Avis 20234417 Séance du 07/09/2023
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 juillet 2023, à la suite du refus tacite opposé par la directrice chargée des Archives de France à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'une recherche scientifique réalisée au CREDESPO, Université de Bourgogne, sur la présidence de la Ve République, des documents archivés suivants de la présidence de la République sous la mandature de Monsieur Valéry GISCARD D'ESTAING :
1) la cote X - Personnel, gestion : notes de X et des services intérieur, financier et du personnel ; personnel supérieur du secrétariat général de la présidence de la République: arrêtés de nomination; effectifs, liste (...) parc automobile présidentiel, gestion et fonctionnement: notes de X, du commandant militaire et du service financier (1974-1978) 1974-1978 ;
2) la cote X - Service du courrier, fonctionnement : notes (1974-septembre 1978), études analytiques mensuelles du courrier au départ et l'arrivée (janvier 1975-septembre 1978) 1. Service des postes et télécommunications, fonctionnement : notes du chef de service (1974). Service du protocole l'Élysée, fonctions : note du chef de service 2 (mai 1974). 1974-1978 ;
3) la cote X - Voyages officiels du président de la République à l'étranger : notes et correspondance de X, notes du service du protocole, de l'état-major particulier, du service des voyages officiels, télégrammes diplomatiques. 1975 ;
4) la cote X - Voyages officiels du président de la République l'étranger : notes et correspondance de X, notes du service du protocole, de l'état-major particulier, du service des voyages officiels, télégrammes diplomatiques. 1976 ;
5) la cote X - Organisation de la présidence de la République, personnel et dotation de tabac : notes, listes, documentation. Plaquette historique, conception d'une nouvelle édition : correspondance entre X et X. Été 1974 ;
6) la cote X - Service des archives, organisation, fonctionnement et bilan : listes, notes internes de X, listes des ouvrages versés aux archives. 1976-1980 ;
7) la cote X - Service du courrier, organisation et personnel : notes internes, listes. 1974-1979 ;
8) la cote X - Organisation de l'état-major particulier Recrutement des officiers supérieurs de l'état-major particulier et du commandement militaire : notes du chef de l'état-major particulier, parfois annotées par le président de la République, correspondance des États-majors, notices biographiques avec photographies d'identité ; affectation : pelures ou copies de décrets (1975-1981). Répartition de l'habilitation spéciale « Vulcain » : listes, correspondance (1971-1978). Conditions de participation 1968-1980 ;
9) la cote X - X Généralités Dossiers d'affaires [classement alphabétique]. - Affaires spatiales, société X : notes du SGDN, de X, chargé de mission auprès du Premier ministre, et de X (juin-juillet 1978). Agriculture, vins et eaux-de-vie de France, exportations : note de X (octobre 1976). Aviation, entreprise X, fiscalité et contrôle par l'État : notes de Matignon (septembre-octobre 1976) ; aviation gabonaise, rupture du Gabon 1976-1978 ;
10) la cote X - Analyse et dates : Généralités Dossiers d'affaires. - Élections présidentielles de 1981, article du Monde : note du secrétaire général du Gouvernement 1 ; résultats : texte de la proclamation par le Conseil constitutionnel (mars-mai 1981). Gouvernement, nominations et cessations de fonctions des ministres et secrétaires d'État : décrets et listes (1975-1981) 2 . Présidence de la République, organisation du secrétariat général : notes de X 1975-1981 Dossier à extraire : 2. Présidence de la République, organisation du secrétariat général (...) situation des veuves des présidents de la République (...); budgets de la présidence de la République; soumission des engagements au chef de cabinet (...); archivage des documents du secrétariat général: note de X (...).
La commission relève, à titre liminaire, que le 4 août 2022 et le 22 septembre 2022, Madame X a présenté trois demandes de consultation de documents d'archives publiques produits par la présidence de la République sous la mandature de Monsieur Valéry GISCARD D'ESTAING, par dérogation aux délais légaux de communicabilité, portant sur un total de vingt-cinq cotes. Ces demandes ont fait l'objet de saisines de la commission n° 202314417, 20234418 et 20234419, examinées à la présente séance.
En l'espèce, la commission relève que le directeur général des patrimoines lui a indiqué qu'en dépit du temps écoulé, ces demandes, qui portent sur un nombre important de cotes, sont toujours en cours d'instruction. La commission en prend note mais estime que des refus implicites ont en l'espèce été opposés à Madame X. Elle rappelle, en effet, que l’administration est tenue d’apporter une réponse aux demandes d’accès par dérogation aux délais légaux de communicabilité des archives publiques dans un délai de deux mois, comme le précise l’article L213-3 du code du patrimoine, à l’échéance duquel le silence vaut refus.
En premier lieu, la commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code.
La commission précise, ensuite, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle aussi qu'aux termes de l'article L213-4 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 : « Le versement des documents d'archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement peut être assorti de la signature entre la partie versante et l'administration des archives d'un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé, pendant la durée des délais prévus à l'article L213-2. Les stipulations de ce protocole peuvent également s'appliquer aux documents d'archives publiques émanant des collaborateurs personnels de l'autorité signataire (…) ». Pour l'application de l'article L213-3, l'accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation ou l'ouverture anticipée du fonds est donné par le signataire du protocole. Le protocole cesse de plein droit d'avoir effet en cas de décès du signataire et, en tout état de cause, à la date d'expiration des délais prévus à l'article L213-2 ». Par ailleurs, l’article L213-3 relatif aux possibilités de consultation anticipée des archives de droit commun leur est expressément rendu applicable de manière adaptée, l’autorité versante dont l’accord est requis devant s’entendre comme celle ayant signé le protocole.
La commission rappelle enfin que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II n° 20050939 du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II n° 20215602 du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l'espèce, la commission relève qu'une autorisation de consultation par dérogation est nécessaire pour accéder aux dossiers sollicités.
La commission constate, ensuite, que Madame X inscrit sa demande dans le cadre d’un travail de recherche universitaire et que les documents demandés sont en lien direct avec la rédaction de sa thèse sur l'administration élyséenne. Elle précise également que la demanderesse a signé un engagement de réserve.
La commission prend note des difficultés de traitement des demandes de Madame X, compte tenu du volume de documents concernés. Elle observe toutefois, comme indiqué précédemment, que ces demandes sont en cours d’instruction depuis plus d'un an.
Dans ces conditions, et en l'état des informations dont elle dispose, la commission estime que l'intérêt légitime de Madame X est en l'espèce de nature à justifier la consultation anticipée des fonds d’archives demandés, sans qu’il soit porté une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi, sauf à ce que l'analyse effective des dossiers mette en lumière la présence d'éléments sensibles dont la consultation porterait une telle atteinte et qui devraient, dès lors, être disjoints.
La commission émet, dans cette mesure, un avis favorable à la demande.