Avis 20144802 Séance du 08/01/2015
Communication de l'intégralité du dossier médical de sa patiente, Madame X X décédée le 9 avril 2013, en tant que médecin traitant et fils de la défunte.
Le Docteur X X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 9 décembre 2014, à la suite du refus opposé par le directeur du centre hospitalier de Troyes à sa demande de communication de l'intégralité du dossier médical de Madame X X décédée le 9 avril 2013, en tant que médecin traitant et fils de la défunte.
La commission rappelle que le dernier alinéa de l’article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l’article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès.
La commission précise que le Conseil d’Etat, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 270234, a interprété ces dispositions comme ayant entendu autoriser l’accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l’objectif qu’ils poursuivent. Il appartient dès lors au demandeur de spécifier à l’établissement de santé l’objectif poursuivi par la demande de communication du dossier médical du patient décédé, sans que l’établissement n’ait à mener d’investigations sur la réalité du motif invoqué.
La commission souligne à cet effet que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant.
La commission souligne que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur.
En outre, la commission estime que, par les dispositions précitées, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical. Par suite, la commission considère que la circonstance que le demandeur était le médecin traitant et la personne de confiance de la défunte ne saurait légalement lui ouvrir droit, sur le fondement des dispositions du code de la santé publique, à la communication de son dossier médical. Elle relève toutefois que Monsieur X est également le fils de la défunte, et qu’en cette qualité, il justifie de celle d’ayant-droit.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur du centre hospitalier de Troyes a informé la commission qu’il avait transmis à Monsieur X le compte rendu d’hospitalisation du 8 avril 2013 des services urgences et UHCD et le compte rendu d’hospitalisation de fin mars 2013 du service de néphrologie. La commission estime néanmoins que les radiographies, analyses et dossier infirmier qui pourraient être contenus dans le dossier médical de la défunte sont de nature à permettre au demandeur de connaître les causes de la mort de sa mère. Par ailleurs, la circonstance que Monsieur X a pu avoir accès aux éléments médicaux relatifs à la prise en charge de sa mère dans le cadre de l’expertise diligentée devant la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux est sans incidence sur le droit d’accès qui découle des règles précédemment rappelées.
Par suite, la commission émet un avis favorable à la communication des pièces médicales sollicitées, sous réserve que cette communication réponde à l'objectif de connaître les causes de la mort de la défunte.
La commission constate par ailleurs que si la demande de communication était initialement motivée également par le souhait du demandeur de faire valoir ses droits et de défendre la mémoire de la défunte, l'intéressé n'a pas fait valoir, s'agissant de ces deux motifs, de motivation propre distincte de celle qui le conduit à s'interroger sur les causes de la mort.
La commission invite donc le demandeur, s'il le juge utile, et si ces motifs se distinguent en réalité de celui qui porte sur les causes de la mort, à les préciser auprès du centre hospitalier de Troyes afin de permettre à l'équipe médicale d'identifier les autres documents correspondant à cette demande.