Avis 20233674 Séance du 20/07/2023

Monsieur X, journaliste pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 juin 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à sa demande de communication des documents suivants concernant la manifestation de Sainte-Soline le 25 mars 2023 : 1) le compte rendu d’intervention réalisé par le chef du groupement opérationnel de maintien de l’ordre (GOMO) de gendarmerie, précisant notamment le déroulé de la situation et la consommation détaillée de munitions ; 2) le télex ou télégramme de maintien de l’ordre réalisé par l’autorité civile, précisant notamment le déroulé des événements, le bilan humain (blessés manifestants et militaires) et la consommation détaillée de munitions ; 3) la fiche de données de sécurité pyrotechniques de la grenade ASSD ; 4) la fiche de données de sécurité pyrotechniques de la grenade GM2L. Pour ce qui concerne en premier lieu les documents mentionnés aux points 1) et 2) de la demande, sur lesquels le ministre de l’intérieur n’a pas présenté d’observations en réponse à la demande qui lui a été adressée, la commission considère qu’ils constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en vertu de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. La commission précise que cette communication ne peut toutefois intervenir que sous réserve l’occultation ou de la disjonction des passages qui porteraient atteinte, d’une part, à l’un des intérêts protégés par l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, en particulier, de ceux qui porteraient atteinte la sûreté de l’État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. Elle considère traditionnellement que les documents contenant des éléments précis relatifs aux modalités et conditions d'intervention des services de police, des mentions portant sur les modalités et l'efficacité de certains tirs ainsi que sur d'éventuelles difficultés qui peuvent être rencontrées avec certaines armes par les fonctionnaires de police, dont la communication serait ainsi de nature à obérer l'efficacité de la mise en œuvre, sur le terrain, des dispositions légales permettant l'emploi de la force ne sont pas communicables en application de ces dispositions (avis n° 20205308, s’agissant des rapports d'intervention sur les circonstances de l'intervention et sur les conditions d'utilisation de l'arme remis par les policiers municipaux au maire en application des dispositions de l'article R511-28 du code de la sécurité intérieure ; avis n° 20195885, du 16 janvier 2020, s’agissant du rapport de l’Inspection générale de la police nationale intitulé « Comparatif des déclarations d'usages de l'arme individuelle dans le traitement relatif au suivi de l’usage des armes » ; avis n° 20213703, du 8 juillet 2021, concernant la note sur la « sécurité juridique des interpellations lors des manifestations » que le ministre de l’intérieur a adressée aux préfets). En revanche, elle estime que les armes utilisées et leurs munitions n’entrent pas dans le champ des mentions précises dont la communication porterait atteinte à la sûreté de l’État, la sécurité publique ou la sécurité des personnes en application des dispositions du d) du 2° de l’article L311-5 de ce code. La commission rappelle d’autre part qu’en vertu de l’article L311-6 du même code, ne sont en outre communicables qu'à l'intéressé les mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable autre que le demandeur ou faisant apparaître le comportement d'une personne autre que celui-ci, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (témoignage, dénonciation, comportement répréhensible). Elle émet donc un avis favorable sur les points 1) et 2) de la demande, sous ces réserves. Pour ce qui concerne en second lieu les points 3) et 4) de la demande, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a informé la commission qu'il maintenait son refus de communiquer les fiches de données de sécurité pyrotechniques, en faisant valoir qu’elles sont couvertes par le secret des affaires. La commission rappelle à cet égard que le 1° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, qui s’oppose à ce que soient divulgués à des tiers les documents dont la « communication porterait atteinte (…) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L300-2 est soumise à la concurrence ». En l'espèce, elle note que le code du travail, notamment dans son article R4411-73, fait obligation au fournisseur d’une substance ou mélange dangereux de fournir au destinataire de ce produit une fiche de données de sécurité conforme aux exigences prévues au titre IV et à l'annexe II du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH). L’annexe II de ce règlement prévoit seize rubriques, dont le contenu rassemble des informations de trois ordres : informations générales sur le produit et le producteur, identification des dangers et mesures de gestion du risque. Eu égard au contenu de ces fiches de données de sécurité et à leur finalité, la commission estime qu’elles ne comportent pas d'éléments révélant, en particulier, de secret des procédés et dont la divulgation serait susceptible de porter atteinte au secret des affaires, en vertu de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, elle émet un avis favorable sur les points 3) et 4) de la demande.