Avis 20232614 Séance du 01/06/2023
Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 28 avril 2023, à la suite du refus opposé par le maire d'Oberhausbergen à sa demande de communication des documents suivants dans le cadre du litige opposant ses clients à leurs voisins concernant divers travaux effectués par ces derniers sans autorisation d'urbanisme (modification de la façade de leur immeuble, construction d'une terrasse avec piscine) :
1) le procès-verbal de constatation des travaux conformément à l'article L480-1 du code de l'urbanisme ;
2) le courrier préalable à la mise en demeure exigée par l'article L481-1 code de l'urbanisme ;
3) l'arrêté de mise en demeure assorti éventuellement d'une astreinte administrative ou d'une consignation ;
4) le procès-verbal constatant l'infraction au code de l'urbanisme ;
5) l'éventuel arrêté interruptif de travaux communiqué au procureur de la République avant la fin de l'achèvement de ces derniers ;
6) en cas d'achèvement des travaux, la plainte que la mairie d'Oberhausbergen a pu déposer entre les mains du parquet près le tribunal judiciaire de Strasbourg.
La commission rappelle que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, X, n°102627, aux T. p. 948), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est à dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, X et CE, 28 avril 1993, X, n°117480, T. p. 782).
La commission précise qu'en application de l'article L480-1 du code de l'urbanisme, les infractions aux règles d'urbanisme sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Ce même article prévoit en outre que ces procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, sont transmis sans délai au ministère public. Elle estime, dans ces conditions, que les procès-verbaux d'infraction aux règles d'urbanisme, de même que les lettres par lesquelles les autorités administratives les transmettent au procureur de la République, revêtent un caractère judiciaire et sont, comme tels, exclus du champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration.
Par suite, la commission se déclare incompétente pour se prononcer sur les points 1), 4) et 6) de la demande, qui portent sur des documents revêtant un caractère judiciaire.
La commission estime que les documents sollicités aux points 2), 3) et 5) sont des documents administratifs, dès lors ils n’ont pas été établis en vue de la saisine de l’autorité judiciaire. Elle précise que la seule circonstance qu'un document administratif se rapporte de près ou de loin a une procédure en cours devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou administratif ne saurait par elle-même faire obstacle à sa communication sur le fondement du droit d'accès aux documents administratifs, et ce même s’il a été transmis à l’autorité judiciaire (CE 20 avr. 2005, X, req. no265308 , inédit. – CE5 mai 2008, X, req. no309518 , Lebon 177). Ce n’est, en effet, que dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de l'autorité judiciaire ou de la juridiction (CE, 21 octobre 2016 n° 380504) que la communication d'un document administratif peut être refusée en application du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ce qui ne paraît pas être le cas en l'espèce.
La commission rappelle également qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. Elle précise toutefois que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE 10 mars 2010, n°303814, commune de Sète ; conseil n°20121509 du 19 avril 2012 et conseil n°20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n°20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n°20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n°449620). En l'espèce, la commission estime que la communication à des tiers des arrêtés mentionnés aux points 3) et 5) porterait atteinte au secret de la vie privée. Elle émet dès lors un avis défavorable sur ces deux points.
La commission considère enfin que le courrier mentionné au point 2) n'est également pas communicable aux tiers en ce que sa divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la vie privée et de révéler, eu égard à son objet, un comportement pouvant nuire aux personnes concernées. Elle émet en conséquence un avis défavorable sur ce point, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.