Conseil 20232246 Séance du 11/05/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 11 mai 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable à une ancienne requérante de l’ensemble des mémoires produits en son nom par son avocat devant la cour administrative d'appel de Bordeaux dans une affaire jugée. A titre liminaire, la commission vous rappelle que les mémoires produits lors d’une procédure juridictionnelle ne sont pas des documents administratifs au sens de l’article L300‐2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, ces documents sont des documents d’archives publiques, selon la définition donnée par l’article L211-4 du code du patrimoine. La commission précise qu’elle est compétente pour examiner les demandes d’accès aux archives publiques, sur le fondement de l’article L340-1 du code des relations entre le public et l’administration. Elle souligne ensuite que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. Pour ce qui concerne les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, ce délai est ainsi fixé à soixante-quinze ans à compter de la clôture du dossier, délai qui peut être ramené à vingt-cinq ans à compter du décès de l’intéressé. Ce délai s’applique sans préjudice de la présence éventuelle d’informations couvertes par le secret médical, qui ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de cent-vingt ans à compter de la naissance de la personne intéressée, ou de vingt-cinq ans à compter de son décès. Toutefois, en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission vous précise que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En l’espèce, la commission relève que la demande est présentée par une personne désireuse de rassembler les mémoires produits devant votre juridiction en son nom. Dès lors et alors en outre que la qualité de partie à l’instance juridictionnelle la concernant lui conférait le droit d’avoir accès à l’ensemble des écritures et pièces communiquées par la juridiction, la commission estime que la communication des mémoires à cette personne ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, quand bien même l’intéressée entendrait rechercher la responsabilité professionnelle de son avocat. La commission vous indique par suite qu’elle estime qu’une autorisation de consultation par anticipation pourrait légalement être accordée en l’espèce.