Avis 20232615 Séance du 01/06/2023

Maître X, conseil de Madame X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 28 avril 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à sa demande de consultation du dossier de demande de réintégration à la nationalité française enregistré le 4 mars 1981 par Monsieur X né le 30 janvier 1911 à Akbou en Algérie et père de sa cliente sous le numéro X. La commission rappelle qu’un dossier relatif à l’acquisition ou à la réintégration dans la nationalité française constitue un document administratif qui ne peut être communiqué, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, qu'à l'intéressé, c'est-à-dire, à la personne concernée ainsi qu'aux ayants droit qui peuvent se prévaloir d'une qualité leur permettant d'être regardés comme étant eux-mêmes directement concernés (CE, 17 avril 2013, n°337194), notamment se prévaloir d'un droit à raison du document donc la communication est sollicitée. La commission rappelle également que les documents protégés par le secret de la vie privée deviennent librement communicables à l'expiration du délai de cinquante ans fixé au 3° de l'article L213-2 du code du patrimoine. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre de l'intérieur a informé la commission qu'il maintenait son refus au motif que Madame X ne présente pas à l'égard du dossier de son père la qualité de personne intéressée, au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. En l'espèce, la commission relève que Monsieur X est décédé et que la demande de communication est présentée par le conseil de sa fille, qui a justifié de sa qualité d'ayant droit de ce dernier. Elle relève, toutefois, que la demande ne comporte pas de précision suffisante sur le motif légitime susceptible de justifier la communication au conseil de sa fille du dossier sollicité. Elle émet donc, en l'état, un avis défavorable à la demande d'accès présentée sur le fondement du CRPA. La commission comprend toutefois des pièces du dossier que la demande de Maître X est également présentée sur le fondement des dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine. Elle rappelle qu’en application du 3° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la communication porte atteinte au secret de la vie privée, ainsi que ceux qui font apparaître le comportement d’une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice, sont couverts par un délai de communication de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. Ce délai de protection trouve en l’espèce à s'appliquer. La commission précise, en outre, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents. La commission précise, à cet égard, que l’article L213-3 du code du patrimoine a précisément pour but de permettre aux tiers d’accéder aux documents non librement communicables. Elle rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une consultation anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine constante (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, la commission estime que la consultation du dossier de demande de réintégration dans la nationalité française de Monsieur X par sa fille, par anticipation aux délais légaux de communicabilité, n’est pas de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet, dès lors, un avis favorable à la demande, en tant que celle-ci est présentée sur le fondement des dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine.