation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition portant sur des données à caractère personnel constituent un traitement de données au sens de l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (« loi CNIL ») et de l’article 4 du RGPD. Une administration répondant à une demande d’accès à un document administratif contenant des données de cette nature doit ainsi être regardée comme un responsable de traitement. Ainsi que la CNIL l'a précisé, l'administration est toutefois dispensée de requérir, avant toute communication ou publication, le consentement préalable des personnes concernées, en principe exigé par l'article 5 de la loi CNIL et l'article 6 du RGPD, dès lors qu'il s'agit, pour elle, de respecter l'obligation légale de procéder à la communication de documents administratifs découlant du livre III du code des relations entre le public et l’administration ou, le cas échéant, d'autres dispositions législatives particulières, telles que, par exemple, l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales. Ceci étant posé, l'entrée en vigueur du RGPD n'a pas entraîné de modification des dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives au droit d'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 86 du RGPD aux termes duquel : « Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement. » A cet égard, la commission rappelle le cadre juridique général applicable à l'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles. Elle considère que si ces données relèvent de la vie privée des personnes concernées, elles ne peuvent en principe être communiquées à des tiers et ne seront pas non plus publiables, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ou des principes non écrits issus de la jurisprudence du Conseil d’État du 10 mars 2010 n° 303814 Commune de Sète. La commission considère, toutefois, que certains documents administratifs comportent des données personnelles qui ne sont pas couvertes en tant que telles par le secret de la vie privée. Entrent dans cette catégorie résiduelle, les données dont la commission estime que le public doit avoir connaissance, soit au titre de l'organisation du service public, soit afin de pouvoir exercer pleinement son droit de recours. Il en va ainsi, s'agissant des autorisations individuelles d'urbanisme, des mentions relatives au nom et à l'adresse du pétitionnaire, ainsi que ceux de l'architecte. La commission estime que lorsqu'un document administratif comporte de telles données à caractère personnel, il peut être communiqué à toute personne qui en fait la demande, sans formalité particulière de la personne concernée. La commission considère, en effet, de manière constante, que les documents produits et reçus par l’administration en matière d’autorisations individuelles d’urbanisme, tels que les permis de construire, sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration. En vertu du principe de l’unité du dossier, le droit à communication s’applique à tous les documents qu’il contient, qu’ils émanent du pétitionnaire ou aient été élaborés par l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, et qu’ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, soit que la décision ait été effectivement prise, soit que l'autorité compétente ait renoncé à son projet. La commission précise, également, que lorsque le maire statue, au nom de la commune, par une décision expresse (favorable ou défavorable) sur une demande d’autorisation individuelle d’urbanisme, celle-ci est alors communicable sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». Ce droit d’accès s’étend à l’ensemble des pièces annexées à ces actes (Conseil d’État, 11 janvier 1978, n° 04258 Commune de Muret, recueil Lebon p. 5). La commission estime que, s’agissant d’un arrêté portant permis de construire, doivent être regardées comme annexées à l’arrêté les seules pièces qui doivent obligatoirement figurer dans le dossier soumis au maire, en application des articles R431-5 à R431-34-1 du code de l’urbanisme. Les autres pièces, s’il en existe, relèvent du régime du code des relations entre le public et l'administration exposé ci-dessus. Le Conseil d'État a jugé, dans sa décision Commune de Sète n° 303814 du 10 mars 2010, que les dispositions de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, dont la portée n'est pas limitée aux arrêtés réglementaires, ne sauraient être interprétées, eu égard à leur objectif d'information du public sur la gestion municipale, comme prescrivant la communication des arrêtés portant des appréciations d'ordre individuel sur les fonctionnaires communaux. La commission a estimé que les objectifs de transparence de la vie locale ne justifiaient pas non plus qu'il soit dérogé au secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), au secret de la vie privée (conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), ou au secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011). En application de ces principes, la commission considère que doivent être occultés avant toute communication (conseil n° 20181909 du 25 octobre 2018) : - la date et le lieu de naissance du pétitionnaire ; - les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique du pétitionnaire, qu'il s'agisse d'une personne morale ou d'une personne physique ; - les coordonnées téléphoniques et l'adresse de messagerie électronique de l'architecte ; - le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) de la personne à laquelle le pétitionnaire souhaite que les courriers de l’administration (autres que les décisions) soient adressés, sauf s'il s'agit de l'architecte, à l'exception de ses coordonnées téléphoniques et de son adresse de messagerie électronique ; - le nom et les coordonnées (adresse, téléphone et adresse de messagerie électronique) du propriétaire ou du bénéficiaire du permis de construire qui doit s'acquitter de la participation pour voirie et réseaux, s'il est différent du pétitionnaire ; - la finalité du projet (logement destiné par exemple à la vente ou à la location). En revanche, la commission estime qu'il n’y a pas lieu d’occulter le nom et l'adresse du pétitionnaire, cette dernière pouvant s’avérer au demeurant nécessaire à une personne pour notifier son recours contentieux contre le permis de construire, en application de l’article R600-1 du code de l’urbanisme. En l'espèce, la commission estime que les informations contenues dans le fichier SIT@DEL 2 – permis de construire accordés aux personnes physiques sont communicables à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous les réserves qui précèdent et sans qu'il y ait lieu d’occulter le nom et l'adresse du pétitionnaire, y compris lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ceux de l'architecte, l'adresse du terrain et le sens de la décision prise. Elle ajoute que ces informations constituent des informations publiques, au sens de l’article L321-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elles peuvent ainsi être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été élaborés, y compris commerciales, les limites et conditions de cette réutilisation étant fixées par le titre II du livre III de ce code. A cet égard, la commission rappelle, d'une part, qu'aux termes de l'article L322-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Sauf accord de l'administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées » et, d'autre part, qu'aux termes de l'article L322-2 du même code, « Les informations publiques comportant des données à caractère personnel peuvent faire l'objet d'une réutilisation soit lorsque la personne intéressée y a consenti, soit si l'autorité détentrice est en mesure de les rendre anonymes ou, à défaut d'anonymisation, si une disposition législative ou réglementaire le permet. / La réutilisation d'informations publiques comportant des données à caractère personnel est subordonnée au respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. » Elle précise également que le décret n° 2018-1117 du 10 décembre 2018, pris en application de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique et relatif aux catégories de documents administratifs pouvant être rendus publics sans faire l'objet d'un processus d'anonymisation, a inséré dans le code des relations entre le public et l'administration un article D312-1-3 ainsi rédigé : « Les documents et informations mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 et qui sont communicables ou accessibles à toute personne, sous réserve des articles L311-5 et L311-6 et d'autres dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, peuvent être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement prévu au deuxième alinéa de l'article L312-1-2, lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories suivantes : (...) 8° Les documents nécessaires à l'information du public relatifs aux activités soumises à des formalités prévues par des dispositions législatives ou réglementaires notamment, en matière d'urbanisme, d'occupation du domaine public et de protection des données à caractère personnel ; (...) ». La commission relève que ces dispositions réglementaires permettent de publier en ligne, sans avoir fait l'objet au préalable d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification des personnes, les documents nécessaires à l'information du public en matière d'urbanisme. Elle estime que relèvent de cette catégorie, s'agissant des autorisations individuelles d'urbanisme, le nom et l'adresse du pétitionnaire, ainsi que ceux de l'architecte. La commission émet, dans ces conditions, un avis favorable à la demande.