Conseil 20165401 Séance du 19/01/2017

Caractère communicable, à Madame X, de l'intégralité du dossier d'assistance éducative n° 2016-AJ-0062 ouvert au nom des ses enfants, X et X, et transmis au juge des enfants du tribunal de grande instance de Tours.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 19 janvier 2017 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à Madame X, de l'intégralité du dossier d'assistance éducative, détenu au service d’aide sociale à l’enfance, ouvert au nom de ses enfants, X et X, et transmis au juge des enfants du tribunal de grande instance de Tours. A cet effet, vous souhaitez obtenir l’avis de la commission sur le bien-fondé de votre réponse, faisant suite à la demande de communication de Madame X, que vous lui avez adressée le 18 novembre 2016. Ainsi que vous l’avez indiqué dans votre réponse du 18 novembre 2016 adressée à Madame X, la commission considère que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées. S’agissant du dossier d’assistance éducative, aux termes de l’article 375 du code civil : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel. ». 1. L’ensemble des pièces qui composent ce dossier avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, revêtent un caractère administratif. 2. Dès lors que le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé en application des articles L226-4 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 375 du code civil, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. 3. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. Toutefois, contrairement à ce qui a été indiqué à Madame X, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux. En particulier, ces documents, qui n'ont pas été établis pour les besoins ou dans le cadre d'une procédure judiciaire et conservent, ainsi qu’il vient d’être dit, un caractère administratif même dans le cas où ils auraient été néanmoins transmis à l'autorité judiciaire, sont en principe communicables à la personne directement concernée, ou, lorsqu'il s'agit d'un mineur, à ses représentants légaux, sous réserve, en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, de la disjonction des pièces ou de l'occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée d'autres personnes ou au secret médical, ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d'une personne, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (plaintes, dénonciations…). La commission précise en outre que la divulgation du document contenant le signalement révèle le comportement de son auteur dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice. La commission en déduit que lorsque ce signalement est le fait d'une personne physique, et non pas celui d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de sa compétence pour diriger et organiser le service en édictant des actes en son nom, le document est communicable à elle seule, à l'exclusion des personnes visées par l'information préoccupante, à moins que des occultations ne permettent d'interdire l'identification de son auteur. A l'inverse, elle estime que, dans l'hypothèse où une autorité administrative procède, dans l’exercice de sa compétence pour diriger et organiser le service en édictant des actes en son nom, au signalement d'une personne (agent, usager, tiers), seule la personne qui est l’objet de ce signalement a la qualité d'«intéressé» au sens du texte précité. La commission en déduit qu'un tel signalement est communicable à la personne visée par lui, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation des mentions faisant apparaître le comportement de personnes tierces dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice. Par ailleurs, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s'y oppose l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant (cf avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). C'est au vu des circonstances propres à chaque situation qu'il convient d'apprécier l'intérêt supérieur de l'enfant. Il s'oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu'il les met gravement en cause. La commission rappelle également que le secret professionnel doit être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, justifiant un refus de communication. La commission note à cet égard que l'article L226-9 du même code prévoit que le secret professionnel est applicable aux agents du service d'accueil téléphonique géré par le groupement d'intérêt public prévu à l'article L226-6 du même code. Elle en déduit que les documents contenant les informations recueillies par ce service ainsi que les documents reçus par ce service et contenant un signalement ne sont pas communicables. L'article L221-6 du code de l'action sociale et des familles dispose lui-même que « Toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance est tenue au secret professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». La commission estime que les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs qui résultent de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L226-9 du code de l'action sociale et des familles ou sont inspirées par l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant couvrent, à l'égard des personnes directement concernées, la plupart des documents également susceptibles de relever du secret professionnel des agents de l'aide sociale à l'enfance. Ce secret professionnel ne trouvera donc à s'opposer de manière autonome à la communication de documents administratifs aux personnes directement concernées que dans un nombre limité de cas, qu'il convient d'apprécier, conformément à la jurisprudence pénale, en fonction des circonstances concrètes relatives tant à la teneur du document qu'aux conditions dans lesquelles les informations qu'il comporte ont été confiées aux personnes qui en sont dépositaires. Il est possible au service, en cas de doute, de demander conseil à la commission d'accès aux documents administratifs sur le caractère communicable ou non d'un document déterminé, en application des principes qui viennent d'être rappelés. Enfin, ainsi que vous l’avez souligné à Madame X, l’un de ses enfants,X, est majeur. En conséquence, les documents qui composent le dossier d’assistance éducative concernant X sont seulement communicables à l’intéressée et pas à la demanderesse, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. La commission, qui a pu prendre connaissance de l'intégralité du dossier d'assistance éducative, détenu au service d’aide sociale à l’enfance, ouvert aux noms d’X et X, rappelle qu’il ne lui appartient pas d’indiquer précisément et de manière exhaustive, au sein d’un dossier extrêmement volumineux, les documents communicables, voire les mentions qui doivent être occultées en application des règles rappelées ci-dessus, cette opération incombant à l'administration. La commission note toutefois que votre demande de conseil n’est pas présentée dans ce sens et qu’elle a seulement pour objet de vous éclairer sur la demande de communication de Madame X et le bien-fondé de la réponse que vous lui avez adressée. Toutefois, après avoir pris connaissance des pièces communiquées par votre service, la commission a pu observer, par exemple, que s’agissant des signalements concernant les enfants, il ne ressortait pas des pièces du dossier que ces derniers ont été opérés par des personnes ne participant pas aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance, à l’exception du signalement du 5 mai 2014 concernant la jeune majeure X dont les documents la concernant ne peuvent, sous réserve le cas échéant des occultations requises, que lui être communiqués, mais que ces signalement ont été élaborés par vos services en vue de la saisine du Procureur de la République, tout comme le rapport social du 28 janvier 2015. La commission souhaite attirer votre attention, conformément aux règles rappelées ci-dessus, sur le fait qu’elle est incompétente pour se prononcer sur le caractère communicable de ces documents. Par ailleurs, il ressort de votre bordereau des pièces annexes que certains documents n’ont pas été transmis à la demanderesse, alors qu’ils revêtent le caractère de documents administratifs. En effet, ces documents, bien que transmis à l’autorité judiciaire, dès lors qu’ils n'ont pas été établis pour les besoins ou dans le cadre de cette procédure, sont communicables à Madame X, sur le fondement de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, à l’instar du courrier du 29 juin 2015 établi par le centre médico-psycho-pédagogique de Ligueil au sujet des enfants X et X . Enfin, certains documents élaborés après le placement judiciaire, qui n’ont ni été établis par le juge, ni élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire, ne semblent pas avoir été communiqués à la demanderesse. A titre d’exemple, les déclarations de fugue élaborées par la Fondation Verdier au sujet de X (pièce n°59) revêtent le caractère de documents administratifs communicables à Madame X conformément aux dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.