Avis 20232881 Séance du 22/06/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 mai 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Savigny-sur-Orge à sa demande de communication, en sa qualité de conseiller municipal, des documents suivants, si nécessaire après occultation préalable de mentions atteignant à la protection des secrets, relatifs à l’appel à projet d’urbanisme transitoire d’urbanisme commercial à Grand-Vaux :
1) la liste des candidats ayant postulé ;
2) la liste des candidats auditionnés par le jury d’attribution ;
3) le rapport d’analyse des candidatures ;
4) le compte rendu d’instruction ;
5) le rapport de présentation du déroulement de la procédure ;
6) la méthode de notation et de classement utilisée ;
7) le procès-verbal de la réunion du jury d’attribution ;
8) les échanges avec les candidats (questions, réponses, régularisations...) ;
9) les courriers de notification des résultats de l’appel à projet.
La commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.
En l'absence de réponse du maire de Savigny-sur-Orge à la date de sa séance, la commission relève que l’appel à projet n’est pas une procédure formalisée définie et encadrée par le législateur ou le pouvoir réglementaire à l’instar des contrats de la commande publique, mais une procédure de consultation préparatoire définie par la collectivité publique dans le but de sélectionner différents projets préalablement à la vente d'un bien immobilier, à la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public ou de subventionnement, ou encore à l’attribution d'une aide publique.
Elle rappelle également sa position constante selon laquelle (conseil n° 20120845 du 8 mars 2012, avis n° 20160417 du 3 mars 2016) le droit de communication, dont bénéficient tant les candidats non retenus que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s’exercer dans le respect notamment du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Sont notamment visées par cette réserve, les mentions relatives aux moyens techniques et humains, aux rapports d’évaluation, au chiffre d’affaires, aux bilans financiers et aux coordonnées bancaires du candidat. Lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents administratifs, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
La commission relève que, par sa décision du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), le Conseil d’État a estimé que la communication du prix détaillé de l'offre de l'attributaire, en ce qu’il reflète la stratégie commerciale de l’entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et qu’il est susceptible, ainsi, de porter atteinte au secret commercial, n’est, en principe, pas communicable.
Elle relève également que, lorsqu’un contrat, est assorti du versement d’un prix, seule l’expression d’un besoin précis traduisant la volonté d’acheter une prestation, et donc l’ampleur des spécifications, permet de différencier un simple contrat d’un marché public au sens de l’article L1111-1 du code de la commande publique. Il y a lieu, par suite, de transposer la solution dégagée par le Conseil d’État à de telles hypothèses. Aussi, la commission précise que l’offre de prix détaillée de l'organisme retenu n’est pas communicable aux tiers dans une hypothèse où l’appel à projet s’accompagne du versement d’un prix au sens de l’article L1111-1 susmentionné. Elle en déduit, par suite, que seules les orientations générales définies par les candidats, qu’ils soient ou non retenus, pour répondre aux exigences du cahier des charges sont communicables.
La commission relève également qu'elle a précisé dans son avis de partie II n° 20221510 du 12 mai 2022, que la méthode de notation des offres utilisée par le pouvoir adjudicateur est librement et immédiatement communicable dès lors qu’elle figure dans le dossier de consultation des entreprises. En revanche, lorsque cette dernière n’a pas entendu en informer les candidats dans le cadre de la procédure de consultation, comme l’y autorise la jurisprudence administrative (CE, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, n° 334279 ; CE, 21 mai 2010, Commune d’Ajaccio, n° 333737), la méthode de notation utilisée ne deviendra communicable qu’une fois le marché signé. Ce document, s’il comporte une information générale telle qu’une formule mathématique ou une échelle de notation, sera alors librement communicable à toute personne en faisant la demande. La commission considère en revanche que dans l’hypothèse où la réunion des informations relatives aux éléments permettant d'apprécier les critères et à la méthode de notation de ces mêmes critères permettrait, par recoupement, de déterminer directement, à partir de l'offre globale de l'ensemble des candidats, la note et le classement obtenus par les candidats non retenus, la communication de la méthode de notation à des tiers aurait pour effet de révéler la stratégie commerciale de ces derniers et partant, porterait atteinte au secret des affaires.
Enfin, comme elle l’a fait dans son avis de partie II n° 20221914 du 12 mai 2022, la commission considère que les échanges intervenant dans le cadre de négociations, dans la mesure où ils ont pour objet d’éclairer le pouvoir adjudicateur sur les éléments techniques et financiers de l’offre remise par le candidat ou de faire évoluer ces éléments, révèlent, par nature, la stratégie commerciale de l’entreprise concernée et, à ce titre, sont entièrement couverts par le secret des affaires (avis n° 20122602 du 26 juillet 2012). Ces documents ne sont, par conséquent, pas communicables. Elle estime en revanche que le rapport sur les échanges avec les candidats lors des échanges et les questions posées, à condition qu’ils se bornent à décrire la procédure de négociation et son organisation (durée, dates, personnes présentes, etc.) sans pour autant révéler le contenu des échanges intervenus ni aucun détail technique ou financier d’une offre particulière, sont librement communicables à toute personne en faisant la demande.
La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont pour leur part librement communicables.
En application de ces principes, la commission estime que les documents administratifs sollicités aux points 1), 2), et 5) sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sans réserve. Elle émet, dès lors, un avis favorable sur ces trois points.
Elle émet également un avis favorable à la communication du surplus des documents demandés, s'ils existent, sous la réserve tenant au secret des affaires appréciée dans les conditions rappelées ci-dessus.