Avis 20233338 Séance du 06/07/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 juin 2023, à la suite du refus opposé par le président de l'Université Côte d'Azur à sa demande de communication d'une copie des documents suivants suite au refus de lui attribuer la composante 3 du régime indemnitaire des enseignants et des chercheurs (RIPEC) pour la campagne 2022 :
1) les deux rapports du conseil académique restreint sur son dossier RIPEC 3 ;
2) le mode de classement des dossiers par le conseil académique restreint du 22 novembre 2022, ayant donné suite aux décisions d'attribution ;
3) la liste des bénéficiaires de la prime RIPEC 3, avec les 6 avis reçus, accompagnée par la mission au titre de laquelle la prime a été attribuée.
En l'absence de réponse du président de l'Université Côte d'Azur à la date de sa séance, la commission relève qu’aux termes de l’article 2 du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC), le régime indemnitaire prévu par ce décret comprend trois composantes : deux indemnités et une prime individuelle, dite prime C3. L’attribution de cette prime n’est pas automatique et dépend de la qualité des activités et de l'engagement professionnel de ces personnels au titre de l’ensemble de leurs missions statutaires.
Cette prime leur est versée sur leur demande selon des modalités précisées à l'article 4 dudit décret. La procédure débute par le dépôt d’un dossier de candidature, accompagné d’un rapport d’activité portant sur les quatre années précédentes. La phase d’examen comporte la désignation, pour chaque candidat, à deux reprises, de deux rapporteurs, chargés de produire un rapport remis à deux instances collégiales : d’une part, le conseil académique siégeant en formation restreinte ou l'organe compétent pour examiner les questions individuelles relatives au recrutement, à l’affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs, d’autre part, la section compétente du Conseil national des universités. Ces instances délibèrent et émettent chacune un avis, qui est ensuite adressé au président ou au directeur de l'établissement d’affectation de l’agent, compétent pour prendre les décisions d’attribution individuelle de la prime dans la limite d’une dotation attribuée à cet effet par le ministre chargé de l’enseignement supérieur.
La commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. (...) ». Aux termes de l’article L. 311-6 de ce code : « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, (…) ; / 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; / 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. (…) ».
La commission rappelle, ensuite, que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative, des arrêtés de nomination et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion.
Elle estime cependant que si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime. Ainsi, les mentions intéressant la vie privée des agents (date de naissance, adresse personnelle, adresse électronique professionnelle, situation familiale, numéro de sécurité sociale, dates de congés, etc.) ou révélant une appréciation portée sur eux (éléments de rémunération qui sont fonction de la situation personnelle ou familiale ou de l'appréciation portée sur la façon de servir) ne sont pas communicables à des tiers en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
En application de ces principes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande les éléments de rémunération qui résultent de l'application des règles régissant l'emploi concerné. En revanche, la commission émet des avis défavorables à la communication des éléments qui sont arrêtés d’un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant, ainsi que des informations liées soit à la situation familiale et personnelle de l’agent en cause (supplément familial) soit à sa manière de servir (primes de rendement), qui révèlent nécessairement une appréciation et un jugement de valeur portés sur cette personne.
Pour ce qui concerne en premier lieu les documents mentionnés au point 1), la commission comprend que la décision sur l’attribution de la prime C3 à Monsieur X a été prise. Elle estime par suite que les rapports sur sa candidature lui sont communicables. Comme elle l’a fait dans ses avis de partie II n° 20231796 et 20232549 du 1er juin 2023, la commission précise qu’il n’y a pas lieu d’occulter l’identité des rapporteurs.
Pour ce qui concerne en deuxième lieu les documents mentionnés au point 3), la commission précise, à titre liminaire, que le Conseil d’État dans sa décision du 8 juin 2016, n° 389756, a jugé que la liste des bénéficiaires de la prime d'encadrement doctoral et de recherche prévue par le décret n°2009-851 du 8 juillet 2009, lorsqu’elle est attribuée aux personnels dont l'activité scientifique est jugée d'un niveau élevé au regard, notamment, de la production scientifique, de l'encadrement doctoral et scientifique, de la diffusion de leurs travaux et des responsabilités scientifiques exercées, n'est pas communicable aux tiers au motif que l'attribution de cette prime révèle nécessairement une appréciation ou un jugement de valeur sur ces personnels, au sens des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission constate que l’attribution de la prime exceptionnelle dite C3, en application des dispositions du décret précité du 29 décembre 2021, n’est pas automatique mais est liée à la qualité des activités et à l’engagement professionnel des personnels intéressés au titre de l’ensemble de leurs activités, et repose sur des critères tenant à leur investissement pédagogique, à la qualité de leur activité scientifique et à leur investissement dans des tâches d'intérêt général. La commission déduit de l’économie de ce dispositif que l’attribution de cette prime traduit nécessairement une appréciation ou un jugement de valeur sur ces personnels, au sens du 2° de l’article L311-6. Elle estime, dès lors, que la liste nominative des bénéficiaires de la prime individuelle n’est communicable qu’aux seuls intéressés, chacun pour ce qui les concerne, en application de ces dispositions.
De la même manière, les pièces du dossier de candidature produites par les candidats à l’attribution de cette prime ne sont communicables qu’à chaque personne intéressée, pour ce qui la concerne, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La communication des documents produits par l’administration lors de la phase d’examen des candidatures est pareillement restreinte aux seules mentions ou documents concernant leur propre candidature.
La commission émet par suite un avis défavorable à la communication de la liste des bénéficiaires de la prime RIPEC 3, accompagnée des avis émis, qui révélerait nécessairement des informations relatives à la manière de servir des bénéficiaires de cette prime.
Enfin, la commission estime que le document comportant mode de classement des dossiers, s'il existe ou peut être obtenu au moyen d'un traitement automatisé d'usage courant, est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable à la demande en son point 2).