Avis 20233045 Séance du 20/07/2023
Monsieur X, intervenant au nom et pour le compte de Madame X X, a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, par un courrier enregistré à son secrétariat le 20 mai 2023, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes à sa demande de communication d'une copie, par courrier postal, de l'intégralité de son dossier comprenant tous les documents ayant servi à l'évaluation de sa dernière demande de révision des droits à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) tels que :
1) les grilles AGGIR ;
2) l'évaluation médicale ;
3) l'évaluation de l'infirmière ;
4) tout documents la concernant.
La commission précise, en premier lieu, que le dossier d'allocation personnalisée d'autonomie comporte des documents contenant des informations médicales, et en particulier l'évaluation faite par les services du conseil général de l'état de dépendance du demandeur, ainsi que des documents administratifs (formulaire de demande d'allocation, décision d'attribution de l'APA, copies de pièces d'identité, copies d'avis d'imposition, bulletins d'admission en établissements, courriers divers concernant la situation sociale du bénéficiaire, factures diverses...) .
Elle rappelle, ensuite, que l'article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît le droit à toute personne d'accéder aux informations concernant sa santé, détenues par des professionnels ou des établissements de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. En vertu du même article et du dernier alinéa de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ces informations sont communiquées au demandeur, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet.
La commission estime que l'ensemble des pièces du dossier APA est en principe librement communicable à l'intéressé, c'est-à-dire au bénéficiaire de l'allocation ou à la personne qu’il a dûment mandatée, en application des dispositions précitées.
En l'espèce, la commission relève que l'ATIAM, mandataire judiciaire à la protection des majeur, a été désignée en qualité de tuteur chargée de représenter et d'administrer les biens et la personne de Madame X.
Elle rappelle, à cet égard, en second lieu, que le régime juridique de la curatelle et de la tutelle est défini par la section 4 du chapitre II du titre XI du Livre 1er du code civil.
Aux termes de l’article 425 du code civil : « Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique (…). S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions ». En application de l’article 440 de ce code, la tutelle, mesure de protection judiciaire la plus contraignante, est réservée aux personnes qui, pour l’une des causes énumérées à l’article 425, doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile.
La commission précise, en outre, que le premier alinéa de l’article 459 du code civil reconnaît toutefois à la personne protégée le droit de prendre seule les décisions relatives à sa personne, dans la mesure où son état le permet. Elle estime que l’accès au dossier médical est au nombre de ces mesures. L’alinéa suivant précise que lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Si cette mesure d’assistance est insuffisante, le juge ou le conseil de famille peut, le cas échéant après le prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser la personne chargée de cette habilitation ou de cette mesure à représenter l'intéressé. La commission relève enfin que l’article 459-1 du code civil prévoit que l'application des dispositions de ce code consacrées aux effets de la tutelle et de la curatelle ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique.
La commission précise, ensuite, que l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative aux actes médicaux prodigués aux majeurs protégés, prise en application de la loi de programmation de la justice (n° 2019-222 du 23 mars 2019), applicable depuis le 1er octobre 2020, a harmonisé les dispositions spécifiques du code de la santé publique avec les mécanismes de décisions applicables à la protection juridique des majeurs, issus du code civil. Il ressort des travaux préparatoires ayant précédé l’adoption de ce texte et plus précisément de son exposé des motifs que : « L’objectif est de préciser le rôle de la personne chargée de la protection et le cas échéant du juge des tutelles, et de renforcer la protection de la personne protégée ainsi que le respect de son autonomie dans la sphère personnelle s’agissant plus particulièrement des décisions en lien avec un acte médical ». Ce texte a modifié les dispositions du code de la santé publique afin de les harmoniser avec celles du code civil.
Ainsi, l’article L1111-2 du code de la santé publique, qui prévoyait jusqu’alors que les droits des majeurs sous tutelle étaient exercés par le tuteur, pose désormais clairement le principe d’une information médicale directement délivrée au majeur protégé d'une manière adaptée à ses capacités de compréhension, ainsi qu’à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. L’article L1111-4 prévoit, quant à lui, que le consentement au soin doit être obtenu en première intention auprès de la personne majeure protégée, si elle est apte à exprimer sa volonté, au besoin avec l'assistance de la personne chargée de sa protection. Ce n’est que lorsque cette condition n'est pas remplie, qu’il appartient à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne de donner son autorisation, en tenant compte de l'avis exprimé par la personne protégée.
La commission rappelle, enfin, que le premier alinéa de l'article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît le droit à toute personne d'accéder aux informations concernant sa santé, détenues par des professionnels ou des établissements de santé, « directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne ». Elle relève que le deuxième alinéa, dans sa rédaction en vigueur issue de l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020, dispose en outre que : « Lorsque la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, la personne en charge de la mesure a accès à ces informations dans les mêmes conditions ». La commission déduit de la lettre de la loi, éclairée par les travaux parlementaires de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, laquelle a élargi à la personne en charge de l'exercice de la mesure de protection la possibilité d’accéder au dossier médical du patient protégé, que l’accès au dossier médical du patient protégé placé sous tutelle n’est pas un droit exclusif de la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. Elle relève, par ailleurs, que l’article R1111-1 dresse, sans ordre de priorité particulier, la liste des personnes pouvant accéder aux informations à caractère médical d'une personne en vie, au nombre desquelles figurent notamment le patient lui-même et la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne si le majeur protégé y consent expressément.
La commission déduit de l’économie de ces dispositions que si son état le permet, et sous réserve de mentions contraires figurant dans le jugement de tutelle, l’accès au dossier APA s’exerce de plein droit par le majeur protégé sous tutelle, d’une manière adaptée à sa capacité de compréhension, sans qu’il ne soit nécessaire de recueillir l’accord de la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne.
La commission, qui a pris connaissance du jugement de tutelle, relève en l'espèce que ce dernier ne comporte aucune mention en ce sens. Elle estime, par suite, que les documents demandés sont communicables à l’intéressée, ou à Monsieur X, dûment mandaté, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
Elle émet par suite un avis favorable à la demande.