Avis 20232134 Séance du 11/05/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 avril 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre de sa recherche personnelle, du dossier de son défunt grand-père, conservés aux Archives nationales sus la cote suivante : Sous-direction des naturalisations 20010487/54 Dossier 1975 X 001822 : demande de naturalisation de Monsieur X né le X à X (Algérie). La commission rappelle à titre liminaire que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions fixés par l'article L213-2 du même code. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et de l’architecture a indiqué que le dossier de naturalisation concernée n’est pas librement communicable, étant couvert par le double délai de cinquante ans protégeant la vie privée des personnes, et de cent vingt ans à compter de la naissance de l’intéressé (ou vingt-cinq ans à compter de son décès), pour les pièces dont la communication porterait atteinte au secret médical, conformément aux dispositions du 2° et du 3° du I de cet article L213-2. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine constante (avis de partie II n° 20050939 du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II n° 20215602 du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En l’espèce, le directeur général des patrimoines et de l’architecture a indiqué à la commission que son refus était motivé par le fait que le ministre de l’intérieur, dont l’avis est requis en vertu de l’article L213-3 du code du patrimoine, lui avait fait part de son opposition à la consultation dans la mesure où Monsieur X ne justifiait pas du consentement du titulaire du dossier ou, si celui-ci était décédé, de l’existence d’un lien de filiation et d’un droit dont le demandeur pourrait se prévaloir. La commission constate toutefois que Monsieur X a produit devant elle des documents d’état civil établissant le lien de filiation avec Monsieur X, qui est décédé le 12 mars 1980. Elle relève également que les documents demandés intéressent directement la recherche personnelle de Monsieur X, qui s’est engagé à ne pas divulguer d’informations non librement communicables. Dans ces conditions, la commission estime que la communication des documents ne porterait pas une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet donc un avis favorable à la demande de Monsieur X.