Conseil 20141865 Séance du 19/06/2014
Caractère communicable du dossier médical d'une patiente décédée à l'époux survivant qui souhaite savoir si son épouse portait des traces de coups à son admission dans le but de répondre aux accusations de maltraitance portées contre lui par ses enfants, et notamment pièces du dossier SMUR/Urgences et, le cas échéant, compte rendu de prise en charge en réanimation. Peut-on considérer que sa demande entre dans le cadre de la motivation « faire valoir ses droits » ?
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 19 juin 2014 votre demande de conseil relative à la communication des documents suivants : caractère communicable du dossier médical d'une patiente décédée à l'époux survivant qui souhaite savoir si son épouse portait des traces de coups à son admission dans le but de répondre aux accusations de maltraitance portées contre lui par ses enfants, et notamment pièces du dossier SMUR/Urgences et, le cas échéant, compte rendu de prise en charge en réanimation. Peut-on considérer que sa demande entre dans le cadre de la motivation « faire valoir ses droits » ?
La commission relève, à titre liminaire, que le dernier alinéa de l’article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l’article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès.
La commission précise que le Conseil d’Etat, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 270234, a interprété ces dispositions comme ayant entendu autoriser l’accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l’objectif qu’ils poursuivent. Il appartient dès lors au demandeur de spécifier à l’établissement de santé l’objectif poursuivi par la demande de communication du dossier médical du patient décédé, sans que l’établissement n’ait à mener d’investigations sur la réalité du motif invoqué.
La commission souligne à cet effet que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant.
L’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce (voir par exemple l’avis n° 20120945 du 8 mars 2012) relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur.
Enfin la commission précise qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'autorise l'administration à refuser la communication d'un dossier en excipant des risques de conflit entre ayants droits (conseil n°20020684 du 28 février 2002) : seul doit être vérifié avant de satisfaire la demande de communication, en application du troisième alinéa de l'article R1111-1 du code de la santé publique, le respect de la condition posée au dernier alinéa de l'article L1110-4 du même code.
Au cas d'espèce, la commission estime, d'une part, qu'en sollicitant les documents nécessaires pour répondre aux accusations de maltraitance portées à son encontre, le demandeur, dont la qualité d'ayant droit ne fait aucun doute, doit effectivement être regardé, nonobstant l'absence de procédure judiciaire en cours, comme se prévalant de l'objectif de faire valoir ses droits, au sens des dispositions de l'article L1110-4 du code de la santé publique et, d'autre part, que le motif invoqué permet à l'équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de cet objectif.