Conseil 20233656 Séance du 20/07/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 20 juillet 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à un candidat non retenu, des documents suivants concernant un marché public : 1) la délibération du conseil communautaire autorisant la signature du marché, sachant que la décision du président de la communauté d'agglomération n’est pas encore exécutoire (non signée et déposée au contrôle de légalité) ; 2) le marché non encore signé afin de respecter le délai de stand still ; 3) le rapport de présentation non encore signé ; 4) le procès-verbal de la commission d'appel d'offres tant que le marché n’est pas signé ; 5) s'agissant du rapport d’analyse des offres : a) le montant total toutes tranches comprises sachant que le marché est rédigé avec une tranche ferme et des tranches optionnelles via un détail quantitatif estimatif (DQE) ; b) les commentaires du maître d'œuvre quant aux montants des offres (exemple : « Les prix de la société X sont composés à 26% de prix variables, une structure qui devrait avoir tendance à faire baisser le prix de la facture si les objectifs en termes de réduction des quantités d’ordures ménagères sont atteints ») ; c) les commentaires relatifs à l’offre technique des candidats (exemple : « L’organisation proposée comporte 200 tournées hebdomadaires (dont 26 pour les DV) en double poste » ou « Contrôle par les […] et le dispositif automatique Lixo installé sur 4 bennes » ou « L’entreprise est ISO 90001 » ou « Les tournées moyennes sont dimensionnées sur la base de : verre 3,5 T/h, collecte sélective 0,58 T/H » ; d) les commentaires précis quant à l’organigramme proposé par les candidats (exemple : « 1 directeur d’exploitation, 1 responsable d’exploitation, 1 coordinateur QSE ») ; e) les coordonnées des sociétés ayant déposé des questions lors des questions-réponses ayant eu lieu durant la publicité du marché et qui sont annexées au rapport d'analyse des offres ; f) l’ensemble des demandes de précisions annexées au rapport d'analyse des offres. La commission vous rappelle en premier lieu qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés » et « ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ». En application de ces dispositions, la commission distingue ainsi deux types de documents : - les documents inachevés en la forme, tels que les ébauches, brouillons et versions successives d'un document, qui précèdent l'élaboration d'un document complet et cohérent, et qui ne peuvent être communiqués en l'état. Seul le document achevé sera communicable, le cas échéant ; - les documents préparatoires, lesquels ont acquis leur forme définitive, mais dont la communication est subordonnée à l’intervention de la décision administrative qu'ils préparent. A cet égard, la commission relève que sont considérés comme préparatoires l'ensemble des documents qui concourent à l'élaboration d'une décision administrative et sont inséparables de ce processus. Ces documents préparatoires sont en principe exclus provisoirement du droit à la communication aussi longtemps que cette décision n’est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable. Par ailleurs, lorsqu’un projet comporte des phases distinctes donnant lieu à l'édiction de plusieurs décisions successives, il importe d’identifier la nature des pièces dont le caractère préparatoire est levé par l’intervention de chacune de ces décisions. En matière de marchés publics, la commission vous rappelle que le contrat et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Elle considère que ces documents perdent leur caractère préparatoire une fois le marché signé. En application de ces principes, la commission estime que les documents visés aux points 2) à 4) de votre demande conservent un caractère préparatoire tant que le marché n’est pas signé, de même que le rapport d’analyse des offres mentionné au point 5). Elle vous rappelle, en second lieu, que le droit de communication des marchés publics et des documents qui s’y rapportent, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. La commission considère en revanche que le prix total par tranche est librement communicable à toute personne en faisant la demande (avis de partie II n° 20231017 du 11 mai 2023). L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. En application de ces principes, la commission vous précise que les prix totaux de chacune des tranches, visés au point 5) a) de votre demande, sont librement communicables à toute personne en faisant la demande. Elle estime en revanche que les commentaires portés par le maître d’œuvre sur les offres des candidats, dont vous faites état dans votre demande de conseil sont de nature à révéler le détail technique et financier des offres et, à ce titre, sont intégralement couverts par le secret des affaires. En troisième et dernier lieu, la commission, qui a eu l'occasion de préciser sa doctrine par un avis n° 20221914 du 12 mai 2022, vous rappelle tout d’abord que la liste des questions formulées par les candidats en cours de procédure et les réponses qui y sont apportées par le pouvoir adjudicateur, est, en application des principes de transparence des procédures et d’égalité de traitement des candidats, portée à la connaissance de l’ensemble des candidats, le plus souvent par voie de publication sur le profil acheteur de l’administration concernée. Dès lors qu’elle conserve un caractère général, en ce qu’elle ne révèle aucun détail technique ou financier d’une offre particulière, la commission estime que cette liste est librement communicable à toute personne en faisant la demande. La commission relève ensuite que le code de la commande publique autorise les acheteurs à demander aux candidats concernés de régulariser leur candidature ou leur offre, dans certaines conditions fixées par les textes. Dans la mesure où les dossiers de candidature des candidats non retenus ne sont pas communicables (conseil n° 20065427 du 21 décembre 2006), la commission considère que les demandes de régularisation de ces dossiers ne le sont pas davantage. En revanche, la commission estime que les demandes de régularisation du dossier de candidature de l’attributaire, ainsi que les demandes de régularisation des offres de l’ensemble des candidats, sont communicables à toute personne en faisant la demande, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires. S’agissant des échanges ou comptes rendus intervenant dans le cadre des négociations, d’une demande de précision ou d’une mise au point, la commission considère que, dans la mesure où ceux-ci ont pour objet d’éclairer le pouvoir adjudicateur sur les éléments techniques et financiers de l’offre remise par le candidat ou de faire évoluer ces éléments, ces documents révèlent, par nature, la stratégie commerciale de l’entreprise concernée et, à ce titre, sont entièrement couverts par le secret des affaires (avis n° 20122602 du 26 juillet 2012). Ces documents ne sont, par conséquent, pas communicables. Enfin, la commission estime que les procès-verbaux de négociation, dans la mesure où ils se limitent à décrire la procédure de négociation et son organisation (durée, dates, personnes présentes, etc.) sans pour autant révéler le contenu des échanges intervenus, sont librement communicables à toute personne en faisant la demande. En application de ces principes, la commission considère que les coordonnées des sociétés ayant déposé des questions durant la publicité du marché, telles que visées au point 5) e) de votre demande, sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande et vous invite donc à procéder à leur communication. En revanche, elle estime que les demandes de précisions sont, quant à elles, couvertes par le secret des affaires en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et, à ce titre, ne sont donc pas communicables aux tiers.