Conseil 20065259 Séance du 08/02/2007
- avis de la commission sur les modalités de consultation et d'accès à des fonds d'archives tels que plans du cadastre napoléonien, collection de cartes postales, collection de plans d'architecture, registres paroissiaux et d'Etat civil, sachant que la numérisation de ces documents est en cours par le service des archives du département afin de permettre cette consultation sur un site internet ;
- possibilité de facturer ce service en ligne et notamment :
- quelles sont les obligations qui s'imposent en matière de tarification ;
- quels éléments peuvent être pris en considération pour déterminer le montant du droit d'accès ;
- possibilité de mettre en place une double tarification : gratuite pour les habitants du département, payante pour les autres, notamment pour les documents d'Etat civil numérisés de plus de cent ans.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 8 février 2007 votre demande de conseil relative aux modalités de consultation et d’accès à des fonds d’archives mis en ligne.
Vous lui avez précisé que des documents tels que des plans du cadastre napoléonien, des collections de cartes postales, des collections de plans d’architecture et des registres paroissiaux et d’état civil sont en cours de numérisation par le service des archives du département de Maine-et-Loire afin d’en permettre prochainement la consultation sur un site internet. Vous l’interrogez sur les obligations qui s’imposent en matière de tarification de ce service :
1. Quels éléments peuvent être pris en considération pour déterminer le montant des droits d’accès ?
2. Est-il possible d’établir des tarifs différents en fonction des utilisateurs et en particulier de prévoir un accès gratuit aux documents d’état civil de plus de cent ans numérisés pour les seuls habitants du département, l’accès à ce service étant payant pour les autres demandeurs?
A titre préalable, la commission relève que la mise en ligne de documents d’archives présente de nombreux avantages en ce qu’elle permet une consultation à distance pour un grand nombre de personnes et que cette consultation peut être aussi fréquente que nécessaire tout en évitant la manipulation de documents librement consultables mais fragiles. Elle favorise ainsi la conservation de ces documents sans accroître le travail des services d’archives. Toutefois, elle doit se faire dans le respect des protections dont bénéficient les informations qui figurent sur ces documents ou des droits qui leur sont attachés. A ce titre, elle ne doit porter que sur des documents librement consultables en application des articles L.213-1 et suivants du code du patrimoine.
Parmi ces documents, il convient de distinguer entre les documents administratifs à caractère général tels que des plans cadastraux dont la mise en ligne ne soulève pas de difficultés juridiques, et ceux qui comportent des données à caractère personnel au sens de la loi du 6 janvier 1978 ou qui peuvent être protégés par des droits de propriété intellectuelle tels que des collections de cartes postales ou des plans d’architecture. La mise en ligne de ces derniers ne peut se faire que pour autant que, dans son principe et dans ses modalités, elle ne risque pas de porter atteinte à ces droits.
S’agissant des données à caractère personnel, la CNIL a émis des recommandations relatives à leur mise en ligne. Dans une lettre adressée à la direction des archives de France (saisine 03013708), elle a notamment recommandé de limiter cette diffusion à des fichiers image des documents en question, excluant la possibilité d’une mise en ligne du seul contenu nominatif des documents après saisie informatique afin de limiter les possibilités d’indexation et donc de recherche sur les sites web concernés. Elle a aussi recommandé de limiter la possibilité de mise en ligne aux actes de plus de cent ans dont les éventuelles mentions marginales auront été préalablement occultées.
La commission souligne que si la loi du 17 juillet 1978, à l’instar d’autres textes, invite à assurer une diffusion publique aussi large que possible des documents administratifs et des informations publiques et si le gouvernement préconise d’en assurer la gratuité lorsqu’il s’agit de « données essentielles », aucun texte n’interdit par principe de subordonner au paiement d’une somme l’accès à un site internet comportant la reproduction de documents d’archives dans la mesure où cet accès ne met, en aucun cas, fin à la possibilité qui doit demeurer de consulter sur place selon son état de conservation une copie ou l’original du document.
En réponse à votre première question, la commission considère que la somme qui pourrait être perçue pour l’accès à ce site s’assimile à une redevance pour service rendu. La jurisprudence du Conseil d’Etat sur de telles redevances précise qu’elles doivent être raisonnables et proportionnelles au service rendu. Dans la mesure où le service consiste, en l’espèce, à permettre une consultation à distance, sans déplacement, de documents d’archives, dont le coût réside dans l’investissement de départ consistant à assurer la mise en ligne, mais aussi dans sa maintenance et son développement, la redevance doit être déterminée sur la base d’un « coût marginal de long terme », qui inclut les perspectives d'évolution du service et des équipements correspondants.
En réponse à votre seconde question, la commission rappelle qu’en vertu de la jurisprudence du Conseil d’Etat (voir par exemple la décision CE 13 octobre 1999 compagnie nationale Air France 193195 ou CE 10 mai 1974 Sieurs D. et C.), « la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, aux usagers d'un service ou d'un ouvrage public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre ces usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une considération d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure » En l’espèce, la commission constate qu’aucune loi n’impose d’appliquer un tarif différent selon que la personne qui cherche à accéder au site ou à certains des documents qui y sont reproduits réside ou non dans le département. Au-delà de la possibilité technique de vérifier concrètement s’il est satisfait, elle estime que ce critère d’une résidence dans le département ne caractérise pas, au regard de la nature du service offert - qui consiste comme cela vient d’être dit à permettre une consultation à distance sans aucune limitation de documents - une différence de situation entre usagers susceptible de justifier une différence de traitement. La légalité d’une tarification de cette nature paraît dès lors très fragile.