Avis 20232828 Séance du 22/06/2023
Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 mai 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à sa demande de communication des documents suivants relatifs au marché public sur l'identification des carnivores domestiques :
1) les documents de la consultation ;
a) l'avis d'appel public à la concurrence ;
b) les cahiers des clauses administratives et techniques particulières (CCAP et CCTP) : le règlement de la consultation, les plans et autres documents annexes mis à la disposition des candidats, le bordereau de prix unitaire « vierge » (non complété par les candidats) ;
c) l'avis d'attribution ;
2) les documents établis par le pouvoir adjudicateur après remise des candidatures ou des offres :
a) la liste des candidats admis à présenter une offre ;
b) le rapport de présentation du marché ;
c) le procès-verbal d’ouverture des plis, des candidatures ou des offres ;
d) le rapport d’analyse des offres, éléments de notation et de classement ;
e) la méthode de notation utilisée ;
f) les échanges avec les candidats lors de l'éventuelle négociation, questions posées et réponses, régularisations... ;
g) la lettre de notification du marché ;
3) la candidature et l'offre de l'attributaire :
a) la lettre de candidature (DC1 ou DC2) ;
b) le dossier de candidature ;
c) l'état annuel des certificats reçus ;
d) l'offre de prix globale ;
e) les marques et produits proposés dans son offre par le candidat retenu ;
f) l'acte d’engagement et ses annexes ;
4) les dossiers des entreprises non retenues :
a) l'offre de prix globale ;
5) les pièces relatives à l'exécution du marché public :
a) les bons de commande et factures ;
b) les ordres de service ;
c) le procès-verbal de réception ;
d) le décompte final, décompte global et définitif ;
e) le calendrier d'exécution ;
f) les avenants ;
g) l'acte de sous-traitance, formulaire DC4 ;
h) les pièces justificatives à l'appui du règlement financier ;
6) les procès verbaux et compte-rendu de cette commission ;
7) les pièces administratives qui permettent d'assurer le contrôle :
a) le compte d'exploitation de la mission disponible le 30 mars de l'année N+1 depuis la signature de ladite convention, notamment le dernier procès-verbal en date ;
b) le compte d'exploitation prévisionnel délivré le 15 décembre de l'année N-1 depuis la signature de ladite convention, notamment le dernier procès-verbal en date ;
c) le rapport du commissaire aux comptes de l'organisme depuis la signature de ladite convention : notamment le dernier procès-verbal en date ;
d) la comptabilité analytique du gestionnaire du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques détaillée par action ainsi que les balances générales des charges d'exploitation affectées à la mission depuis la signature de ladite convention, notamment le dernier procès-verbal en date ;
e) le tableau de bord relatif au fonctionnement et à l'utilisation du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques depuis la signature de ladite convention, notamment le dernier procès-verbal en date ;
f) les indicateurs techniques et financiers depuis la signature de ladite convention, notamment le dernier procès-verbal en date ;
g) le fichier d'inventaire et notamment la liste des biens acquis par le gestionnaire du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques nécessaires, voire indispensables au fonctionnement fichier depuis la signature de ladite convention, notamment le dernier procès-verbal en date ;
h) l'état des provisions, des immobilisations et des amortissements par type depuis la signature de ladite convention, notamment le dernier procès-verbal en date ;
e) le résultat des audits techniques et comptables externes depuis la signature de ladite convention, notamment le dernier procès-verbal en date ;
8) une copie du rapport d'audit commandé auprès du CGAAER par le ministère de l'agriculture sur l'action de l'ICAD.
La commission, qui a pris connaissance de la réponse du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers.
Dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, la commission a par ailleurs considéré que les factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public n’étaient également communicables aux tiers qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise aussi que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
En l'espèce, la Commission estime que les documents mentionnés aux points 1) à 4), ainsi que ceux visés au point 5) qui se rapportent à l'exécution du marché, sont communicables au demandeur en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous la réserve tenant au secret des affaires.
La Commission, qui n'a pu consulter les documents demandés, émet sous ces réserves et après occultation des éléments susmentionnés, un avis favorable sur ces points, et prend note de l'intention prochaine du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de procéder à la communication de ces documents préalablement occultés des mentions protégées.
En deuxième lieu, la Commission relève que l'I-CAD est un organisme privé chargé d'une mission de service public par l'arrêté du 17 décembre 2012 agréant le gestionnaire du fichier national d'identification des carnivores domestiques et qu'en conséquence, les documents produits ou reçus, dans le cadre de cette mission, constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, communicables dans les conditions prévues par le livre III de ce code sous les réserves qu'il prévoit.
La Commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur le point f) du 7) de la demande, qui porte en réalité sur des renseignements.
Elle considère, ensuite, elle estime que les documents visés aux points c), d), g) et h) du point 7) ne présentent pas de lien suffisamment direct avec la mission de service public dont est investie I-CAD, et ne présentent donc pas le caractère de documents administratifs au sens des dispositions de l'article L300-2 précité. Elle émet donc un avis défavorable sur ces points.
Enfin, elle estime que le document mentionné au point 6) et les autres documents sollicités au point 7), qui sont en lien avec la mission de service public de l'I-CAD, constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet donc un avis favorable les concernant.
En dernier lieu, s'agissant du point 8), la commission relève qu'aux termes du décret n° 2022-1637 du 23 décembre 2022 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux : « Le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux participe, sous l'autorité du ministre chargé de l'agriculture qui le préside, à la conception, à la définition, au suivi de la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques publiques dont le ministère chargé de l'agriculture a la charge ou auxquelles il contribue. A ce titre, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux exerce des missions d'inspection, de contrôle et d'évaluation ainsi que des missions de conseil, d'appui, d'audit, d'enquête et d'expertise prévues par l'article 8 du décret du 9 mars 2022 susvisé. (...) ».
La commission estime que ce rapport, dès lors qu’il ne revêt plus un caractère préparatoire, est communicable à toute personne qui en fait la demande, sous réserves de l'occultation des éventuelles mentions protégées par les articles L311-5 et L311-6, tenant notamment à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations, au respect de la vie privée ou à la préservation d'un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur.
La commission émet, sous ces réserves, un avis favorable sur ce point.