Avis 20234157 Séance du 07/09/2023
Monsieur Thierry X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 juillet 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Brezons à sa demande de communication des documents suivants :
1) les états de sections de la commune retraçant les recettes et dépenses pour les années 2020, 2021 et 2022 ;
2) les pièces justificatives des recettes et dépenses ;
3) les délibérations prises par le conseil municipal ayant pour objet la gestion des biens des sections pour la période 2020-2023.
La commission, qui a pris connaissance des observations de la maire de Brezons, la commission relève que les sections de commune sont définies par l’article L2411-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) comme « toute partie d’une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ». Ces sections sont propriétaires de biens immobiliers, mobiliers ou de droits collectifs et leurs membres n'en ont que la seule jouissance collective. La section de commune est une personne morale de droit public dont sont membres les habitants ayant leur domicile réel et fixe sur son territoire.
La commission rappelle également qu’aux termes de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.
En application de ces principes, la commission estime que les délibérations du conseil municipal ou les arrêtés municipaux qui sont eux-mêmes relatifs à la gestion des biens communaux de la section, y compris les documents qui leur sont annexés, sont communicables à toute personne qui en ferait la demande, en application de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales.
Elle émet donc un avis favorable au point 3) de la demande.
La commission prend en revanche acte de la décision du 8 février 2023 n° 452521 par laquelle le Conseil d’État a jugé que s’agissant des budgets et des comptes des communes, le droit de communication qu’instituent les dispositions de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver, en vertu des dispositions de l’article 52 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (avis n° 20230165 du 9 mars 2023).
La commission considère par conséquent que les états spéciaux des sections de commune mentionnés au point 1) de la demande sont communicables sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, tandis que les pièces justificatives des recettes et des dépenses mentionnés au point 2) sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration, notamment l’article L311-6 de ce code.
La commission précise que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE 10 mars 2010, n° 303814, commune de Sète ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
Elle précise à cet égard en particulier que les noms et prénoms d'une personne physique ne sont, en elles-mêmes, pas protégées par le secret de la vie privée. Elle en déduit que de telles mentions ne doivent en principe être occultées qu'au cas par cas, si, par recoupement avec les autres informations du document, elles sont de nature à porter atteinte au secret de la vie privée et au secret médical des personnes intéressées, ou si elles révèlent une appréciation ou un jugement de valeur d'ordre individuel sur ces personnes ou encore si elles font apparaître de leur part un comportement dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice.
En application de ces principes, la commission considère par exemple de manière constante que l'identité des agents mentionnée dans l'article relatif à la médecine du travail et aux frais médicaux doit être occultée au titre du secret médical. Elle considère, de façon plus générale, que lorsque le nom d'un tiers est associé à une opération comptable, ces données doivent être occultées, dès lors que leur divulgation à un tiers est susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi. Tel est le cas, par exemple, des bénéficiaires d'une aide ou d'une allocation ou des personnes redevables d'un trop-perçu. En revanche, elle estime, s'agissant de contrats de la commande publique, que le nom des sociétés prestataires et l’objet des prestations, n'est pas couvert par le secret des affaires et n'a pas à être occulté.
La commission souligne ensuite qu'en vertu de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, il appartient à l'autorité saisie d'une demande de communication d'occulter ou de disjoindre chacune des mentions couvertes par un secret protégé, préalablement à la communication d'un document librement communicable à toute personne, à condition que ces occultations ou disjonctions ne privent pas de sens le document ou d'intérêt la communication.
Elle relève à cet égard, que dans sa décision du 27 septembre 2022, n° 452614, le Conseil d’État a estimé, s'agissant d'une demande de communication des fichiers de comptabilisation des titres de recettes et mandats de paiement émis par un département au titre de trois années, se présentant sous la forme de tableaux retraçant au total plus de 300 000 mandats de paiement et 75 000 titres de perception, que ces documents pouvaient être communiqués à des tiers après suppression, au sein de chaque fichier, de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables, telles que par exemple celles intitulées « nom bénéficiaire » ou « objet liquidation », tout en conservant un intérêt pour la personne ayant sollicité leur communication. Après avoir relevé que des tiers pouvaient être associés à chaque opération comptable tels que, par exemple, les bénéficiaires de dépenses relatives à l'action sociale, d’insertion ou en matière de santé menée par le département, le Conseil d’État a estimé qu'il ne revenait pas à l’administration d’opérer, sur des documents d’un tel volume, une vérification ligne à ligne des informations potentiellement protégées, cette recherche représentant une charge disproportionnée au regard des moyens à disposition.
La commission estime que cette solution, qui déroge au principe de l'occultation des seules mentions protégées, doit être interprétée strictement. Il revient en conséquence à l’administration d’apprécier concrètement, compte tenu des circonstances de l’espèce, si le volume et le contenu du grand livre de comptes demandé justifient la suppression de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables. Ce n’est ainsi qu’au cas par cas qu'une telle disjonction pourra être réalisée.
La commission émet, dès lors, un avis favorable à la communication des documents sollicités, dans les conditions et sous les réserves précitées et prend note de l'intention de la maire de Brezons de la satisfaire dès que possible.