Conseil 20232177 Séance du 11/05/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 11 mai 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable du document unique d’évaluation des risques (DUERP) dans la fonction publique compte tenu de la juxtaposition des dispositions en la matière, en particulier l’articulation entre l’article L4121‐3‐1 du code du travail et l’article L311‐1 du code des relations entre le public et l’administration. En premier lieu, la commission vous rappelle, à titre liminaire, que constituent des documents administratifs, en vertu des dispositions de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. L’article L4121-3-1 du code du travail dispose que le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) répertorie l'ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions. Aux termes du A du V ce cet article, issu de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, le DUERP, « dans ses versions successives, est conservé par l'employeur et est tenu à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d'un intérêt à y avoir accès. La durée, qui ne peut être inférieure à quarante ans, et les modalités de conservation et de mise à disposition du document ainsi que la liste des personnes et instances sont fixées par décret en Conseil d’État ». En vertu de l’article R4121-4 du même code, le DUERP doit, pendant une durée de 40 ans, être mis à disposition des travailleurs et anciens travailleurs pour les versions en vigueur durant leur période d'activité dans l'entreprise, des membres de la délégation du personnel du comité social et économique, du service de prévention et de santé au travail, des agents du système d'inspection du travail, des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale, des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L4643-1 du même code et enfin des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L1333-29 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L1333-30 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants. Il ressort des travaux parlementaires que la modification de l’article L4121-3-1 du code du travail, par la loi du 2 août 2021 précitée, vise en particulier à faciliter la recherche des causes de pathologies déclarées à distance par des salariés ou anciens salariés. La commission relève que ces dispositions du code du travail s’imposent à tout employeur, quel que soit son statut juridique, et qu’elles ne régissent pas entièrement les conditions d’accès au DUERP. Elle estime par suite que ces dispositions du code du travail ne font pas obstacle à l’application des dispositions des articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui garantissent à tout administré le principe de la liberté d'accès aux documents administratifs. La commission en déduit que le DUERP, lorsqu’il est produit par une autorité administrative en qualité d’employeur, en vertu de l'article 3 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, ou lorsqu’il est reçu par une telle autorité dans le cadre de ses missions de service public, revêt le caractère d’un document administratif au sens de l’article L300-2 de ce code, soumis au régime du droit d’accès régi par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Une demande d’accès à ce document peut donc s’exercer dans les conditions et sous les réserves prévues par ce code. En second lieu, la commission vous rappelle qu’en vertu de l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document, soit encore par publication en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6. L’article L311-9 de ce code propose donc, au choix du demandeur, quatre modalités alternatives d’accès aux documents administratifs. La commission déduit toutefois de l’économie du dispositif que le législateur n’a pas entendu exclure d’autres modalités d’accès, adaptées aux nouvelles technologies, lorsque celles-ci présentent pour le demandeur des garanties équivalentes. Elle relève, à cet égard, que la mise à disposition d’un document sur un espace de stockage sécurisé en ligne, auquel le demandeur peut librement accéder avec un identifiant et un mot de passe et à partir duquel il a la possibilité de télécharger et d’imprimer ce document, s’apparente, par les effets produits, à la transmission d’une copie sous format papier du document, par l’administration. Compte tenu de l’équivalence entre ces deux modalités de communication, une demande de communication d’une copie papier de ces documents auxquels le demandeur a par ailleurs accès dans son espace personnel en ligne est dès lors irrecevable, le refus de communication ne pouvant, dans cette hypothèse particulière, pas être regardé comme étant établi Dans une décision du 30 janvier 2020, n° 418797, le Conseil d’État a ainsi jugé que « Dès lors que des documents administratifs sont disponibles sur un espace de stockage numérique hébergé sur une plateforme, mis à la disposition de la personne qu’elle concerne par l’administration, auquel cette personne peut librement accéder sur Internet grâce à un identifiant et un code et à partir duquel il lui est loisible de télécharger le document demandé, elle doit en principe être regardée comme détenant ces documents, au même titre que l’administration. Par suite, elle n’est pas fondée à demander à l’administration de lui en donner accès au titre des articles L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration, sauf si des circonstances particulières, notamment des difficultés de connexion à son espace personnel, font obstacle à l’accès effectif à ces documents » (pour une application de ces principes, voir l’avis de partie II, n° 20215993, du 25 novembre 2021). La commission vous indique donc que la mise à disposition du DUERP par l’employeur ne peut valoir communication d’un document administratif que pour autant que cette mise à disposition présente pour le demandeur des garanties équivalentes à celles prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l'administration.