Avis 20232832 Séance du 22/06/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 7 avril 2023, à la suite du refus opposé par le président de la Société d'aménagement Grenoble Espace Sud à sa demande de communication des documents suivants :
1) le projet d’aménagement de l’avenue Washington (partie Sud) ;
2) pour cette partie Sud, s'ils existent, les marchés ainsi que la délibération du conseil d’administration les autorisant ;
3) l’avenant prolongeant en 2023 la concession d’aménagement .
En l'absence de réponse de la Société d'aménagement Grenoble Espace Sud à la date de sa séance, la commission rappelle, à titre liminaire, qu’eu égard au caractère entièrement public de leur capital, aux missions qui leur sont confiées, au contrôle exercé par l’administration et à leurs conditions de fonctionnement, les sociétés publiques locales (SPL), sociétés anonymes de droit commercial, avec lesquelles les collectivités territoriales et les groupements de collectivités territoriales qui en sont membres peuvent en application de l’article L1531-1 du code général des collectivités territoriales, conclure des contrats sans mise en concurrence préalable, pour la réalisation d’opérations d'aménagement au sens de l'article L300-1 du code de l'urbanisme, d’opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général, doivent être regardées comme chargées d’une mission de service public au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle précise toutefois que les documents qu'elles élaborent ou détiennent ne constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration que si leur objet les rattache directement à l'exécution de la mission de service public qui lui a été confiée.
En l’espèce, en l’état des informations dont elle dispose, la commission comprend que les documents sollicités sont relatifs à une opération d’aménagement mise en œuvre par la Société d'aménagement Grenoble Espace Sud dans le cadre d’une concession d’aménagement de la mairie de Grenoble. La commission considère par suite que ces documents se rattachent à la mission de service public de la SAGES et présentent un caractère administratif.
S’agissant du point 1) de la demande, la commission estime que le projet d’aménagement, sous réserve qu’il soit achevé et ne revête pas un caractère préparatoire, est un document communicable à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet dès lors un avis favorable sur ce point.
S'agissant ensuite des documents relatifs aux marchés sollicités au point 2), la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
La commission émet par suite un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 2), s'ils existent, et sous les réserves qui viennent d'être énoncées.
S'agissant enfin de l'avenant demandé au point 3), la commission rappelle qu'aux termes de l'article L300-4 du code de l'urbanisme : « L’État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation (…) ». Elle note qu’à l’exclusion des concessions d’aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services et qui réalise l’essentiel de ses activités avec lui ou, le cas échéant, avec les autres personnes publiques qui le contrôlent, les concessions d’aménagement sont passées après recours à la publicité et à la mise en concurrence en application des dispositions de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et présentent le caractère de document administratif.
Une fois signée, la convention d’aménagement et l’ensemble des documents qui s’y rapportent deviennent communicables à toute personne qui en fait la demande auprès de l’autorité concédante ou de toute autre autorité administrative les détenant. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues, dans l’hypothèse où il a été procédé à une mise en concurrence, que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission émet donc un avis favorable au point 3) de la demande, sous réserve, le cas échéant, de la disjonction des pièces ou de l'occultation des mentions protégées par le secret des affaires.