Avis 20232280 Séance du 01/06/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 avril 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines et de l'architecture à sa demande de copie intégrale du dossier de procédure de protection de sa défunte mère, majeur sous tutelle, décédée le 5 mai 2022, conservé au tribunal judiciaire d'Aix-En-Provence et, dont une autorisation de consultation lui a été accordée par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, notamment :
1) le certificat médical circonstancié du docteur X en date du 10 octobre 2020 établi à la demande du parquet ;
2) le certificat médical circonstancié établi à la demande de la SHM (association tutélaire) pour un placement sous tutelle en 2022.
La commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code.
La commission précise ensuite qu’en application du c) du 4° de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions deviennent librement communicables à l'issue d'un délai de 75 ans après la date du document le plus récent inclus dans le dossier ou 25 ans après le décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus court. En outre, le 3° du même article prévoit que les documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée deviennent librement communicables à l’issue d’un délai de 50 ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. Enfin, en vertu du 2° de cet article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la communication porterait atteinte au secret médical deviennent librement communicables à l’issue d’un délai de 25 ans à compter de la date du décès de l’intéressé.
Madame Xépouse X étant décédée en 2022, le dossier de protection la concernant ne deviendra librement communicable en intégralité qu'en 2073.
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et l’architecture a indiqué à la commission que son refus était justifié par le fait que le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, dont l'avis est requis par l'article L213-3 du code du patrimoine, lui a notifié son opposition à ce que la délivrance d'une copie du dossier de protection de Madame Xépouse X puisse être accordée, au titre de la protection de la vie privée des personnes. Tenu par les dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine, il ne pouvait donc qu'opposer un refus à cette demande.
La commission observe toutefois, d'une part, que le conseil de Monsieur X a été autorisé à consulter, par anticipation aux délais légaux de libre communicabilité, le dossier de protection de sa mère, mais n’a pas été autorisé à en prendre reproduction. Elle constate par ailleurs que Monsieur X fait valoir sa qualité d’ayant droit de sa mère et soutient qu’il lui est nécessaire d’obtenir copie de pièces du dossier de tutelle afin de faire valoir ses droits en justice. La commission relève enfin qu’il s'est engagé par écrit à ne pas porter atteinte aux secrets que la loi a entendu protéger.
D’autre part, aucune précision n’a été apportée à la commission quant à la présence de documents qui relèveraient de la protection de la vie privée de tiers autres que la mère de Madame X.
Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, la commission estime par suite que la délivrance de copies de tout ou partie du dossier de tutelle sollicitée ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.
Elle émet donc un avis favorable.