Conseil 20181131 Séance du 14/06/2018

1) les pièces d'un signalement retournées par le parquet au service de de l'ASE doivent elles être considérées comme des pièces judiciaires, du seul fait que le parquet a apposé sa numérotation propre sur les documents reçus, alors même que celui-ci annonce clairement ne pas ouvrir de procédure judiciaire ; cette numérotation constitue-t-elle un début de dossier, les pièces retournées doivent-elles être considérées comme judiciaires ; 2) caractère communicable des pièces, à l'avocat de la famille mise en cause, dans l'hypothèse où celles-ci ne présenteraient pas un caractère judiciaire.
La commission a examiné votre demande de conseil, dans sa séance du 14 juin 2018, relative au caractère communicable, à l'avocat de la mère des enfants concernées, des pièces d'un signalement des services de l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental du Finistère que le magistrat du Parquet lui a restituées le 28 novembre 2017, le soit-transmis demandant à ces services « de bien vouloir rester compétent[s] compte tenu de la non-opposition des parents au suivi administratif », engagé en mars 2017, « et à l'insuffisance des éléments de danger ». Vous vous demandez en particulier si l'apposition par ce magistrat d'une numérotation sur ces documents est susceptible de priver les pièces concernées de leur caractère administratif au sens du livre III du code des relations entre le public et l'administration. La commission considère de manière générale que l’ensemble des documents élaborés pour les besoins et dans le cadre d’une procédure engagée auprès du Procureur de la République, y compris le courrier par lequel l’administration dénonce, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, constituent des pièces relevant de l’autorité judiciaire et sont, comme tels, soustraits au droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Cette qualification revêtant un caractère permanent, la circonstance que le Procureur de la République ait décidé de ne pas engager une procédure est, à cet égard, indifférente. Dès lors, la commission est incompétente pour se prononcer sur le caractère communicable de documents relevant de l'autorité judiciaire, indépendamment de l'apposition ou non d'une numérotation par le magistrat du Parquet ayant examiné le dossier. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. Il en irait en revanche différemment si les documents concernés étaient, en tout ou partie, des documents administratifs. Dès lors que des documents ne sont pas établis pour les besoins d'une procédure juridictionnelle (CE, 5 juin 1991, X, n° 102627) et sont détachables de la préparation d'une telle procédure (Sect., 12 octobre 1994, n° 123584); Sect., 30 octobre 1994, Min. Éco., Fin., Budget c/ Assoc. défense créanciers déposants de la Lebanese Arab bank, n° 133540, Rec. p. 521; 26 mai 2010, Mme X, n°304621, mentionné aux Tables du Recueil), ils revêtent le caractère de documents administratifs. Il peut ainsi s'agir de correspondances entre services administratifs, rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux qui réunissent ces conditions, même si elles ont été transmises au Parquet. Le Conseil d’État a jugé que lorsque des documents administratif ont été transmis au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, il appartient à l'autorité saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société Goodyear Dunlop Tyres France, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil; 30 décembre 2015, Société Les Laboratoires X, n° 372230, Rec. p. 493). Le f du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration ayant repris celles du f du 2° du I de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, cette jurisprudence reste pertinente. Ainsi, lorsque le magistrat compétent a décidé de ne pas engager de procédure, les documents administratifs sont communicables aux intéressés en vertu de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des occultations éventuellement nécessaires en vertu des 2° et 3° de cet article. A cet égard, la seule apposition d'un numéro de cote par le magistrat du Parquet n'a pas d'incidence. Toutefois, le numéro apposé doit être occulté préalablement à la communication aux intéressés. Dès lors, la commission considère qu'il vous appartient d'opérer un tri entre, d'une part, les documents établis aux fins de mise en œuvre de l'article 40 du code de procédure pénale et qui ne sont pas détachables de cette procédure, auxquels seule l'autorité judiciaire peut donner accès, et, d'autre part, les documents administratifs, en fonction des critères ci-dessus rappelés. Ces derniers documents sont communicables en application et dans les conditions prévues par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, après que le Parquet a décidé de ne pas engager de procédure pénale, sous réserve d'occultation des numéros qui ont, le cas échéant, été apposés par le magistrat chargé d'examiner le dossier.