Avis 20233124 Séance du 06/07/2023
Maître X, conseil de la commune de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 mai 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des finances publiques à sa demande de communication des éléments chiffrés ayant conduit à la détermination des nouvelles bases d’imposition de l’établissement industriel X.
La commission relève à titre liminaire, qu’à la suite de l’annonce d’une baisse des recettes à percevoir au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties, le maire de X a demandé au directeur général des finances publiques la communication des éléments détaillés ayant permis de déterminer l’assiette de cette taxe dont est redevable une entreprise implantée sur son territoire.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des finances publiques a maintenu son refus de communication, en faisant valoir que les éléments demandés étaient couverts par le secret professionnel en matière fiscale, auquel l’article L103 du livre des procédures fiscales soumet « toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts » et qui « s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations ».
En premier lieu, la commission rappelle que l’article L135 B du livre des procédures fiscales, qu'elle est compétente pour interpréter en vertu de l'article L342-2 du code des relations entre le public et l'administration, dispose que l’administration fiscale est tenue de transmettre, chaque année, aux collectivités locales et à leurs groupements dotés d’une fiscalité propre : « a) Les rôles généraux des impôts directs locaux comportant les impositions émises à leur profit et, à leur demande, les montants des rôles supplémentaires lorsqu'ils sont d'un montant supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé du budget ainsi que, si la collectivité ou l'établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre en fait la demande complémentaire, des renseignements individuels figurant sur le rôle supplémentaire et nécessaires à l'appréciation des montants figurant sur ce rôle, à l'exclusion des informations tenant à l'origine des rectifications opérées / a bis) Le montant par impôt et par redevable des impôts directs non recouvrés par voie de rôle perçus à leur profit, ainsi que l'ensemble des informations déclarées par le redevable intervenant dans le calcul du montant, notamment les effectifs salariés ; / b) Le montant total, pour chaque impôt perçu à leur profit, des dégrèvements dont les contribuables de la collectivité ont bénéficié, à l'exception de ceux accordés en application de l'article L190. (...) ».
La commission souligne que le droit à communication organisé par cet article au bénéfice des collectivités territoriales et de leurs groupements dotés d’une fiscalité propre, en dérogation au secret professionnel en matière fiscale, ne peut s’exercer qu’à l’égard des seules informations qui y sont énumérées.
Elle relève enfin que, selon le bulletin officiel des finances publiques-impôts, chaque article de rôle comprend l'identification du contribuable (nom, prénom, adresse, identifiant fiscal), la référence de l'imposition, le montant de chaque impôt et taxe annexe recouvrée en même temps, les frais de gestion perçus au profit de l'État, les dégrèvements et abattements éventuels calculés lors de l'émission de l'impôt ainsi que le montant à payer.
En l’espèce, la commission comprend que la diminution du montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties due par l’entreprise concernée résulte de l’exclusion du champ de cette taxe de biens considérés comme des « outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel » au sens du 11° de l’article 1382 du code général des impôts, tel qu’interprété par le Conseil d’Etat dans sa décision du 11 décembre 2020 n°422418.
La commission constate que l’article L135 B du livre des procédures fiscales ne prévoit pas la communication aux collectivités territoriales des exonérations dont a bénéficié le contribuable, ni généralement de tous les éléments ayant permis de déterminer l’assiette de l’impôt. La commission considère par suite que le maire de X ne peut pas utilement se prévaloir de l’article L135 B du livre des procédures fiscales pour obtenir communication des informations qu'il demande.
En second lieu, la commission rappelle, d’une part, que selon le I de l'article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : « Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration (…), les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public. / Les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute administration mentionnée audit premier alinéa de l'article L300-2 qui le souhaite à des fins d'accomplissement de missions de service public autres que celle pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus ».
Dans son avis du 22 juin 2023, n° 20232664, la commission a estimé que les documents permettant de vérifier l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties due par un contribuable communal pouvaient être regardés comme étant demandés par la commune pour l’accomplissement de sa mission de service public, au sens de cet article.
Toutefois, la commission précise, d’autre part, que le droit de communication dont bénéficient les administrations sur le fondement de l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016 s’exerce dans le respect des secrets protégés par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration.
Elle rappelle qu’au nombre des secrets protégés par la loi visés au h) du 2° de l'article L311-5 de ce code, figure le secret professionnel en matière fiscale organisé par l’article L103 du livre des procédures fiscales. A cet égard, la commission estime que les informations concernant un contribuable recueillies dans le cadre de leur mission d'établissement de l'assiette de l'impôt par les agents de la direction générale des finances publiques, sont couvertes par le secret professionnel qui s'impose à eux en application de l'article L103 du livre des procédures fiscales. Ces informations ne sont, dès lors, pas communicables aux tiers en l’absence d’accord exprès de la part du contribuable intéressé, en dehors de l’hypothèse où le tiers serait débiteur solidaire de cet impôt.
En l’espèce, la commission estime que les éléments détaillés ayant permis de déterminer l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties du contribuable concerné s'inscrivent dans le cadre des missions relatives à l'établissement et au contrôle de l'impôt des agents de la direction générale des finances publiques. Ces informations sont par suite couvertes par le secret professionnel qui s'impose à eux en application de l'article L103 du livre des procédures fiscales et ne sont dès lors pas communicables à un tiers.
La commission émet, par conséquent, un avis défavorable à la demande.