Avis 20233186 Séance du 06/07/2023
Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 29 mai 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Quernes à sa demande de communication d'une copie, par courrier électronique, des documents suivants :
1) les délibérations visées par la sous- préfecture de Béthune, reprises dans les ordres du jour des réunions des 7 et 13 avril 2023 (11 délibérations le 7 et 1 délibération le 13 avril) ;
2) le compte administratif détaillé de l'exercice 2022 ;
3) le compte de gestion 2022 ;
4) l'état des indemnités versées aux élus (commune et agglomération) en 2022 ;
5) l'état des actions de formation en faveur des élus en 2022 ;
6) le budget détaillé 2023 avec le détail de la transposition de M14 à M57 ;
7) l'avis du comptable public à la suite de l'adoption du référentiel M57 pour l'exercice budgétaire 2023 ;
8) le grand livre comptable pour les années 2020, 2021 et 2022.
Par courriel du 5 juin 2023, l'intéressé a indiqué à la commission que les documents visés aux points 1), 2) et 6) lui avaient été transmis le 1er juin 2023. La commission ne peut, dès lors, que déclarer sans objet la demande d’avis sur ces points.
Pour ce qui concerne les documents mentionnés aux points 3), 4), 5) et 8) :
La commission rappelle, en premier lieu, qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.
La commission précise que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE, 10 mars 2010, n° 303814 ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620
D’autre part, la commission prend acte de la décision du 8 février 2023 n° 452521 par laquelle le Conseil d’État a jugé que s’agissant des budgets et des comptes des communes, le droit de communication qu’instituent les dispositions de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver, en vertu des dispositions de l’article 52 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
La commission, qui comprend que les grands livres de comptes constituent des fichiers de comptabilisation des mandats de dépenses et des titres de recettes, tenus par l'ordonnateur par ordre chronologique, sous la forme d’une série continue, avec rattachement au chapitre et à l’article budgétaire correspondant, en déduit que ces documents administratifs sont communicables à toute personne qui en fait la demande dans les conditions prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous les réserves prévues par les articles L311-5 et L311-6 de ce code, notamment le secret de la vie privée et le secret des affaires.
En deuxième lieu, la commission précise que si les noms et prénoms d'une personne physique sont des données à caractère personnel, ces mentions ne sont, en elles-mêmes, pas protégées par le secret de la vie privée. Elle en déduit que ces données ne doivent en principe être occultées qu'au cas par cas, si, par recoupement avec les autres informations du document, elles sont de nature à porter atteinte au secret de la vie privée et au secret médical des personnes intéressés, ou si elles révèlent une appréciation ou un jugement de valeur d'ordre individuel sur ces personnes ou encore si elles font apparaître de leur part un comportement dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice.
En application de ces principes, la commission a par exemple considéré que les mentions du grand livre des comptes relatives aux frais de déplacement du personnel ou aux rémunérations versées aux agents, ne relèvent en elles-mêmes pas d'un secret protégé et peuvent, dès lors, être intégralement communiquées aux tiers (conseil n° 20215036, du 4 novembre 2021 ; avis n° 20191375, du 18 juillet 2019).
Elle a également estimé que les formations adaptées aux fonctions des élus municipaux relevant du dispositif prévu par l'article L2123-12 du code général des collectivités territoriales comme les formations suivies par les élus dans le cadre du droit individuel à la formation ne relèvent pas de la protection de la vie privée, étant en lien avec l’exercice du mandat ou non détachable des fonctions électives (avis de partie II n° 20210758 du 25 mars 2021).
En revanche, elle estime de manière constante que l'identité des agents mentionnée dans l'article relatif à la médecine du travail et aux frais médicaux doit être occultée au titre du secret médical (mêmes avis). Elle considère, de façon plus générale, que lorsque le nom d'un tiers est associé à une opération comptable, ces données identifiantes doivent être occultées, dès lors que leur divulgation à un tiers serait susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi. Tel est le cas, par exemple, des bénéficiaires d'une aide ou d'une allocation versées en considération de la situation d’une personne physique ou dont le calcul est fonction de celle-ci.
En revanche, elle estime, s'agissant de contrats de la commande publique, que le nom des sociétés prestataires et l’objet des prestations, n'est pas couvert par le secret des affaires et n'a pas à être occulté.
La commission souligne ensuite qu'en vertu de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, il appartient à l'autorité saisie d'une demande de communication d'occulter ou de disjoindre chacune des mentions couvertes par un secret protégé, préalablement à la communication d'un document librement communicable à toute personne, à condition que ces occultations ou disjonctions ne privent pas de sens le document ou d'intérêt la communication.
Elle relève à cet égard, que dans sa décision du 27 septembre 2022, n° 452614, le Conseil d’État a estimé, s'agissant d'une demande de communication des fichiers de comptabilisation des titres de recettes et mandats de paiement émis par un département au titre de trois années, se présentant sous la forme de tableaux retraçant au total plus de 300 000 mandats de paiement et 75 000 titres de perception, que ces documents pouvaient être communiqués à des tiers après suppression, au sein de chaque fichier, de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables, telles que par exemple celles intitulées « nom bénéficiaire » ou « objet liquidation », tout en conservant un intérêt pour la personne ayant sollicité leur communication. Après avoir relevé que des tiers pouvaient être associés à chaque opération comptable tels que, par exemple, les bénéficiaires de dépenses relatives à l'action sociale, d’insertion ou en matière de santé menée par le département, le Conseil d’État a estimé qu'il ne revenait pas à l’administration d’opérer, sur des documents d’un tel volume, une vérification ligne à ligne des informations potentiellement protégées, cette recherche représentant une charge disproportionnée au regard des moyens à disposition.
La commission estime que cette solution, qui déroge au principe de l'occultation des seules mentions protégées, doit être interprétée strictement. Il revient en conséquence à l’administration d’apprécier concrètement, compte tenu des circonstances de l’espèce, si le volume et le contenu du grand livre de comptes demandé justifient la suppression de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables. Ce n’est ainsi qu’au cas par cas qu'une telle disjonction pourra être réalisée.
La commission émet dès lors un avis favorable, sous ces réserves, à la communication du compte de gestion mentionné au point 3), des états mentionnés aux points 4) et 5) ainsi qu’au grand livre comptable mentionné au point 8).
Pour ce qui concerne enfin le point 7) de la demande, la commission relève que l’article 1er du décret n° 2015-1899 du 30 décembre 2015 prévoyait que les collectivités territoriales pouvaient adopter le cadre budgétaire et comptable dit « référentiel M57 » par délibération de leur assemblée délibérante, après avis du comptable public joint au projet de délibération.
La commission estime par suite que cet avis est communicable à tout personne qui en fait la demande sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales.
Elle émet donc un avis favorable sur ce point de la demande.