Conseil 20165352 Séance du 11/05/2017

Caractère communicable des documents médicaux contenus dans le dossier ordinal d'un médecin à ses ayants-droits qui en feraient la demande motivée par l'une des conditions prévues par l'article L1111-7 ; qu'en est-il des autres pièces du dossier, et dans quels cas peut-on considérer que les ayants-droits sont « directement concernés » par ces documents et donc leur en permettre l'accès.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 11 mai 2017 votre demande de conseil relative au caractère communicable à la fille d'un médecin décédé des documents, notamment médicaux, contenus dans le dossier ordinal de son père. La commission relève, à titre liminaire, que le dossier ordinal d'un médecin constitue un document administratif au sens des articles L311-1 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Lorsque le dossier ordinal concerne un médecin décédé, la commission considère que le caractère communicable des documents y figurant dépend de la nature des informations qu'ils contiennent : - les documents comportant des informations à caractère médical sont communicables, en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, aux ayants droit de la personne décédée qui justifient de leur qualité, lorsque leur demande est motivée par le souci de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir des droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès et dans la seule mesure utile à l'objectif invoqué. La commission estime que, par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille ou les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. La commission considère que la catégorie des ayants droits vise, en premier lieu, les successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. La commission rappelle qu'aux termes de l'article 734 du même code : « En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants ». La commission considère que doivent être regardés en second lieu comme des ayants droit au sens et pour l'application des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, les successeurs testamentaires du défunt. La commission rappelle que cette qualité d’ayant droit, qu’il appartient à l’administration de vérifier, peut être établie par tout moyen, notamment par un acte de notoriété ou par un certificat d'hérédité. La commission rappelle ensuite qu'en vertu de l'article L1111-7 du code de la santé publique, le dossier médical d'un patient recouvre les documents concernant la santé d'une personne détenus par des professionnels et établissements de santé qui « sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l' exception des informations mentionnant qu' elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ». - les autres documents figurant dans le dossier ordinal ne peuvent être communiqués qu'aux personnes qui peuvent se prévaloir d’une qualité conduisant à les regarder comme directement concernées par le document sollicité. Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, Ministre de l'immigration nationale et du développement solidaire c/ M. Ouazene (n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon), que l'intéressé, au sens des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. Après avoir pris connaissance des documents que vous lui avez adressés, la commission constate que la fille du médecin décédé justifie de sa qualité d'ayant droit et que sa démarche tend à faire valoir ses droits à l'égard de sa famille qu'elle accuse de recel successoral. La commission considère par conséquent que les trois expertises médicales figurant dans le dossier ordinal de son père, qui correspondent à cet objectif, lui sont communicables en application de l'article L1110-4 du code de la santé publique. En revanche, la commission estime que les différents courriers et délibérations du conseil de l'ordre relatifs aux refus d'inscription de son père à l'ordre des médecins, quand bien même ceux-ci se sont fondés sur les résultats des expertises psychiatriques réalisées, ne constituent pas des informations médicales au sens de l'article L1111-7 du code de la santé publique dès lors qu'ils n'ont pas été élaborés par des médecins intervenus dans la prise en charge thérapeutique de cette personne, et ne sont donc pas communicables à sa fille sur le fondement de ces dispositions. Compte tenu de l'objectif poursuivi par la demanderesse, la commission considère en outre que cette dernière ne justifie pas de la qualité de personne intéressée lui permettant d'obtenir communication de ces mêmes documents, des dossiers d'inscription de son père à l'ordre des médecins, ni des courriers portant sur le paiement de ses cotisations à la caisse autonome de retraite des médecins de France et sur ses demandes d'entraide.