Avis 20232363 Séance du 01/06/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 avril 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Quernes à sa demande de communication d'une copie, par voie postale ou, à défaut par courriel, des documents, concernant Madame X :
1) son contrat de travail de secrétaire de mairie ;
2) sa fiche emploi ;
3) sa fiche de paie du mois de décembre 2022.
La commission, qui a pris connaissance de la réponse du maire de Quernes, rappelle à titre liminaire, que l'accès aux documents administratifs n'est en principe subordonné à aucune exigence d'intérêt pour agir, sauf exceptions limitativement définies par la loi (CE 21 juill. 1989, Lebon T. 687).
La commission rappelle ensuite que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime.
En premier lieu, la commission estime traditionnellement que la fiche de poste d'un agent public est un document administratif librement communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Elle émet donc un avis favorable au point 2) de la demande.
En deuxième lieu, le contrat de travail d'un agent public est également communicable à toute personne qui en fait la demande, sous réserve que soient occultées les mentions intéressant la vie privée ou susceptibles de révéler l'appréciation portée sur l'agent, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Doivent en particulier être occultés, sur ce fondement, les éléments relatifs à sa situation personnelle (date de naissance, adresse privée, situation de famille, horaires de travail), ainsi que les éléments individualisés de la rémunération liés soit à la situation familiale et personnelle de l’agent en cause (supplément familial), soit à l’appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement). Il en serait de même, dans le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l’appréciation ou du jugement de valeur porté sur l’agent. La commission souligne également que le Conseil d’État (CE, 24 avril 2013, n° 343024 et CE, 26 mai 2014, n° 342339) a précisé que lorsque la rémunération qui figure dans le contrat de travail d'un agent public résulte de l'application des règles régissant l'emploi concerné, sa communication à un tiers n'est pas susceptible de révéler sur la personne recrutée une appréciation ou un jugement de valeur, au sens des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et les administrations, mais qu'en revanche, lorsqu'elle est arrêtée d'un commun accord entre les parties sans référence à des règles la déterminant, la rémunération révèle nécessairement une telle appréciation ou un tel jugement de valeur.
La commission estime, en troisième lieu, s'agissant des bulletins de paye, que les composantes fixes de la rémunération (par exemple, l'indice du traitement, la nouvelle bonification indiciaire ou encore les indemnités de sujétion) figurant sur les bulletins de paye sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande. Doivent en revanche être occultés, en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, les éléments y figurant qui seraient liés, soit à la situation familiale et personnelle de l'agent en cause (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement) ou encore de celles relatives aux horaires de travail, aux indemnités et heures supplémentaires. Il en serait de même, dans le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. En outre, dans le cas où le montant total de la rémunération doit être occulté, les rubriques de paye qui permettraient, par une opération simple, de reconstituer ce montant, telles que les montants de cotisations sociales ou les cumuls de paie, doivent également faire l'objet d'une occultation. Les mentions intéressant la vie privée des agents (date de naissance, adresse personnelle, situation familiale, numéro de sécurité sociale, dates de congés, etc.) doivent également être occultées en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
Dans son avis de partie II, n° 20210741, du 11 février 2021, la commission a par ailleurs fait évoluer sa position en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procèderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée.
Enfin, s'agissant des mentions supplémentaires présentes sur le bulletin de paye des agents publics depuis l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la commission estime que la mention du taux d'imposition, qui apparaît soit comme un taux personnalisé soit comme un taux « neutre », est susceptible, d'une part, de permettre la révélation d'informations liées à la situation personnelle et familiale de l'agent concerné, notamment par le biais de croisement de ces informations avec d'autres éléments disponibles. D'autre part, le taux d'imposition constitue une information propre à la situation fiscale de l'agent qui relève du champ d'application de l'article L103 du livre des procédures fiscales, dispositions particulières dérogeant au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, et de la vie privée.
En l'espèce, en application de ces principes, la commission émet un avis favorable à la communication des documents sollicités aux points 14) et 3) de la demande, sous les réserves précitées.
En quatrième lieu, la commission relève que le maire de Quernes lui a indiqué qu’il s'interroge sur le caractère abusif de cette demande. Toutefois, ainsi que la commission l'a déjà indiqué dans son avis n°20180557, toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne de présenter plusieurs demandes à la même autorité publique ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. En l'espèce, il ne lui est pas apparu, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, que cette demande présenterait un caractère abusif. Elle prend toutefois note des nombreuses demandes que le demandeur a adressées à l'administration et invite celui-ci à faire preuve de discernement et de modération dans l'usage qu'il fait du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
En cinquième et dernier lieu, la commission rappelle que, de manière générale, les informations figurant dans des documents administratifs qui sont communicables ou ont fait l’objet d’une diffusion publique, constituent des informations publiques au sens de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, sauf lorsque des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle sur elles. Ces informations publiques peuvent alors être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été élaborés ou sont détenus, sous réserve des dispositions du chapitre II de la même loi. En particulier, lorsqu’elles comportent des données à caractère personnel, l’article 13 de cette loi subordonne leur réutilisation au respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Les informations publiques ne peuvent également alors faire l’objet d’une réutilisation que si la personne intéressée y a consenti ou si l’autorité détentrice est en mesure de rendre ces informations anonymes ou, encore, si une disposition législative ou règlementaire le permet.