Avis 20183264 Séance du 25/10/2018
Communication, sans occultation, du dossier de protection de l'enfance et du dossier d'informations préoccupantes relatifs à leurs enfants X.
Madame X et Monsieur X ont saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 27 juin 2018, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de la Mayenne à leur demande de communication, sans occultation, du dossier de protection de l'enfance et du dossier d'informations préoccupantes relatifs à leurs enfants X.
La commission rappelle, à titre liminaire, que les dossiers et rapports établis par les services de l’aide sociale à l’enfance en vue de la saisine de l’autorité judiciaire ou à la demande de celle-ci ont le caractère de documents judiciaires, non celui de documents administratifs, et n’entrent donc pas dans le champ d’application du droit d’accès garanti par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est pas compétente pour se prononcer sur la communication de tels documents.
S’agissant des autres dossiers et rapports, qui n’ont pas été établis pour les besoins ou dans le cadre d’une procédure judiciaire et conservent un caractère administratif même dans le cas où ils auraient été néanmoins transmis à l’autorité judiciaire, ils sont en principe communicables à la personne directement concernée, ou, lorsqu’il s’agit d’un mineur, à ses représentants légaux, sous réserve, en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, de la disjonction des pièces ou de l’occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée d’autres personnes ou au secret médical, ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d’une personne, autre qu’une personne chargée d’une mission de service public, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.
La commission estime que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent.
En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître que l'enfant les met gravement en cause.
Enfin, la commission rappelle que le secret professionnel doit être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, justifiant un refus de communication.
L’article L221-6 du code de l’action sociale et des familles dispose lui-même que « Toute personne participant aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance est tenue au secret professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». La commission estime que les exceptions au droit d’accès aux documents administratifs qui résultent de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et de l’article L226-9 du code de l’action sociale et des familles ou sont inspirées par l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant couvrent, à l’égard des personnes directement concernées, la plupart des documents également susceptibles de relever du secret professionnel des agents de l’aide sociale à l’enfance. Ce secret professionnel ne trouvera donc à s’opposer de manière autonome à la communication de documents administratifs aux personnes directement concernées que dans un nombre limité de cas, qu’il convient d’apprécier, conformément à la jurisprudence pénale, en fonction des circonstances concrètes relatives tant à la teneur du document qu’aux conditions dans lesquelles les informations qu’il comporte ont été confiées aux personnes qui en sont dépositaires. Il est possible au service, en cas de doute, de demander conseil à la commission d’accès aux documents administratifs sur le caractère communicable ou non d’un document déterminé, en application des principes qui viennent d’être rappelés.
En l'espèce, la commission constate que, par un courrier du 7 juin 2018, a été communiquée à Madame X et Monsieur X la copie du dossier d’aide sociale à l’enfance de leurs quatre enfants, après occultation des mentions dont le président du conseil départemental de la Mayenne a précisé qu'elles faisaient apparaître le le comportement de certaines personnes nommément désignées dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice.
La commission, après avoir pris connaissance des documents sollicités, estime que les occultations auxquelles le président du conseil départemental du Cher a procédé, ont été réalisées dans le respect des principes susmentionnés, à l'exception des passages figurant à la page 7 du rapport d'évaluation du 25 novembre 2013, à la page 2 du courrier du 19 décembre 2014 émanant de l'assistante sociale scolaire, sur la dernière page de la note d'actualisation du 26 janvier 2015 et à la page 10 du rapport d'évaluation du 29 août 2017. La commission considère en effet que ces appréciations sont communicables à Madame X et à Monsieur X, dès lors qu'elles ont été rédigées par des agents exerçant dans le cadre de leur mission de service public.
La commission déclare donc sans objet la demande en tant qu'elle porte sur des documents déjà communiqués, émet un avis favorable à la communication des passages mentionnés ci-dessus qui ont été occultés à tort et émet un avis défavorable à la communication pour le surplus de la demande.