Avis 20233651 Séance du 20/07/2023
Monsieur X, pour le syndicat CGT Territoriaux Marignane, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 juin 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Marignane à sa demande de communication, au lieu de la consultation proposée par l'administration en raison de son volume (2000 pages), d'une copie du document unique d'évaluation de risques professionnels (DUERP).
La commission rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le droit d’information que les représentants du personnel et les organisations syndicales peuvent tirer, en cette qualité, de textes particuliers. Ces derniers peuvent en revanche se prévaloir, comme tout administré, du livre III du code des relations entre le public et l'administration et des régimes particuliers énumérés aux articles L342-1 et L342-2 de ce code pour obtenir la communication de documents.
La commission précise, en premier lieu, que constituent des documents administratifs, en vertu des dispositions de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission.
L’article L4121-3-1 du code du travail dispose que le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) répertorie l'ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions. Aux termes du A du V ce cet article, issu de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, le DUERP, « dans ses versions successives, est conservé par l'employeur et est tenu à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d'un intérêt à y avoir accès. La durée, qui ne peut être inférieure à quarante ans, et les modalités de conservation et de mise à disposition du document ainsi que la liste des personnes et instances sont fixées par décret en Conseil d’État ».
En vertu de l’article R4121-4 du même code, le DUERP doit, pendant une durée de 40 ans, être mis à disposition des travailleurs et anciens travailleurs pour les versions en vigueur durant leur période d'activité dans l'entreprise, des membres de la délégation du personnel du comité social et économique, du service de prévention et de santé au travail, des agents du système d'inspection du travail, des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale, des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L4643-1 du même code et enfin des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L1333-29 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L1333-30 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants.
Il ressort des travaux parlementaires que la modification de l’article L4121-3-1 du code du travail, par la loi du 2 août 2021 précitée, vise en particulier à faciliter la recherche des causes de pathologies déclarées à distance par des salariés ou anciens salariés. La commission relève que ces dispositions du code du travail s’imposent à tout employeur, quel que soit son statut juridique, et qu’elles ne régissent pas entièrement les conditions d’accès au DUERP.
Elle estime par suite que ces dispositions du code du travail ne font pas obstacle à l’application des dispositions des articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui garantissent à tout administré le principe de la liberté d'accès aux documents administratifs. La commission en déduit que le DUERP, lorsqu’il est produit par une autorité administrative en qualité d’employeur, en vertu de l'article 3 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, ou lorsqu’il est reçu par une telle autorité dans le cadre de ses missions de service public, revêt le caractère d’un document administratif au sens de l’article L300-2 de ce code, soumis au régime du droit d’accès régi par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Une demande d’accès à ce document peut donc s’exercer dans les conditions et sous les réserves prévues par ce code.
En second lieu, la commission observe que la demande porte sur les modalités de communication, Monsieur X ayant sollicité une copie et l’administration lui ayant proposé de consulter sur place le document sollicité.
La commission rappelle qu’en vertu de l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document, soit encore par publication en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6.
La commission souligne également qu'en application de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, les frais correspondant au coût de reproduction des documents et, le cas échéant, d'envoi de ceux-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Ces frais sont calculés conformément aux articles 2 et 3 de l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001. L'intéressé doit être avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé.
Par ailleurs, si l’administration ne dispose pas des moyens de reproduction nécessaires pour satisfaire une demande de communication portant sur un volume important de documents, elle peut faire établir un devis auprès d’un prestataire de service extérieur. Il lui appartiendra alors d'adresser le devis de ce dernier au demandeur pour qu'il y donne suite, s'il y a lieu.
La commission souligne, enfin, que si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est en revanche fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services.
Si le demandeur maintient son souhait de recevoir copie des documents, et que la reproduction des documents n'excède pas les possibilités techniques et les moyens de l'administration, celle-ci est fondée à en échelonner l'envoi dans le temps. Elle doit alors en aviser l'intéressé et, dans la mesure du possible, convenir avec lui d'un échéancier de communication.
En l’absence de réponse du maire de Marignane à la date de sa séance, la commission estime en l'espèce, en l’état des informations dont elle dispose, que la communication par envoi papier du document sollicité est compatible avec le bon fonctionnement des services de la commune de Marignane et n'appelle pas d'aménagement particulier de l'exercice du droit d'accès. Elle invite donc l’administration à adresser un exemplaire du DUERP au demandeur, moyennant le paiement préalable, le cas échéant, des frais de reproduction et d’envoi, dont le montant devra être porté à sa connaissance.